Cela faisait bien longtemps que j’avais envie de parler de Jean Sénac, un poète qui a bercé mon adolescence, et que je regardais comme un homme complet, au sens naïf qu’on peut entendre à quinze ans.
Jean Sénac, poète, chrétien, homosexuelle, socialiste, anticolonialiste, algérien de naissance et de patrie, jusqu’à son assassinat en 1973. Il est de ceux qui sont resté en Algérie, après l’indépendance, pour laquelle il avait combattu, écrit, milité. C’était un poète révolutionnaire, dans son acception la plus belle. Un poète qui croyait au Ciel et qui croyait en l’Homme. Jean Sénac a poétisé l’indépendance, la liberté, la fraternité pour le meilleur. J’admire sa foi, qu’il a su concrétiser au long de sa vie par ses choix et ses actes.
Aujourd’hui encore il tient une place toute spéciale dans ma mémoire.
Ce soir je partage avec vous trois poèmes différents, issus du recueil Pour Une Terre Possible, publié en format poche aux éditions Points. Chacun de ces poèmes pour dire l’Algérie, la mer, la liberté, la souffrance et l’amour.
Sable
La mer ce n’est jamais que le rivage le plus courbe
Perdu dans un soupir la paume d’une main
Et plus qu’une coquille étrangère au chagrin
La pure éternité d’une vacance trouble.
Le double fruit des grands sables doyens
Votre baiser mémoire et la fuite des robes
La mer c’est votre appui mon enfant qui dérobe
À la terre sa ruse aux vagues leur dédain
Le chiffre du varech
Nous alimente avec
La grâce du jeune homme
Et ce couteau suffit
À partager la nuit
Celle du secret lit et celle que je nomme.
La mer, ce n’est jamais que ce peu de salive
Ce crabe sourcilleux qui tremble sous tes yeux
Et le talon léger qui des marelles vives
Jette vers l’invisible un défi rocailleux.
Le Droit de Cité
Que votre nom
Même si vous devez rejeter mon appel
Que votre nom ne me condamne pas
Je porte en moi un cheptel
Terrible
Le pire n’est pas tant ma force
Que mon faible dit mon ami
Dans l’inconsistance du fruit
La cave se prépare
Où croulera le cri
Du moins qu’une seconde austère
Notre visage soit admis
À porter le feu de la terre
Son décalque jusqu’à l’oubli
Votre nom ici se retrouve
Avec l’amande ô liberté
Si passionnément préservée
Dans les sédiments de la louve !
Toute tendresse est infinie
Le temps que coule ton plaisir
Et que sèchent nos draps.
Toute tendresse inaltérable
Le temps qu’autour de tes fragiles bras
Je lie et je délie les ordres de la fable.
À demain.
Commentaires
C'est un poète que j'aime beaucoup aussi. Un homme courageux...
Une découverte pour moi, merci !
pareil je découvre! merci!!!! c'est très beau!
xxx
Océane,
accepterais tu , s'il te plait, de lire "Sable" et d'en partager l'enregistrement avec nous ?