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C'était Gore

Je crois que j’ai toujours eu un faible pour les êtres qui se moquent gentiment de leur monde. Une douce vanité, doublée d’une véritable compassion, l’envie de toujours dit ce qu’on pense, même à son détriment, la capacité à s’intéresser et à toucher à tout, ne considérant aucun domaine comme réservé, voilà ce qui m’a fait aimer Gore Vidal très vite.

Gore Vidal est mort, et vous lirez dans la presse des informations sur sa naissance, son œuvre, ses liens avec le monde culturel et politique. On vous dira qu’il a côtoyé les plus grands noms de son temps, de JFK à Cocteau en passant par Truman Capote et Jack Kerouac. On vous le présentera peut-être même comme un mondain, gentiment dilettante…

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Gore Vidal est tout ça, et encore plus. Un jeune homme qui a su tranquillement parler d’homosexualité à une époque où ça ne valait pas que des regards bienveillants. Un jeune homme qui s’est toujours intéressé à la politique, à la culture de la beauté, qui a eu la chance de fréquenter les grands noms de son siècle, mais qui a aussi beaucoup apporté à ses grands noms.

Romancier, scénariste, homme d’idées, Gore Vidal est un homme qui a traversé son temps comme une promenade, mais affective, engagée, un peu snob, un peu détachée, une promenade passionnante.

Gore Vidal a eu un regard et des mots acérés sur l’empire américain, ses guerres d’intérêts et ses errements autoritaristes. Et c’est amusant de savoir que cette  psychotique allumée (non ce n’est pas un pléonasme en l’occurrence) de Michelle Bachmann s’est engagée en politique chez les Républicains, en réaction aux propres engagements de Gore Vidal.

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C’était un intellectuel, l’acteur de sa propre vie. Et s’il était si peu connu en France, c’est, disait-il, parce que «en France, vous avez besoin de mettre les gens dans des catégories». Là-dessus, il n’a pas tort. Qu’est-ce qu’un homme qui écrit des romans, des essais, scénarise pour René Clément, Mankiewicz, Arthur Penn fait l’acteur, même pour Fellini, s’essaie en politique, s’exile dans une villa italienne, s’oppose à la guerre d’invasion en Irak ? Qu’est-ce, sinon un homme parmi les hommes, qui vit sa vie comme une fête avec ses outrances et ses ratés, ses illuminations et ses erreurs. Là où Norman Mailer (avec qui il était fâché) joue toujours la carte de la grandeur libératrice des USA, Gore Vidal n’a pas cette facilité de jouer le patriotisme pour être aimé. (Un jour, il faudra que je vous raconte à quel point je peux ne pas aimer Norman Mailer, surestimé par tous pourtant…) Il a dénoncé la manipulation qui a été faite de la peur, du terrorisme, pour imposer une sorte de totalitarisme poste 11 septembre qui ne dit pas son nom. Concernant l’élection de Bush Jr,  «C'était un coup d’Etat», déclare-t-il ainsi à l’AFP en 2006. «Maintenir les gens sous la coupe de la peur est une grande manipulation totalitaire apprise auprès des dictatures européennes des années 1930».

En attendant, j’espère que vous lirez l’un ou l’autre de ses écrits.

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J’ai adoré sa bio romancée de Julien l’Apostat, l’empereur qui a tenté de rétablir le paganisme.

En Direct du Golgotha est un roman halluciné, pas simple  raconté, mais franchement hilarant et bien pensé, avec une vraie réflexion derrière : « Nous sommes à Thessalonique en 96 après J.-C., lorsque d'étranges personnages font irruption dans la vie de Timothée, évêque de Macédoine, ex-secrétaire et petit ami de saint Paul. Ils le pressent d'écrire sa version de l'Histoire sainte, car, loin dans le futur, un cyberpunk, appelé le Pirate, est en train de falsifier ou d'effacer toutes les bandes et tous les volumes contenant les Évangiles ; seul celui de Timothée serait à l'abri du terrifiant virus informatique. Simultanément, grâce à l'intervention de nouveaux logiciels, une équipe de techniciens de NBC s'apprête à remonter le temps pour filmer la Crucifixion en direct du Golgotha. Sous la plume de Timothée, le lecteur ahuri découvre un saint Paul bonimenteur et homosexuel, inventeur des claquettes et du rap, un saint Jacques résolument plus juif que chrétien, un Jésus obèse et boulimique... »

Palimpseste est son autobiographie, comme je disais doucement égotique, assez flatteuse pour lui, mais rude aussi parfois, et c’est surtout le témoignage passionnant d’une époque de folie.

Pour finir, une citation tiré de son livre La fin de la Liberté : « Finalement, les dommages que Oussama et ses amis peuvent nous causer - même s’ils sont déjà terribles - ne sont rien comparés à ce qu’ils ont fait à nos libertés.
Une fois aliéné, un droit inaliénable risque d’être perdu à tout jamais, auquel cas nous ne serons plus, même vaguement, le dernier et le meilleur espoir de la terre, mais simplement un médiocre État impérial dont les citoyens sont mis au pas par des équipes spéciales du FBI et dont la façon de mourir, non de vivre, est imitée dans le monde entier. »

 

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Commentaires

  • Très joli billet. Je recommande aussi le savoureux et hilarant Myra Breckenridge, sur le milieu du cinéma... Et aussi sur le genre

  • Oui, c'est un récit prodigieux aussi ! Bref un grand écrivain !

  • Brillant. Bravo.

  • C'est gentil ça :)

  • Merci ! Effectivement peu connu de ce côté de l'Atlantique, il était célèbre de l'autre côté .. il me fait penser un peu à Oscar Wilde.

    Très joli billet.

  • Oui, ce côté dandy cultivé, j'adore !

  • Excellent ton billet, même si je connais je n'ai rien lu, il paraît que c'est dur à suivre... en tout cas j'ai appris des choses en te lisant, merci

  • Il est pas si dur, après c'est comme tout, il faut juste s'y plonger un peu :) Lance toi !

  • Merci pour me présenter ce personnage, que je dois avouer n´avoir pas connu.
    Tes remarques sont très intéressants, tout cela donne envie de connaître un peu plus de cet homme que tu admires evidement.
    Bonne semaine chez toi
    Bisous
    Elisa, en Argentine

  • Merci de tes mots, ça me touche :)

  • Merci pour cette présentation de Gore Vidal que je n'ai jamais lu! Ah! oui, raconte-nous comment tu peux ne pas aimer Norman Mailer?

  • Il faudra que je fasse un billet sur Norman Mailer alors :)

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