Douglas Coupland c’est l’auteur de toute une génération, la Génération X, du nom de son premier roman, qui a su décrire ce phénomène de culture accéléré, la schizophrénie de notre société et le bazar littéral dans le quel nous vivons.
Toutes les familles sont psychotiques…
Avant même de lire ce roman, d’en connaître le titre, c’est une formule que je me répétais comme un mantra plus jeune. Quand mes parents se disputaient ou qu’une quelconque frénésie prenait la maison, créant embrouilles, discussions oiseuses et éclats de voix, je me disais en moi-même que nous n’étions qu’une famille comme les autres avec ses problèmes et ses joies. Que nous n’étions pas à part, les seuls au monde à connaître des disputes. Je le disais pour me rassurer, rassurer la petite fille que j’étais, que nulle famille au monde ne connaissait un bonheur parfait et égal. Egoïstement, ça permet de traverser plus facilement des moments difficiles…
Bref, toutes les familles sont psychotiques, et la famille Drummond guère plus qu’une autre.
Douglas Coupland maitrise parfaitement l’art de la surprise, de la description des vies intérieures de chacun aussi.
Au début du roman, nous sommes avec une gentille petite famille nord-américaine, Ted, Janet, et leurs enfants Wade, Bryan et Sarah. Tout ce petit monde est réuni à Cap Canaveral pour assister au départ dans l’espace de Sarah, le petit génie de la famille.
Mais la façade idéale va se fissurer très vite.
Passée la surprise d’apprendre que Ted et Janet sont en fait divorcés, que Wade est une sorte d’escroc à la petite semaine, que Bryan ne sait que se suicider ou confier sa vie à une jeune femme grenouille de bénitier, que le marie de Sarah la trompe avec la femme d’un autre astronaute, passé cette surprise, on ne fait qu’assister à la course folle d’une famille vers quelques chose. Quelque chose qu’on pourrait désigner par l’apaisement de l’esprit, le besoin d’être réconforté et rassuré.
C’est une famille secouée de névroses, comme nous en avons tous, mais aussi hanté par la maladie. Le SIDA, attrapé par ce coureur de jupons de Wade, qu’il a transmis à sa mère alors qu’elle s’interposait entre lui et un revolver, le cancer du foie de Ted, le père, et le SIDA de Nickie, sa nouvelle épouse. Sans oublier la main en moins de Sarah, dont la mère Janet prenait du Thalidomide avant sa naissance…
C’est un drôle de tableau, qu’on pourrait croire sombre, mais en fait ce n’est que la façade. Derrière il y a des êtres humains plein d’amour et de joies, de colère, de haine aussi, mais pétrie de tendresse. La tendresse qui les unit tous ne peut être niée. En témoigne la folie dont chacun eut faire preuve pour aider l’autre. Partant à la chasse d’une mystérieuse lettre, au travers de marais, d’individus louche, la rencontre d’un être étonnant finira par les réunir encore une fois dans des explosions d’étrangetés et de délires uniques.
Nous sommes tous malades, psychotiques, névrosés. Seulement nos névroses nous paraissent plus enviables que celles des autres et nous ne leur donnons pas ce nom honteux. Pourtant il ne s’agit rien d’autres que de ça, de névroses et de notre manière d’agir avec les autres, nos cachotteries, nos envies, nos espoirs secrets, tout cela ne nous rend ni meilleurs ni pire, juste différents.
J’ai adoré passer ces quelques pages avec la famille Drummond et l’infinie tendresse qu’elle projette. J’ai été mal à l’aise parfois, avant de reprendre à mon compte ce regard incroyable de Coupland sur ses personnages. On en peut que s’identifier, malgré toutes ces « tares », parce qu’au fond, le plus important, reste cette course commune que nous faisons tous vers l’apaisement et le bonheur.
Toutes les familles sont psychotiques - Douglas Couplant
389 pages
Dans les 20€ en grand format (Au Diable Vauvert) ou 8€ en poche (chez 10-18)