Il ne faut pas plus qu'une date anniversaire pour trouver prétexte à lire et relire les poètes qu'on aime bien. Avec Paul Eluard, Robert Desnos, André Breton et quelques autres encore, il y a René Char, poète qui surgit dans une époque magique à mes yeux, malgré la guerre, malgré les combats. Ou peut-être parce que ces combats conféraient à l'époque une gravité toute particulière, une gravité qui trouvait dans le génie de ces poètes une façon de s'accomplir.
Les poètes sont éternels.
Aujourd'hui, plus que de rappeler la date anniversaire de la mort de René Char, je fais appel à ce dernier pour nous rappeler, et me rappeler, à l'essentiel :
tu es pressé d'écrire
comme si tu étais en retard sur la vie
s'il en est ainsi fais cortège à tes sources
hâte-toi
hâte-toi de transmettre
ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
effectivement tu es en retard sur la vie
la vie inexprimable
la seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir
celle qui t'es refusée chaque jour par les êtres et par les choses
dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
au bout de combats sans merci
hors d'elle tout n'est qu'agonie soumise fin grossière
si tu rencontres la mort durant ton labeur
reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
en t'inclinant
si tu veux rire
offre ta soumission
jamais tes armes
tu as été créé pour des moments peu communs
modifie-toi disparais sans regret
au gré de la rigueur suave
quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
sans interruption
sans égarement
essaime la poussière
nul ne décèlera votre union.
Commune Présence