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suicide

  • Jacques Rigaut, Daniel Darc, Maurice Ronet : Le Feu Follet

    Je ne suis pas cinéphile, mais j’aime le cinéma. Une sorte de cinéma, que je ne sais pas définir, si ce n’est qu’il est un peu du passé, un peu triste, un peu gai, parfois trop bavard, mais ce sont bien les mots qui nous relient, non ?

    Pour la musique, c’est la même chose, plus elle me rappelle quelque chose du passé, pas forcément le mien, plus je l’aime. Et comme je ne suis spécialiste de rien, rien que de mes passions maladroites, cela donne un ensemble hétéroclite, parfois incompréhensible aux yeux des autres, mais qui s’en soucie ? Pas moi.

    Et il arrive que ces amours séparées viennent se réunir, dans une collision miraculaire, et cela devient comme un astre unique qui tournoie encore et encore dans le ciel de mon imaginaire le plus intime.

    Je cherchais une citation, pour aujourd’hui, rien ne me venait que j’avais envie de partager, à part ce film de Louis Malle, Le Feu Follet, que je connais presque par cœur. Et les visages de Maurice Ronet, celui de Jacques Rigaut, viennent se superposer à ceux de Drieu La Rochelle et de Daniel Darc.

    LE FEU FOLLET - Daniel Darc

    J’aurais voulu être vous
    Ce doit être assez doux
    J’aurais bien aimé reste
    Mais aux regrets je semble voué
    Pas à vous
    M’en voulez-vous
    M’en voulez-vous

    Quand un feu follet s’éteint
    Que devient-il est-ce la fin

    La fin ce doit être doux
    Peut-être est-ce comme être vous

    Si je suis votre ami
    Aimez-moi comme je suis
    D’ailleurs je ne suis pas beaucoup
    Et je crois que je m’en fous
    Si je suis votre ami
    Aimez-moi comme je suis

    Ma vie elle ne va pas assez vite
    Alors je l’accélère
    Je la redresse



    Pierre Drieu La Rochelle a écrit un roman, Le Feu Follet, s’inspirant fortement de la vie de Jacques Rigaut, écrivain dadaïste, une vie courte et intense au point final aussi triste qu’éclatant…  Louis Malle en a fait un film, avec le magnifique Maurice Ronet dans le rôle titre d’Alain. Daniel Darc en a fait une chanson, éponyme, dans son album Crève Cœur.

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    Jacques Rigaut par Man Ray

     

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    Jacques Rigaut par Man Ray

     

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    Maurice Ronet dans le Feu Follet

     

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                                                                       Daniel Darc


    Louis Malle nous offre le détail de la mécanique du suicide, chez un homme que la réalité rattrape, quand il abandonne ce refuge qu’était l’alcool. Trop de lucidité tue : on n’est jamais que l’homme dans ce miroir…. Et c’est étrange comme deux désespoirs, pourtant serein, peuvent conduire à deux décisions bien différentes. Je pense au film d’Abbas Kiarostami, Le Gout de la Cerise, où l’on suit ce qui devrait être la dernière journée d’un homme décidé mourir. Et pourtant…

    Deux beaux écrivains, des parcours torturés, un film inoubliable, une ritournelle obsédante, il en restera le plus important : «  si je suis votre ami, aimez moi comme je suis. »

     

    Voilà, ma citation du jour.

    D’autres citations répertoriées chez Chiffonnette.

  • Rien ne s'oppose à la nuit - Delphine de Vigan

    D’emblée, la femme de la couverture est belle. Sa blondeur sage, le col roulé noir, la cigarette à la main… un sourire à peine esquissé et puis ce regard, que vise-t-il ? Vers quel horizon se porte-t-il ?

    Oui, d’emblée on est séduit par cette femme, et le titre du récit, Rien ne s’oppose à la nuit, finit de l’enfermer dans un mystère éternel.

    Cette femme, c’est la mère de l’auteur, une mère particulière, comme elles le sont toutes pour leurs enfants.

    Delphine de Vigan brosse le portrait de sa mère, et de sa famille, remontant les souvenirs comme on remonte un fleuve, avec ce qu’ils charrient de bon et de mauvais. Ces bagages, lourds, légers, qui font le portrait intime et réel des êtres à part.

    Lucile est à part. Et l'est restée jusqu'ou jour où elle a décidé de se donner la mort.

    L’auteur parle de trouble bipolaire, pour décrire les failles de toute une vie. Je ne sais pas si ce diagnostic filiale est juste, peu importe. Il s’agit du regard d’une fille qui porte le souvenir de sa mère, comme un testament, comme l’exécutrice légale d’une vie bleue-noire.

    Il y a des couleurs dans ce récit. Je me suis rappelé Rimbaud avec ses correspondances. Bleue-noire, comme la musique de Bashung qui donne son titre au roman. Bleue-noire comme cette palette de couleurs qui s’impose à moi quand je pense à Lucile, racontée par sa fille. Bleue-noire la vie brûlée par les deux bouts. Bleue-noire comme la culpabilité et la souffrance, et ces épisodes terribles, qu’on lit en s’accrochant aux pages, le vertige accaparant le lecteur comme au bord d’un gouffre d’incompréhension.

    Il est de ces récits qui n’entendent pas se laisser résumer. Que dire ? C’est l’exposé-discussion de toute une famille, un matriarcat imposant, une fourmilière de personnalités, joyeuses et débordantes, tristes et heureuses, et au milieu se dresse, lumineuse, la figure de Lucile.

    J’ai eu du mal, longtemps après sa lecture, à trouver les mots pour en parler, et je les cherche encore. Je sais juste que j’ai une tendresse immense pour ces personnes qui ne savent pas comment vivre. Et l’on peut avoir toutes les meilleures raisons du monde d’être heureux et comblés, il y a de ces failles qui ne s’expliquent pas comme on le voudrait. Il est de ces failles qui font la beauté et la sensibilité des gens les plus intéressants. Mais qui font aussi leur malheur, ainsi que celui de leur entourage.

    J’ai de l’indulgence pour ces failles, qui sont la marque des gens incapables de vivre dans ce monde sans ressentir l’inexplicable poids de toutes les misères humaines. Il n’st pire souffrance que celle qui ne trouvent pas de source rationnelle aux yeux des autres. Comprendre Lucile est la quête de l’auteur, comprendre et se pardonner, lui pardonner peut-être.

    Lire ce récit m’a heurtée, parce que je me suis reconnue, toutes proportions gardées, dans quelques traits de Lucile. Cette incapacité à vivre, ces brusques bouffées d’espérances et de folie, avant de mieux sombrer, autant de raison de lui porter la même indulgence que j’ai à mon égard.

    La différence, c’est peut-être que j’essaie de changer deux ou trois petites choses, pour ne pas laisser le galion sombrer totalement.

    Un récit d’amour pour la Mère, comme la littérature nous en offre quelquefois.

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    Livre lu dans le cadre du Match de la rentrée Littéraire, initié par Priceminister.

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