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mariska hargitay

  • Jayne Mansfield 1967 - Simon Liberati

    La vie des célébrités a remplacé les tragédies antiques sur nos scènes modernes que sont la télévision et les réseaux sociaux. Ça n’a rien de nouveau, depuis l’invention du cinéma, puis de la télévision, nos dieux et déesses brillent de paillettes, d’or et de soie. Et l’on se passionne autant pour la naissance des étoiles, que pour leur tragique chute. Cette fascination pour le malheur des riches et célèbres de ce monde est étonnante. Je ne dis pas que je suis intéressée, ou que vous, lecteurs, êtes intéressés, mais il se vend des millions et des millions de ces journaux occupés uniquement à la prise de poids de Britney Spears ou au nouvel amant trop jeune de Madonna. Et surtout, il paraît que les mauvaises nouvelles se vendent bien mieux que le bonheur de ces gens-là. Peut-être que lire le malheur des « beautiful people » est une forme de revanche des anonymes…

    Tout n’est que vanité et illusion, et qui saurait dire ce qui se cache derrière chaque porte, même de la personne la plus scrutée au monde ? En tout cas, c’est une source incroyable d’imagination et de fantaisies. Écrire sur les idoles modernes est toujours un exercice un peu risqué : il faut trouver le ton juste, loin du simple panégyrique ou de la fouille indécente de la vie privée.

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    Jayne Mansfield a été une de ces idoles, adulée, scrutée, déchue et moquée. Plus jeune, je la connaissais parce que je suis folle des vieux films hollywoodiens, et des vedettes de l’époque. C’était une de ces blondes comme le cinéma d’alors les aimait tant. Blonde, des courbes de rêves et l’air fragile de la femme qui cherche l’épaule virile d’un homme pour la soutenir. Et je suis certaine qu’aujourd’hui encore on ne la voit que comme cela : ravissante idiote qui a mal fini, à trop capitaliser sur son physique. Pourtant Jayne Mansfield c’était tant d’autres choses encore : un QI de génie, hé oui, et surtout une femme de poigne, qui s’est battue pour s’imposer à Hollywood, qui s’est occupée de ses enfants, et qui a fait preuve d’une force de caractère admirable pour maintenir sa famille à flots. Nulle part ailleurs sans doute qu’à Hollywood la chute des idoles n’est plus cruelle.

     

    C’est la mort de cette idole que nous raconte Simon Liberati dans son récit Jayne Mansfield 1967. Ce n’est pas un roman, ce n’est pas une biographie, c’est un flash-back fascinant.

    Le récit s’ouvre sur l’accident de voiture, inscrit au panthéon des morts les plus fascinantes de nos stars. La Buick Electra de Jayne se crashe dans un accident effroyable, la tuant net et laissant des orphelins (dont Mariska Hargitay, que j’adore regarder dans New York, Unité Spéciale). À partir de cette mort médiatiquement spectaculaire, Simon Liberati entame un portrait par petites touches, qui m’a impressionnée, en tant que lectrice, et quand je dis impressionnée, il faut y voir l’empreinte d’une émotion qui s’attache à qui lit ce récit.

    C’est un « diable d’intelligence et de volonté » que nous raconte Simon Libérati, une femme encore plus virile que les hommes qu’elle se choisissait (le père de Mariska était un champion de culturisme), une femme intelligente et futée, cultivée et douée de plusieurs talents, qui aimait (pourtant ?) s’entourer de roses, de clinquant et de kitsch. Une femme belle et désirable, qui a joué de ses atouts pour bâtir sa réussite hollywoodienne, puis une femme qui ne s’est pas démontée quand son corps n’a plus été aux canons des studios.

    Alors oui, elle s’est appuyée sur ses aides déloyales que sont l’alcool, la drogue et les médicaments, mais comment tenir sans béquilles quand tout s’écroule autour de vous ? Simon Liberati écrit comme on photographie : une suite de portraits incandescents de l’étoile en chute libre. Laissez-vous impressionner par son écriture et par le souvenir d’une star incomprise, reine de beauté devenue monstre de foire d’un univers cruel. Jayne Mansfield reprend vie dans ces pages, et le lecteur découvre un angle de vue qui la rend si attachante, si admirable, même et surtout dans sa chute : elle a joué avec les cartes qu’elle avait en main. Simon Liberati laisse penser au lecteur qu’elle a compris avant les médias du 21e siècle combien la présence continue, la mise en scène de la vie, est source d’attention, et donc d’argent. Quand le cinéma n’a plus voulu d’elle, c’est de sa propre vie qu’elle a tiré ses revenus, monnayant ses apparitions, jouant sur l’intérêt que suscitaient ses frasques. Qui de Anton LaVey, leader de l’église de Satan, ou de Jayne Mansfield, manipule l’autre quand la blonde actrice has been devient grande prêtresse de Satan ? J’aime à croire qu’il y a une certaine équité.

    Jayne Mansfield est un mystère et Simon Liberati en est l’ordonnateur.

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    Jayne Mansfield 1967 - Simon Liberati - Grasset