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fureur et mystère

  • René Char - Avent littéraire #10

    Ce soir encore, un poète ; ce soir encore un (presque) surréaliste. Ce soir encore un homme de combats, de résistance et de mots. Ce soir encore un poète, en somme.

    Je vous propose quelques instants avec René Char, pour la suite de cet avent littéraire. Un poète qui n’a jamais cessé d’écrire, même au front, dans le maquis avec ses camarades de lutte. Il incarne, encore une fois, cette figure du poète ancré dans le réel, qui tente de tirer quelque chose de bon et de beau des affres de l’humanité.

    Ce soir, trois poèmes, assez différents entre eux, tirés du recueil Fureur et Mystère.

     

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    Le Requin et la Mouette

    Je vois enfin la mer dans sa triple harmonie, la

    mer qui tranche de son croissant la dynastie des

    douleurs absurdes, la grande volière sauvage, la mer

    crédule comme un liseron.

    Quand je dis : j'ai levé la loi, j'ai franchi la morale,

    j'ai maillé le cœur, ce n'est pas pour me donner raison

    devant ce pèse-néant dont la rumeur étend sa palme

    au delà de me persuasion. Mais rien de ce qui m'a

    vu vivre et agir jusqu'ici n'est témoin alentour. Mon

    épaule peut bien sommeiller, ma jeunesse accourir.

    C'est de cela seul qu'il faut tirer richesse immédiate

    et opérante. Ainsi, il y a un jour de pur dans l'année,

    un jour qui creuse sa galerie merveilleuse dans

    l'écume de la mer, un jour qui monte aux yeux pour

    couronner midi. Hier la noblesse était déserte, le

    rameau était distant de ses bourgeons. Le requin et

    la mouette ne communiquaient pas.

    - O Vous, arc-en-ciel de ce rivage polisseur,

    approchez le navire de son espérance. Faites que

    toute fin supposée soit une neuve innocence, un

    fiévreux en-avant pour ceux qui trébuchent dans la

    matinale lourdeur.

     

    Post-Scriptum

    Écartez-vous de moi qui patiente sans bouche;
    A vos pieds je suis né, mais vous m’avez perdu
    Mes feux ont trop précisé leur royaume;
    Mon trésor a coulé contre votre billot.

    Le désert comme asile au seul tison suave
    Jamais ne m’a nommé, jamais ne m’a rendu.

    Écartez-vous de moi qui patiente sans bouche :
    Le trèfle de la passion est de fer dans ma main.

    Dans la stupeur de l’air où s’ouvrent mes allées,
    Le temps émondera peu à peu mon visage,
    Comme un cheval sans fin dans un labour aigri.

     

    Louis Curel de la Sorgue

    Sorgues qui t’avances derrière un rideau de papillons qui pétillent, ta faucille de doyen loyal à la main, la crémaillère du supplice en collier à ton cou, pour accomplir ta journée d’homme, quand pourrai-je m’éveiller et me sentir heureux au rythme modelé de ton seigle irréprochable ?…

    Sorgue, tes épaules comme un livre ouvert propagent leur lecture. Tu as été, enfant, le fiancé de cette fleur au chemin tracé dans le rocher qi s’évadait par un frelon… Courbé, tu observes aujourd’hui l’agonie du persécuteur qui arracha à l’aimant de la terre la cruauté d’innombrables fourmis pour la jeter en millions de meurtriers contre les tiens et contre ton espoir…

    Il y a un homme à présent debout, un homme dans un champ de seigle, un champ pareil à un chœur mitraillé, un champ sauvé.

    À demain :)