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  • Le Pouvoir Des Fleurs Pierre-Joseph Redouté

    Le joli mois de mai à commencé et quel meilleur moment pour aller s’entourer de fleurs ? Paris ne manque pas de jardins qui commencent enfin à retrouver un peu de vie, le festival de Chaumont entame sa belle saison (n’est-ce pas Keisha), et je ne sais pas vous mais moi j’ai envie de fleurs partout autour de moi. Je ne manquerai pas de m’offrir quelques pivoines (cadeaux que je me fais à moi-même dès que possible (ce sont mes fleurs favorites je dois l’avouer ! (même si j’aime aussi les renoncules et puis les tulipes (mais parlez-moi de pivoines et je suis tout à vous !))))

    Or donc des fleurs, partout, y compris au musée, et si je vous dis Pierre-Joseph Redouté, je sais que vous aurez immédiatement à l’esprit une subtile reproduction de fleurs sur vélin (et si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave ! (j’ai tendance à prendre mes obsessions pour des généralités.))

    Vous l’avez peut-être déjà lu ailleurs, mais on surnomme Redouté « le Raphaël des fleurs » (je crois que le Raphaël en question n’est ni le chanteur, ni le philosophe, ni une des Tortues Ninja mais le peintre du quattrocento (quant à moi je le surnomme plutôt le mec qui me fait acheter des cartes postales de ses illustrations pour ne pas les envoyer parce qu’elles sont trop jolies et que je préfère les garder.))

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    Redouté est arrivé dans l’histoire au moment des explorations du Nouveau Monde, et la mode des herbiers, exotiques ou locaux. Il a dessiné les fleurs comme personne, œuvrant auprès des reines, de Marie-Antoinette à Marie-Amélie (on se souvient tous de l’hollywoodienne mangeuse de macarons Marie-Antoinette, mais n’oublions pas la discrète épouse de Louis-Philippe Ier (mieux connu par moi-même sous le nom de « Tête de poire » grâce à Honoré Daumier)) qui nous a laissé Amélie-les-Bains.

    C’est ce maître de la fleur, honoré par les reines, que nous avons l’occasion de redécouvrir aujourd’hui grâce à une très belle exposition (et mon Dieu j’insiste sur le TRÈS BELLE (vous savez comme je peux être enthousiaste quand quelque chose me plaît.)) Le Musée de la Vie Romantique (déjà le nom, ambiance amour et fleurs fraîches) réunit quelques unes des plus belles aquarelles. Même si l’on n’aime pas la botanique (science pourtant fort intéressante) on ne peut que tomber sous le charme de ces planches. Redouté réunit ensemble art et science avec des dessins d’une beauté et d’une précision redoutable (vous l’avez le jeu de mots là ? il est moyen je reconnais.)

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    C’est peut-être cela le plus intéressant pour moi : on peut voir cette exposition de diverses façons. Soit on se laisse simplement porter par la maîtrise du pinceau, et l’on admire la reproduction de la nature dans tout son éclat, soit on s’attarde sur les connaissances botaniques de l’époque et on découvre un véritable âge d’or des Sciences Naturelles.

    Je vous parlais récemment de l’expo « Jardins » du Grand Palais, cette exposition Redouté vient à merveille la compléter, tant on peut observer les progrès de l’horticulture, qui a mené à la belle folie des jardins à la française.

    Mais cet art botanique n’est pas figé dans le passé ! Ainsi, aux aquarelles et divers objets fleuris de l’époque de Redouté, viennent s’ajouter des créations contemporaines, qui témoignent de l’actualité de cet art.

    Une expo d’autant plus belle qu’une mise en scène fleurie vient embellir la promenade du visiteur.

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    Le Pouvoir des Fleurs – Pierre-Joseph Redouté

    Musée de la Vie Romantique

    Du 26 avril au 1er octobre 2017
    De 10h à 17h30, du mardi au dimanche

    De 0€ à 8€ pour le tarif plein

  • Les Filles au Lion - Jessie Burton

    Véritable coup de cœur de mon mois d’avril, Les Filles au Lion est le dernier roman de Jessie Burton.

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    Commencé un soir d’ennui, je n’ai pu le lâcher jusqu’à la fin (autant dire que ma nuit fut courte.)

    Le roman raconte en parallèle deux histoires, deux époques et deux jeunes femmes. La première, Odelle, est une jeune caribéenne de Trinidad-et-Tobago, exilée à Londres à la fin des années soixante suite à des études brillantes, pour y trouver une situation à la hauteur de ses aspirations et devenir écrivain. Mais cela fait cinq ans qu’Odelle vend des chaussures, et que son ambition s’amoindrit. Bientôt pourtant l’univers d’Odelle sera bouleversé : sa colocataire va se marier et quitter leur appartement, un jeune homme et son tableau vont croiser sa route, et enfin, notre héroïne va rencontrer une femme, Marjorie Quick, qui lui permettra de changer d’emploi et de relancer son envie d’écrire et d’être publiée.

    La seconde histoire nous emmène en 1936 en Espagne, à la veille de la guerre civile. Une famille composée d’un galeriste autrichien, d’une anglaise mélancolique, et de leur fille arrive dans une Espagne encore marquée par l’extrême pauvreté. La jeune fille, Olive, est peintre, mais son père ne prend guère cette passion au sérieux, tant pour lui les femmes sont incapables d’avoir une vision artistique. Alors Olive peint pour elle-même, même si elle a été acceptée dans une grande école d’art à Londres. Teresa et Isaac Robles sont deux espagnols, frère et sœur, pauvres mais débrouillards, passionnés et aussi intenses que le permet leur jeunesse. Isaac peint également. Sur fond de début de guerre civile va se jouer dans la villa espagnole une comédie des amours, des regrets, des cachotteries et des déceptions.

    En parallèle, le lecteur découvre avec Odelle un tableau, dont il apparaît vite qu’il est le pont entre l’histoire d’Olive et celle d’Odelle.

    Cette histoire est la même dans le fond : l’émancipation d’une femme, ou l’impossibilité de son émancipation. La difficulté d’être soi quand la société tout entière vous en empêche, économiquement, socialement et culturellement.

    L’histoire est très bien menée : c’est un puzzle réussi, où chaque pièce vient se mettre naturellement en place. Il y a une fluidité toute attachante dans la manière dont Odelle conte son histoire. Du côté d’Olive on ressent également cette fluidité dans le déroulé du récit. Jessie Burton fait là aussi preuve de beaucoup de minutie. Les détails du quotidien, d’un paysage, des sentiments : autant de moments de grâce dans son écriture. Beaucoup de choses affleurent : le racisme ordinaire dans un Londres des sweet sixties, un certain féminisme naissant, un propos artistique très bien articulé. Et pour autant cela reste un roman fluide, et jamais alourdi par un propos militant. C’est sa force : le lecteur constate que ces thèmes surgissent naturellement, dans un contexte, une histoire, et une évolution.

    Et il y a l’amour, forcément l’amour. Avec son lot de malentendus et de déceptions.

    Au milieu de tout cela : un tableau, étrange et magnétique, qui finira par envoyer chaque protagoniste à sa juste place, comme un totem magique.

    Il est difficile d’en dire plus sans dévoiler plus encore l’intrigue. Il y a tout à découvrir entre ces pages.

    Olive, Teresa et Odelle sont restées longtemps à flotter dans la pièce après que j’ai eu fini de lire leur histoire. Burton sait à merveille imprimer des portraits dans notre mémoire.

     

    Jessie Burton – Les Filles Au Lion

    Gallimard – Traduit par Jean Esch

     

    Extraits-

    « On ne connaît pas forcément le sort qu’on mérite. Les moments qui changent une vie — une conversation avec un inconnu à bord d’un bateau, par exemple — doivent tout au hasard. Et pourtant, personne ne vous écrit une lettre, ou ne vous choisit comme ami, sans une bonne raison. C’est ça qu’elle m’a appris : vous devez être prêt à avoir de la chance. Vous devez avancer vos pions. »

    « Son père disait toujours que les femmes pouvaient prendre un pinceau et peindre, bien sûr, mais la vérité, c’était qu’elles faisaient rarement de bons artistes. Olive n’avait jamais très bien compris la différence. Depuis que, toute petite, elle jouait dans les recoins de sa galerie, elle avait entendu Harold évoquer cette question avec ses clients, des hommes et des femmes, et souvent les femmes partageaient son point de vue, préférant investir leur argent dans de jeunes hommes plutôt que dans des personnes de leur sexe. L’idée qu’un artiste était nécessairement un homme était tellement répandue qu’Olive elle-même avait fini par y croire, à certains moments. En tant que fille de dix-neuf ans, elle était la face cachée, la mascotte tenace et courageuse de l’amateurisme. Mais désormais, à Paris, Amrita Sher-Gil, Meret Oppenheim et Gabriele Münter avaient toutes leur atelier, Olive avait même vu leurs œuvres de ses propres yeux. N’étaient-elles pas des artistes ? La différence entre un peintre ordinaire et un artiste tenait-elle simplement au fait que les gens croyaient en vous, qu’ils dépensaient deux fois plus d’argent pour acheter votre travail ? »

    « Trois jours plus tard, Quick m’a invitée chez elle. J’avais mentionné en passant que mon anniversaire approchait et j’avais trouvé sur mon bureau une petite carte me conviant à venir déjeuner le samedi. J’étais aux anges. Il n’était pas convenable que des employeurs et des employés se fréquentent de cette façon, mais ma curiosité l’emporta sur mes réserves. Je n’ai rien dit à personne.

    Mes chaussures cliquetaient sur le trottoir, et l’impression de vivre une aventure s’intensifiait. L’été vivait ses derniers jours ; Londres était un gaz d’échappement, un mégot de cigarette sur le pavé, un ciel chargé de cirrus. Je devenais une observatrice expérimentée des poussées irrégulières et des cicatrices de l’habitat londonien. Les codes postaux, la brique, rosier ou pas, le décrottoir, la hauteur du perron ou son absence constituaient un langage que j’avais appris. Vous ne pouviez pas vivre ici sans remarquer les différences entre les rues où régnaient la paix ou le chaos, un chien galeux vautré près du caniveau, des enfants en haillons, une haie de buis bien taillée, un rideau soulevé qui dansait. À Londres, il existait de nombreuses façons de vivre, mais peu de façons de changer de vie. »