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la mer

  • Jean Sénac Pour Une Terre Possible - Avent littéraire #17

    Cela faisait bien longtemps que j’avais envie de parler de Jean Sénac, un poète qui a bercé mon adolescence, et que je regardais comme un homme complet, au sens naïf qu’on peut entendre à quinze ans.

    Jean Sénac, poète, chrétien, homosexuelle, socialiste, anticolonialiste, algérien de naissance et de patrie, jusqu’à son assassinat en 1973. Il est de ceux qui sont resté en Algérie, après l’indépendance, pour laquelle il avait combattu, écrit, milité. C’était un poète révolutionnaire, dans son acception la plus belle. Un poète qui croyait au Ciel et qui croyait en l’Homme. Jean Sénac a poétisé l’indépendance, la liberté, la fraternité pour le meilleur. J’admire sa foi, qu’il a su concrétiser au long de sa vie par ses choix et ses actes.

    Aujourd’hui encore il tient une place toute spéciale dans ma mémoire.

    Ce soir je partage avec vous trois poèmes différents, issus du recueil Pour Une Terre Possible, publié en format poche aux éditions Points. Chacun de ces poèmes pour dire l’Algérie, la mer, la liberté, la souffrance et l’amour.

     

    Sable

     

    La mer ce n’est jamais que le rivage le plus courbe

    Perdu dans un soupir la paume d’une main

    Et plus qu’une coquille étrangère au chagrin

    La pure éternité d’une vacance trouble.

     

    Le double fruit des grands sables doyens

    Votre baiser mémoire et la fuite des robes

    La mer c’est votre appui mon enfant qui dérobe

    À la terre sa ruse aux vagues leur dédain

     

    Le chiffre du varech

    Nous alimente avec

    La grâce du jeune homme

    Et ce couteau suffit

    À partager la nuit

    Celle du secret lit et celle que je nomme.

     

    La mer, ce n’est jamais que ce peu de salive

    Ce crabe sourcilleux qui tremble sous tes yeux

    Et le talon léger qui des marelles vives

    Jette vers l’invisible un défi rocailleux.

     

    IMG_1707.JPG

    Le Droit de Cité

     

    Que votre nom

    Même si vous devez rejeter mon appel

    Que votre nom ne me condamne pas

    Je porte en moi un cheptel

    Terrible

     

    Le pire n’est pas tant ma force

    Que mon faible dit mon ami

    Dans l’inconsistance du fruit

    La cave se prépare

    Où croulera le cri

     

    Du moins qu’une seconde austère

    Notre visage soit admis

    À porter le feu de la terre

    Son décalque jusqu’à l’oubli

     

    Votre nom ici se retrouve

    Avec l’amande ô liberté

    Si passionnément préservée

    Dans les sédiments de la louve !

     

     

    Jean Sénac, été 1951. Photographie de T. Saulnier. (Collection Bibliothèque de l'Alcazar, Marseille)..jpg

     

    Toute tendresse est infinie

    Le temps que coule ton plaisir

    Et que sèchent nos draps.

     

    Toute tendresse inaltérable

    Le temps qu’autour de tes fragiles bras

    Je lie et je délie les ordres de la fable.

     

    À demain.