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nathan althman

  • Printemps des Poètes - Anna Akhmatova

    Le Printemps des Poètes 2015 fait belle place cette année à l’idée de l’insurrection poétique. Et ça me plait ! Car combien de fois j’ai entendu « à quoi sert la poésie » « à rien » « les poètes sont de doux rêveurs » etc…

    La poésie et les poètes ne sont pas (que) de doux rêveurs sans idée de la vraie vie. L’histoire porte assez d’exemple de poètes résistants, combattants, qui avec leurs mots, et puis leur propre personne, se sont donné à la cause qu’ils croyaient juste.

    Parmi mes poètes favoris, il y a Paul Éluard, Vladimir Maïakovski, Robert Desnos, Anna Akhmatova, autant de poètes qui ont porté la plume dans le sang du réel.

    Quelques jours par an pour se rappeler d’eux n’est pas de trop :)

    Aujourd’hui je vous propose quelques vers de Anna Akhmatova, poétesse russe qui a croisé la route d’autres génies de son temps. Ce qui nous vaut quelques beaux portraits d’elle par Modigliani par exemple. Son style est significatif du courant acméiste, c'est-à-dire qu’il se concentre sur le quotidien, le réel, abandonnant les fioritures inutiles au profit de la précision et de la lucidité.

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    Anna Akhmatova par Nathan Altman

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    Deux portraits par Modigliani

     

    Quatrième élégie

     

    Nos souvenirs connaissent trois périodes.

    Dans la première, tout est comme hier,

    L’âme se plaît sous leurs voûtes bénies,

    Le corps se plaît dans leur ombre propice

    Le rire vit encore, les larmes coulent,

    La tache d'encre est encore sur la table -

    Et ce baiser comme un sceau sur le cœur,

    Unique inoubliable, baiser d'adieu…

    Mais cette période n'est pas très longue.

    Au lieu de voûtes bénies, une maison

    Solitaire dans un lointain faubourg,

    Où il fait froid l'hiver et chaud l'été,

    Où la poussière et l'araignée s'étalent,

    Où les lettres brûlantes en cendres tombent

    Et les portraits s'altèrent en cachette.

    On y va comme on va sur les tombes,

    En rentrant on se lave les mains,

    En essuyant une larme fugace

    Des yeux lassés, avec un lourd soupir…

    Mais l'horloge tictaque, les printemps

    Se suivent sans répit, le ciel rosit ;

    Le nom des villes eux-mêmes changent, et

    S’en vont les témoins des événements.

    Qui va pleurer, qui va se souvenir

    Et lentement nous abandonnent les ombres

    Que nous n'appelons plus, dont le retour

    Nous aurait même été effrayant.

    Soudain éveillés, nous constatons que nous avons oublié jusqu'au chemin

    De cette maison. Étouffant de honte,

    Nous y courons, mais (comme dans tous les rêves)

    Tout a changé : êtres, choses, murs -

    Nous sommes étrangers. On nous ignore ;

    Ailleurs, nous sommes ailleurs… seigneur Dieu !

    Puis vient le plus terrible : nous voyons

    Que nous ne pourrions mettre ce passé

    Dans notre vie présente, et qu'il est

    Devenu aussi étranger pour nous

    Que pour notre voisin de palier ; que

    Nous ne saurions reconnaître nos morts

    Et que ceux dont le sort nous sépara

    S’en accommodent parfaitement. Et même

    Que tout est pour le mieux…

     

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