Sortir des agapes de fins d’années et se rappeler de ce récit de Jean-Marie Gustave Le Clézio, Ritournelle de la Faim… Cette lecture de la fin de l’année dernière m’a marquée, comme tout ce que peut écrire Le Clézio.
Nous sommes au début des années trente, dans un Paris encore gai, habité par les promenades quotidiennes d’un grand-père et de sa petite fille.
La jeune fille, c’est Ethel, débarquée quelques temps auparavant avec sa famille de la chaleur des îles pour ce Paris plein de promesses, mais de pièges aussi. La vie de Ethel, c’est le collège, sa famille, avec des parents très bohèmes, petite noblesse presque déclassée, toujours à courir après l’argent, surtout parce que le père le dépense inconsidérément, le prête, le donne, l’investit, avec autant de folie que celle qu’il met dans ses idées, ses projets, aussi gonflés et vides qu’un ballon de baudruche. La mort du grand-père chéri laisse à Ethel un petit héritage, dont s’emparera le père, tout confit dans sa veulerie et son besoin de briller en société, dans son appartement qui fait salon et table ouverte au moins aimables des pique-assiettes possible.
Ethel voit mourir avec son grand-père la promesse de recréer un autre cocon de chaleur et d’exotisme à paris, et surtout la petite sécurité financière qui lui était offerte. Elle regarde ses parents tomber, et avec eux déchoir le respect, les valeurs et les principes qui pouvaient être un soutien. La passion que nourrissent les deux parents pour eux-mêmes oblige Ethel à grandir plus vite que nécessaire, et la ruine causée par son père, la guerre qui éclate, l’extrême pauvreté, c’est ce qu’elle devra porter en elle, comme un fardeau invisible. Ce fardeau va l’emmener jusqu’à Nice, où bonne fille, elle sera pour ses parents le soutien sans faille qu’ils n’ont pas été pour elle. Cette ritournelle de la faim, cette petite musique du manque, elle nous accompagne tout le long du livre, quand, spectateur nous assistons à la chute, à l’extrême pauvreté, au courage et à la force aussi.
Et si ce récit est un hommage à la mère de l’auteur, on comprend vite comment une femme d’une telle vitalité, d’une telle loyauté aussi, peut marquer à jamais.
C’est un roman court, qui opère un charme particulier, mélange de compassion et d’affection.
Le Clézio conclut son récit par cet aveu : « J'ai écrit cette histoire en mémoire d'une jeune fille qui fut malgré elle une héroïne à vingt ans » une héroïne qui m’a plu.