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nana mouskouri

  • Souffrir passe. Avoir souffert ne passe pas.

    Je ne sais plus de qui est cette phrase, pardonnez moi...

     

    Nous sommes fin août, à quelques jours de la rentrée. J’en suis soulagée et heureuse. Vous aurez compris à mon manque d’entrain tout le mois de juillet et à ma langueur (pas monotone…) que les mois d’été sont pour moi des moments délicats. Pour de nombreuses raisons. J’ai du mal à l’expliquer vraiment, c’est un fatras dans ma tête, mais un fatras auquel je tiens.

    C’est étrange de s’avouer cela : qu’il y a des douleurs et des souvenirs presque trop intenses, auxquels on tient… Mais c’est ainsi. Le changement qui s’est un peu opéré en moi, heureusement, c’est que je sais dorénavant que je peux avancer et créer à nouveau, sans trahir ce qui a été.

    Alors voilà, je n’ai pas changé sinon en un an, et je remets des mots que je pensais très fort déjà l’an dernier…

     

    Où es-tu passé, mon passé
    Perdu dans les gorges de la Chiffa ?
    Le ruisseau oublie la guerre
    L'eau coule comme naguère
    Les enfants ne font plus de grimaces
    Ils dansent dans la vallée
    Ils oublient leur faim et leur race
    Ils jouent en liberté

    Où es-tu mon passé
    Si beau, si loin, si près ?
    Où es-tu passé mon passé
    Là-bas, ici ou à côté ?

    Les pique-niques en famille
    Les chapeaux de paille en pacotille
    Les tomates ruisselantes d'huile d'olive
    Les moustiques partaient sur l'autre rive
    C'était le temps de la puberté,
    Nous chassions les mauvaises pensées
    Les arbres nous tenaient à l'ombre
    Nos cœurs amoureux étaient sombres

    Où es-tu mon passé
    Si beau, si loin, si près ?
    Où es-tu passé mon passé
    Là-bas, ici ou à côté ?

    Où es-tu passé, mon passé
    Dans ce village de cyprès
    Où coule la source la plus belle ?
    Comme un oiseau, mon âme a pris ses ailes
    Pour monter là-haut dans le ciel bleu
    Rejoindre ce monde étrange de feu,
    Le jardin parfumé des artistes,
    Graver un nom de plus sur la liste

    Où es-tu mon passé
    Si beau, si loin, si près ?
    Où es-tu passé mon passé
    Là-bas, ici ou à côté ?

    Mon pays sent bon le jasmin
    J'aimerais y retourner demain
    Les fleurs ne sont plus arrosées
    La terre rouge s'est refermée !
    La guerre assassine les innocents,
    Les vieux, les femmes et les enfants
    Et le ruisseau de ma jeunesse,
    Léger, danse avec ivresse

    Où es-tu passé, mon passé ?
    Le soleil se couche derrière les orangers
    J'ai peur d'oublier mes souvenirs
    Non, non, il ne faut pas mourir !

    Paroles J-C Brialy / Musique P Amoyel

     

     

    Où es-tu passé mon passé ? C'est une question que je me pose quelquefois. La mémoire est  une obsession chez moi. Plus que la mémoire le regret de celle-ci. Je ne suis pas une personne particulièrement cafardeuse, mais je peux verser facilement dans  la mélancolie des souvenirs passés. J'aime la vie, le mouvement, l'idée que chaque nouveau jour offre un champ infini de possibilité. Mais je reste fidèle à ma mémoire et attachée à mon passé.

    Pour tout dire, j'ai du mal avec la fin : les souvenirs ce sont avant tout des choses qui se sont terminées, qui n'existent plus. On ne peut plus rattraper le passé, il est, comme dit la chanson, si loin et si près, et je ne peux le toucher.

    J'ai plus de 30 ans et cela fait bien 20 ans que j'attends de grandir, de devenir adulte. Plus petite, j'étais assez mystique, et je pensais qu'il viendrait un message d'on ne sais où, qui me dirait le moment venu, quoi faire, comment et pourquoi le faire. Et je prenais pas mal de choses au pied de la lettre. Je n'étais déjà pas très intelligente : je pensais que vers 18-20 ans, je deviendrais brusquement quelqu'un d'autre, une adulte portée vers son avenir, avec la maturité et la sérénité nécessaire à l'accomplissement de ce long chemin qu'est la vie.

    Mais non. Il n'y a jamais eu de message descendu des nuages, il n'y jamais eu cette transformation d'une enfant en une adulte accomplie. Il y a juste la même personne encore assez lucide pour comprendre que chaque moment qu'elle vivait, qui se terminait, était un morceau d'elle qui lui était arraché.

    Je n'aime pas le temps tel qu'on en a conscience, c'est-à-dire le temps linéaire, l'abscisse terne et trop simple. Je préfère m'accrocher à l'idée que le temps possède plusieurs dimensions. Je suis cataloguée comme littéraire (malgré mon amour des fautes d'orthographe...) mais les sciences physiques m'ont toujours attirés. L'étude de la physique est comme celle de la philosophie : un facteur essentiel de la construction de l'âme humaine.

    Le temps m'échappe, il file entre mes doigts, et ce qui est passé ne reviendra jamais. J'ai cherché des moyens de me rassurer, de trouver des réponses qui me conviennent. La lecture physique du temps que j'ai pu découvrir chez Einstein, Minkowski ou Planck a pu me donner un peu d'espoir d'un point de vue théorique, mais il n'en restait pas moins que le passé ne revient pas car je ne sais pas dépasser cette dimension linéaire. J'ai longtemps crû qu'en les lisant bien et consciencieusement, je pourrais comprendre ce que ces physiciens démontraient, et alors je serais assez maligne pour sauter dans une autre dimension du temps : quand je vous dis que je ne brillais guère par mon intelligence... Bref, j'ai fini par comprendre qu'en allant plus vite que la lumière j'arriverais à peine à retourner quelques secondes en arrières... Vanité. Je continue à creuser ces théories bien compliquées pour ma petite cervelle, mais en parallèle je me suis intéressée à la notion ésotérique et philosophique  du temps, avec des référents tels que Mircea Eliade, Zénon,René Guénon ou Bertrand Russel. Mais aussi intéressante que soient ces lectures (et franchement elles le sont !), elles ne m'ont jamais apporté la solution immédiate et concrète que j'attends : le moyen de rattraper ma vie dans tous ses moments particuliers qui me sont chers.

    Je pensais qu'être adulte c'était accepter de laisser les choses derrières soi, pour ne regarder que devant, ou tout au moins accepter sereinement de ne pas tout maitriser en ce domaine.

    Alors j'attendais que ça vienne, la sérénité, le renoncement. Mais le temps se contente de passer, avec lui les moments et les souvenirs, les sentiments, l'amour, la mémoire.

    Je ne suis plus aussi angoissée par le temps qu'à 17 ans, mais je reste dépitée par l'idée que je ne peux contrôler le temps. J'aimerais pouvoir sauter allègrement de l'année 1981 à 1992, revenir aujourd'hui et repartir en 1986. Pourquoi les choses se terminent-elles ? Pourquoi ne peut-on revivre éternellement nos moments préférés. Je ne renie pas l'avenir pour autant, parce que le passé a été un moment un avenir qui m'a offert de nouvelles joies.

    Je revois mon enfance, des moments d'incroyable insouciance, le soleil dans le jardin de mes parents, ma grand-mère, les oliviers et la colline qui grimpe vers Akbou.

    Mon passé c'est le ruisseau qui coulait derrière la maison, les expéditions avec mes cousins dans le verger, comme si c'était une forêt mystérieuse, le sommeil lourd de la sieste quotidienne, les premiers garçons, les lectures d'auteurs inconnus...

     

    Je voudrais qu'il n'y ait que des premières fois qui durent toujours