Dans ma quête de lectures à partager, après Aristophane, je me suis jetée sur la suggestion de Maggie de se plonger dans Cinna de Corneille !
Voilà une vraie découverte pour moi, car je n’ai pas ouvert une pièce de Corneille depuis le collège. J’aime bien Racine, j’adore Molière, mais Corneille, bof, je n’ai jamais creusé plus que nécessaire.
Donc Cinna, qu’en est-il ? Sa première caractéristique est technique : c’est la première pièce de Corneille qui respecte la règle des unités de temps, de lieu et d’action. Passé cela, nous avons cinq actes d’alexandrins forcément bien travaillés pour nous conter l’histoire de la clémence d’Auguste envers Cinna. Auguste, empereur de Rome, a assis son autorité, comme tout le monde à l’époque, à l’aide de quelques meurtres et d’une cruauté nécessaire. Voilà qui appelle forcément la vengeance et la haine à son encontre. Notamment celle d’Emilie, sa filleule dont il a tué le père, et Cinna, l’amoureux de cette Emilie. Auguste est conscient du tumulte autour de lui, des désirs de vengeance qu’il peut susciter, et lassé de vivre sur ses gardes, il sent bien que l’autoritarisme et la punition cruelle ne l’aideront pas à tenir longtemps. Quand bien même, ce n’est pas vivre que de vivre toujours dans la crainte et aux aguets.
La pièce met en scène la douleur d’Emilie, qui ne pense qu’à venger son père, malgré les bienfaits dont la comble Auguste, l’amour de Cinna qui vient plonger dans ce fleuve de vengeance et se trouver tourmenté par des appels contradictoires de sa conscience. La bonté d’Auguste envers les conjurés, Emilie, Cinna, et aussi Maxime, les porte à de nombreuses réflexions sur le bien-fondé de leurs actions envers un homme qui se fait leur protecteur et bienfaiteur.
Quand au terme de ces tergiversations chacun ira dire sa vérité devant Auguste, ce dernier aura encore cette intelligence qu’on attendrait de beaucoup aujourd’hui : faire preuve de clémence pour avancer. La clémence d’Auguste ne vient pas comme une évidence, elle accouche dans la souffrance, pour la simple et bonne raison qu’on ne fait la paix qu’avec ses ennemis. Le choix des hommes est simple, aujourd’hui comme du temps d’Auguste et Cinna : soit l’on se fait éternellement la guerre, soit l’on décide qu’il n’y a pas de vie apaisée pour chacun, sans l’apaisement de tous.
Je n’ai pu m’empêcher de penser aux différents conflits actuels qui émaillent l’actualité, et au fait que chacun renvoie la balle de la culpabilité à l’autre « c’est toi qui a commencé, je dois me venger, et si tu te venges, je me vengerais de ta vengeance après » ad libitum.
La véritable intelligence politique consiste à s’asseoir avec son ennemi à la table de la paix.
Ceci étant dit, si j’ai bien aimé le fond de la pièce, le propos, je me suis rendu compte que j’avais un peu de mal avec les alexandrins sur la durée. C’est une gymnastique que je ne pratique plus, pour ce qui est du théâtre. Cela demande un œil, une attention différente. Quelque part, j’ai réveillé un muscle que j’avais endormi :)
Merci Maggie pour cette lecture commune !