J'ai du mal avec l' amour.
Pourtant ce n'est pas faute d'avoir essayé : un mariage et demi, des tas de fiancés qui ont tenu sur de longues distances, j'ai même eu un enfant avec un légitime époux approuvé fiscalement.
L'amour est au centre de la vie, simplement parce qu'on côtoie les gens et que tant qu'à faire, essayons de les apprécier, m'enfin pas tous, il y en a des moches quand même. Non, je plaisante, j'aime aussi les moches. Je mets sous le vocable amour cette espèce de coup de cœur qui te pousse vers une personne, homme ou femme, qui te fait apprécier son être entier, son caractère, ses pensées, ses bêtises comme ses plus belles fulgurances. L'amour, l'amitié c'est pareil au début. Et ce début est génial, merveilleux. Regarder cette personne et ne voir en elle que l'appréciable, le beau, et même le laid on lui pardonne, après tout qui peut se targuer de perfection ?
On apprécie ce qui chante à notre âme et à notre cœur : l'amour nait d'abord de la validation d'une rencontre par nos critères intérieurs. On aime une personne par ces raisons qui ne tiennent qu'à nous. C'est une alchimie secrète, un mystère qui permet la réalisation du grand œuvre. Tu connais les étapes du Grand œuvre qui permettent la réalisation de la Pierre Philosophale : l'œuvre au noir, l'œuvre au blanc, l'œuvre au jaune et l'œuvre au rouge. Si j'osais, je rajouterais ce romantique et niaiseux œuvre au rose : la savante transformation qui s'opère en nous pour aboutir à l'Amour.
L'Amour dans le couple peut durer longtemps comme ça, si l'on laisse simplement s'opérer et accepter l'alchimie naturelle : ainsi on aime l'autre pour ce qu'il correspond à notre propre formule magique. Mais ça n'est jamais si simple. Pourquoi se met-on toujours, souvent, parfois, en situation d'interpréter ce qu'est réellement l'autre au risque de la déception. Plus généralement on apprécie une globalité en espérant que les détails inadéquats resteront des détails surmontables, voire transformables. Parfois même, fous que nous sommes, on aime ce que l'on déteste car c'est un sentiment plus puissant qui nous gouverne.
Alors c'est quoi ce truc ? Oui je dis truc parce que je ne comprends vraiment pas ce dont il s'agit. Je ne parle que pour ma propre expérience bien sûr, et peut-être manqué-je de sensibilité ou de compréhension ? La constatation que je fais est simple : je sais ce qu'est l'amour-amitié qui me fait aimer les gens sans sous catégories autre que celles énoncées précédemment : ceux que j'aime et les autres. Je sais aussi ce qu'est l'appréciation du plaisir sexuel. Ce sont là 2 choses bien distinctes. Tant que j'opère cette distinction tout va bien. Cela souffre même d'aller jusqu'à coucher essentiellement avec des personnes que j'admire, apprécie, trouve intelligent, touchant, sensible etc. etc....
Et puis un moment, fatalitas, viens se nicher dans le cœur ce truc bizarre, qui vient le plisser, le pincer, l'alourdir et l'alléger tout autant. Et ce garçon qu'on trouvait drôle, intelligent, spirituel, tendre, caustique et amusant, désirable et mystérieux, devient soudain essentiel et indispensable au repos de notre cœur. C'est ce truc que je ne comprends pas, que je ne sais pas contrôler. On aborde là les rivages de la possession, de l'exclusivité et de l'inquiétude aussi. Qu'est ce qui fait que l'alchimie trouve à franchir une étape supplémentaire, moins confortable que la situation précédente ? Disons que tant que tout va bien, tout va bien. Mais comme nous avons affaire à 2 personnes distinctes, nous aurons aussi 2 effets distincts de cette alchimie au fil du temps. Il y en a toujours qui est plus « transformé » que l'autre, un qui aime plus, un qui s'inquiète plus.
Il parait que non, en fait, que tout est une question de rationalisation et de décision personnelle. Faire comme dit Saint-Exupéry et comprendre qu'aimer c'est juste regarder ensemble dans la même direction. Le reste n'est pas l'amour alors ? Et puis même si on ne se pose pas ces questions oiseuses pendant des années et des années, pourquoi un jour peut survenir la fin d'une alchimie ? La transmutation est donc permanente et puis un jour les 2 formules ne se conviennent plus ? Quel est le secret de l'Amour : passer sa vie à rationaliser des sentiments ?
Je ne sais pas. Par contre j'ai une certitude : sans aimer le drame, la vie ne serait rien sans les soubresauts du cœur. La passion, l'inquiétude, l'envie irrépressible, le besoin vital de l'autre, ces petits papillons à la con qui viennent vous manger le ventre, c'est une drogue, la plus addictive qui soit. C'est comme vouloir se brûler soi-même à ce brasier, de manière consentie et envieuse. Quitte à entendre un jour les mots définitifs du désamour, du détachement et de la rancœur.
Bon, tout ça j'en sais rien, alors j'arrête de me prendre la tête et la tienne avec.