J’ai frappé à la porte du bureau, et derrière se trouvait un fatras de pensées désordonnées, des questions, quelques tentatives de réponses, une longue litanie sortie de l’esprit d’une femme perturbée. Qu’est ce bureau sinon celui que nous avons tous en nous, que parfois nous ouvrons pour en sortir une petite question, inoffensive croyons-nous, mais la plupart du temps nous gardons ce bureau bien fermé à double tour.
L’auteur, Jenny Offill, a choisi de nous ouvrir le sien, de l’exposer, d’en vider son contenu, bien étalé au vu et au su des lecteurs que nous sommes.
Difficile de résumer ce récit. On va dire qu’il s’agit d’une femme, et d’un homme et d’une nana aussi. La femme est prof de littérature, écrivain plus ou moins en sommeil, alors qu’elle avait des ambitions de génie. Elle est mariée à l’homme, et ils vivent avec leur petite fille dans un appartement infesté de souris, notamment. C’est l’histoire du début de leur amour, de leur vie ensemble jusqu’à une certaine lassitude, jusqu’à l’usure qui gomme les souvenirs du meilleur pour ne laisser que les défauts, les agacements du quotidien. Jusqu’à laisser entrer une nana, dans le fond anecdotique, mais qui fera exploser le couple autour des questions, des spéculations. Ainsi nous avons sous nos yeux les multiples interrogations de la femme sur sa vie, son mariage, sa carrière, ses ambitions, ses amours et puis son acceptation du quotidien jusqu’à l’érosion de la Vie. Le récit est une suite de réflexions, d’anecdotes, ponctuée quelquefois de citations. L’ensemble vise à restituer ce qui traverse l’esprit d’une femme englué dans une vie qu’elle ne maitrise plus vraiment. J’ai trouvé cela très réussi, mais je crois que c’est un récit quitte ou double : on aime ou on déteste. J’ai grandement apprécié de tomber petit à petit, sans y prendre garde, dans l’esprit de cette femme, jusqu’à me reconnaître évidemment dans ses interrogations, et dans ses vaines tentatives de justification.
C’est une écriture presque brisée qui emmène ce récit, en morceaux, comme pour rappeler le rythme de la vie réelle. Le sujet est a priori un peu trop simple et sans intérêt, car profondément nombriliste, mais Jenny Offill réussi à se regarder en détail tout en nous offrant un miroir de nos propres spéculations. Bref, j’ai aimé !
Bureau des Spéculations – Jenny Offill –Calmann Levy
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