Marguerite Yourcenar est entrée dans ma vie un matin de décembre, par la grâce de Sœur Marie-Danielle, qui m’avait envoyé croupir en étude, parce que j’avais récolté un 2/20 en math ce jour là (c’était pourtant une belle progression, j’avais tout de même doublé ma note !)
Comme il était hors de question que je me penche sur les exercices qu’elle m’avait laissé à faire ce soir là, j’ai simplement attrapé un des livres qui trainaient dans les rayonnages bien pourvus de la salle d’étude.
Je me rappelle qu’il y avait le Léviathan de Julien Green (on pourra en parler à l’occasion.) et donc un ouvrage de Yourcenar, l’œuvre au noir. Déjà, quel titre ! Magique et mystérieux. J’ai passé les deux heures restantes à le dévorer, me laissant emporter par la vague Yourcenar.
Aujourd’hui, c’est d’une autre de ces pépites dont je vais vous parler. Maggie a eu la belle idée de reposer une lecture commune autour des Mémoires d’Hadrien.
Il s’agit des mémoires imaginaires de l’empereur Hadrien, sous la forme d’une lettre qu’il laisse à son futur successeur, Marc Aurèle. Ce n’est pas seulement le prétexte à reprendre des faits historiques sous forme romanesque. Il s’agit là plus d’un livre de méditation, de réflexion, un vademecum à la vie, à la politique, et à la mort. Un guide parfait pour être un homme de bien. Yourcenar à choisir un homme remarquable, dans une époque particulière, pour apporter une réflexion forte, autour de la vie, bien sûr, mais aussi de la mort, des choix que l’on fait, ou qu’on ne fait pas, en regard de ses obligations familiales, politiques, amicales. Elle trace à merveille un chemin, qui pour moi est le contre-pied total au Prince de Machiavel. Il y a une morale dont on doit se nourrir, y compris pour assumer nos faiblesses et nos échecs. Même l’amour qu’Hadrien éprouvait pour Antinoüs est prétexte à une réflexion profonde. Qu’est-ce que la perte, qu’est ce que le renoncement ? Le sacrifice ? Homme de bien, de paix, honnête homme, Hadrien est le portrait du dirigeant lucide et courageux.
J’ai aimé ce récit car il offre une telle palette, si riche, de poésie, d’histoire, de philosophie… Un tout humaniste qui envisage l’homme avec ses forces et ses faiblesses, et qui le guide tranquillement vers la mort, sans regret, sans peur. Quelle peur pourrait-on ressentir de la fin, quand on a agi sa vie durant en faisant de son mieux ?
Statue d'Hadrien provenant du temple d'Apollon à Cyrène
Merci Maggie pour cette lecture commune, à retrouver chez elle, et chez Claudia également.
Commentaires
Oh les filles, si j'avais su, ça m'aurait un peu poussée à le lire! Bon, yourcenar attendra un peu (mais comme je lis les Journaux de charles Juliet, ça va, il n'y a pas que les romans de la rentrée!)
Pas lu , je ne me souviens d'ailleurs pas avoir déjà lu un 'Marguerite Yourcenar' ... pendant il y en avait dans la bibliothéque de mon pére mais comme souvent j'ai préféré tracer mon propre chemin ;)
Vous connaissez l'histoire de ce bouquin : MY l'ébauche quand elle est toute jeune, l'oublie, puis le retrouve au fond d'une malle en s'installant sur son île du Maine après-guerre 20 ans plus tard. Là elle se colle au boulot. Pendant 5 ans. Pour moi Hadrien c'est surtout ça : le triomphe du travail ; la phrase hadrienesque est une merveille d'équilibre, et le puits sans fond de son hors-champ : tout ce qui a été construit puis déconstruit pour en arriver là. Je ne tiens pas forcément MY pour une écrivaine de premier plan ; elle n'a pas du tout une patte naturelle ; c'est un bourreau de travail dont la grâce est d'avoir su arriver à gommer toute trace d'effort d'une montagne d'efforts.
Je me suis trompée! Je pensais que Maggie n'avait pas le temps de faire la LC et javais décidé de l'attendre! Donc je n'ai pas lu le livre, juste commencé mais j'ai vu la pièce de théâtre donnée au festival et je vais écrire un petit compte rendu sur elle pour ce soir, comme ça je serai dans les temps. Par contre je t'attends pour Enéas qui est tout prêt. Est-ce que Dimanche cela t'irait?
J'ai adoré l'Oeuvre au noir, par contre j'ai bloqué sur les Mémoires d'Hadrien, mais je pense que j'étais trop jeune. Il faudrait que je le reprenne... en tout cas, j'adore ton anecdote !
Et voilà je publie la pièce sur les mémoires d'Hadrien