Je me suis promenée de long en large sur le périmètre restreint de mon cœur. Comme je m’y ennuyais, j’ai préféré faire des listes, des micro-listes sans queue ni tête, des listes comme le prêt-à-porter de mes envies, de mes rêves et de mes désirs.
J’ai fermé les yeux, et j’ai vu les petites étoiles accrochés au ciel de ma mémoire. Une par une, elles marquaient de leur empreinte brillante la bonté de l’un, la gentillesse de l’autre, le sourire accordé par un ami dans le brouillard de mes peurs, la tendresse chaude et légère de celui qui ne voulait que rassurer et réconforter dans la nuit de mes angoisses. J’aime bien regarder ces petites étoiles, et me rappeler…
Alors j’ai fait la liste de mes gratitudes et des remerciements, la liste des mots qu’il sera doux de dire à l’ami, à l’amie, à la présence silencieuse et solide.
Puis, j’ai fait la liste des cartes, et des enveloppes, et du papier, et puis des stylos, chacun choisis pour correspondre à la personne qui les recevra, pour tenter d’arracher un sourire peut-être. Ecrire à quelqu’un, c’est une attention, une intention aussi, une façon de créer un lien, un fil de soie particulier…
Ensuite, j’ai fais la liste des terrasses de Paris, des jardins et des allées dans lesquelles je pourrais me promener, m’asseoir, au printemps. Je l’attends ce printemps, et si j’évite la liste des jours à tuer avec qu’il arrive, je réfléchis souvent à l’odeur qu’auront les fleurs, et puis l’air, le ciel, embellit du retour des oiseaux. Je pense aussi à celui qui pourrait s’asseoir à côté de moi, dans une de ses allées. Peut-être que je ne le connais pas, et je n’anticiperais pas la liste de ses qualités, mais j’aimerais qu’il puisse s’asseoir dans avoir peur du silence, sans craindre d’observer chaque menu détail d’un paysage, dans ce silence fait d’union et de compréhension mutuelle.
Après, comme je reste la même, j’ai fais la liste des jolies robes, des jupes légères, qu’il me tarde de porter, sans laisser mes jambes étouffer dans des collants ou des chaussettes de plus en plus pesant. Je repense à la voix de Romy, qui écrit à Samy Frey, la lettre de Rosalie, qui raconte la petite robe bleue, et la petite robe blanche, faussement achetée au marché des vacances. C’est comme ça… Il arrive qu’on ai envie d’être amoureuse, qu’on ai envie de dire à un homme, à l’homme, celui qui reçoit ces lettres, regarde, je vais bien, je me suis acheté une petite robe au marché du matin, tout va bien. Je ne t’écris que pour dire ça, tout va bien, écris moi…
Alors je fais la liste des lettres, réelles ou imaginaires, celles que je n’enverrai jamais, celles qui les remplacent, avec d’autres mots, plus gais, plus enjoués, tout en espérant qu’un miracle arrivera et que l’on saura lire entre les lignes, l’alphabet anxieux de mes envies, des mes espoirs.
Je repose le stylo, laisse tranquille le clavier du téléphone, de l’ordinateur, et je fais la liste mentale de mes vœux, de mes petites superstitions, des mots que je ravale pour ne pas insulter la jalousie du Ciel…
Je fais la liste des bouquets de pivoines orphelins, un pour chaque moment important, et je me promets au printemps d’aller les chercher, de les cueillir chez un quelconque fleuriste, que le mois de mai me noie sous les centaines de pétales roses, blancs, crème.
En attendant, je regarde la liste des jours à tuer avant le printemps.