Il y a des livres qui sont comme une intrusion poétique, une ballade inattendue, entre rêverie et réalité. Les livres de Vincent Hein sont de ceux-là.
À la faveur d’une mise en avant par la médiathèque de quartier, j’ai mis la main sur deux ouvrages de Vincent Hein, auteur que je n’avais jamais lu jusque là. Le premier, A l’est des Nuages, est un mélange de journal, de poésie et de petits faits. C’est comme le journal d’un voyageur statique, qui raconte sa découverte d’un pays, la Chine, comme si un guide touristique devenait soudain un œil poétique. C’est affolant comme Vincent Hein infuse ses mots dans la poésie. Ces petits riens que j’aime tant quand ils prennent l’allure d’un désordre lyrique. Ce recueil a quelque chose de très délicat (je n’ose dire chinois…) dans sa façon de compiler les jours et les pensées. Je parle souvent ici de mon amour des détails, de la façon dont leur observation est en soi un moment de poésie vivante. C’est cette poésie vivante, toute en sensibilité, que j’ai retrouvé dans l’ouvrage de Vincent Hein. Pour autant, nous ne sommes pas dans un monde imaginaire, mais bien en Chine, et l’auteur, français expatrié, se fait un plaisir de nous décrire sa réalité la plus quotidienne. Nous sommes immergés avec lui dans la culture chinoise, et parmi ce peuple de Chine qui se révèle parfois, souvent, moins exotique et plus mondialisé qu’on ne se l’imagine.
J’ai aimé ce mélange de journal de bord et de poésie, qui est une façon agréable d’aborder un pays encore inconnu pour moi. Et puis, le lecteur assiste à la naissance de l’amour, entre l’auteur et sa future femme. Délicatesse et humour sont convoqués pour décrire les premières heures de cette relation. Comme il est plaisant de lire des passages entiers mêlant autodérision, romantisme et trivialité. Parler d’amour sans sombrer dans le maniérisme et le sentimentalisme n’est pas donné à tout le monde. Vincent Hein fait glisser les mots et les sentiments, doucement, jusqu’à notre cœur de lecteur et on se laisse happer, voyageurs volontaires pour un séjour inoubliable.
Je vous laisse avec ces quelques lignes que j’adore, et que j’aurais tant aimé que l’on écrive pour moi :
« Elle a sur l’avant-bras gauche
Une petite veine bleue
Qui ressemble
A une minuscule voie de chemin de fer.
Je prendrai demain
L’express Shanghai-Pékin
Jusqu’à son cœur. »
Il va de soi que j’ai dévoré le second recueil de ses pensées de voyageur : L’Arbre à Singes. Dans la même veine onirique et réaliste à la fois, l’auteur, cette fois, nous emmène dans un périple allant de la Mongolie au Japon en passant par la Corée, avec sa femme et son fils. J’ai aimé retrouver ce lyrisme tout particulier et les mille petits détails qu’il sait nous donner à voir. Son écriture me fait penser à ces dessins chinois ou japonais que j’aime regarder de longs instants. Je peux passer facilement vingt minutes à observer les plumes d’une grue, sans y voir la moindre perte de temps : c’est une forme de méditation des plus apaisantes. La lecture des carnets de voyage de Vincent Hein me fait le même effet : il me ramène au sens aigü de la beauté qui se niche dans le moindre détail et petit fait.
Vincent Hein a publié il y a peu un nouvel ouvrage, Les Flamboyants d’Abidjan. Je ne l’ai pas encore lu, mais j’ai hâte, compte tenu du plaisir persistant après la lecture des deux premiers.