J’ai découvert Richard Powers avec la Chambre aux échos. Et déjà son sens du détail, technique entre autres, en faisait un auteur fascinant.
Gains est sa dernière parution en France. Powers retrace une généalogie du capitalisme et de la consommation moderne, à travers la société Clare. Plus de 150 ans de pratique commerciale s’étalent sous nos yeux, et on voit comment une petite société de savons devient un empire, en jouant de la publicité, de la stratégie marketing et l’incessante création de nouveaux désirs consuméristes. Le but unique, c’est le gain, encore et toujours, l’argent comme unique moteur d’une société en plein délire. La société Clare s’agrandit, s’enrichit, et s’épanouit comme une sorte de plante tentaculaire, mais une plante toxique, qui n’aura cure des conséquences de son âpreté aux gains, des poisons qu’elle relâche dans l’atmosphère. Car nous sommes dans une société des apparences et des mots, où la seule qualité de l’écologie est d’être une étiquette qui permet de vendre encore un peu plus
En parallèle de cette histoire capitaliste, on suit la vie de Laura Bodey, agent immobilier qui vend du rêve américain sous forme de maisons à Lacewood, Illinois. La vie de Laura bascule quand elle se découvre un cancer des ovaires, résultat de l’empoisonnement chimique de son environnement.
On retrouve alors la plume presque clinique de Powers, qui raconte ainsi la croissance de la tumeur de Laura, miroir de la croissance monstrueuse de la compagnie Clare. Et c’est comme si l’on sentait sur le visage de l’humanité une excroissance terrible, qui la défigure et l’assassine à petit feu.
Powers interroge jusqu’à nos façons de consommer, notre acceptation de tout ces désirs nouveaux. Ces envies qui deviennent des besoins. Nous sommes notre propre esclave, notre meurtrier : jusqu’à quel point une société peut tenir ainsi ?
La lutte de Laura contre son cancer, contre l’entreprise commercial qui l’a provoqué par sa négligence et son unique souci du gain, c’est la lutte d’une partie de l’humanité qui regarde l’autre partir dans une course folle vers la croissance, la consommation…
La massification des gouts, c’est avant tout la recherche du gain, pas forcément un progrès sociale ou sanitaire, ou technologique. Ce sont autant de questionnements auxquels nous invite Richard Powers.
Et j’avoue avoir pensé, en le lisant, aux keynotes d’Apple, tout les 6 mois, pour nous annoncer un ènième Iphone, ou Ipad, avec quelques millimètres de moins, une fonctionnalité en plus, et je pense aux millions de gens qui vont religieusement acheter le tout dernier modèle d’ Ipad, d’Iphone, d’Imac, et je pense aux cimetières technologiques où vont atterrir les matériels désormais obsolètes, et puis je pense aux salariés bien maltraités de Foxconc qui payent de leur santé, de leur vie, le privilège d’avoir un salaire minable, afin que nous profitions tout les 6 mois de la dernière trouvaille d’Apple pour gonfler ses gains, et nous de flatter notre égo boursouflé de consommateur égoïste.
Bref, un livre fort, très fort, qui réussit à puiser dans des épreuves personnelles, intimes, de quoi interroger l’humanité.
J’ai eu le plaisir de lire ce roman dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire, organisé par Priceminister. Merci encore à Oliver pour cette organisation.
Ma note : 18/20
Gains - Richard Powers
Le Cherche Midi - 22€
Commentaires
je ne suis pas sure d'avoir envie de lire ce type de livre tellement j'ai la tête enfouie dans le capitalisme et ses gains quand je travaille ....
Un livre très contemporain on dirait. Cela semble idéal pour réfléchir un peu sur le monde qui nous entoure...
Je sais que tu aimes l'auteur, et sa plume "presque clinique" dis tu mais parfois l'émotion pointe..
Bises
Je le mets tout de suite sur ma liste pour Noël !
En lisant le résumé, lors du choix des Matchs, il ne m'a attiré du tout mais tu en parles si bien que tu me donnes envie! Merci pour ton avis!
C'est vraiment un livre brillant que chacun devrait lire.
Richard Powers pousse son lecteur à un réflexion profonde sans aucun prosélytisme!
le gros pavé m'impressionne mais ta critique donne très envie de s'y plonger ...j'avais lu une première critique chez Georges...à mettre sur ma to read list alors )