Nous sommes à J- 2 semaines de l'audit interne, et à plus de 2 mois pour l'audit par la Chambre régional de la Cour des Comptes. Et on est sur le pied de guerre.
Enfin, moi pas trop, parce que bon, le pied de guerre en talon même que de 11cm, ça fini par être pas très crédible. J'ai du mal à reprendre l'uniforme conventionnel de mes commensaux. Je fais de la résistance. Je sais que je suis assez apprécié, malgré ou à cause de mes simagrées, de l'insolence naturelle que je ne peux réprimer, et aussi quand même grâce à mon travail. Oui c'est assez étrange, mais j'aime énormément ce que je fais. Et ça se voit, ce qui fait qu'on me fiche une paix assez royale. Et là où pour certains on verrait de l'insolence, de l'arrogance ou de la désobéissance, on ne voit que trait d'esprit, humour et sens de l'initiative. Comme quoi, tout n'est qu'une question d'interprétation. Pour peux que vous mettiez la bonne robe et la bonne paire de chaussure et votre directeur vous trouvera indispensable au bon fonctionnement des lieux. Je suis assez cynique, pense tu ? Viens bosser dans mon service et tu verras !
Bref, je suis assez heureuse dans ce travail, même si je souhaite le quitter pour de meilleurs auspices le plus vite possible. Pourtant, je pense que ce sera difficile de retrouver pareille liberté ailleurs.
Je te disais donc qu'on est sur le pied de guerre. Moi pas. Je suis comme à mon habitude, efficace : ouhhhh elle se la pète ! Oui je te dirais aussi fuck you, pour paraphraser la douce Lily Allen.
La tenue de travail est ici source de certaines habitudes, très rigoureuses et ternes comme un hiver à Vladivostok. Il est de bon ton d'alterner le gris avec le noir, et les jours de fête ou de départ en retraite de Marcel du service contentieux, tu peux taper dans le bleu marine clair. Pas très chatoyant tout ça, non ? Or je suis une personne chatoyante, dixit mon voisin de bureau. Alors au boulot je gruge. J'ai l'habitude du gris, noir et bleu marine, mais je me jette sur le moindre accessoire de couleurs, colliers sautoirs, broches, pour éveiller tout ça. Sous les vestes, je ne porte que des hauts de couleurs vives, très vives parfois, mais tu t'en doutes d'une coupe impeccable, et de très bon goût. Et si tu as des doutes, va-t-en je te parle pas à toi.
Et ensuite il y a évidemment les chaussures. Ahhhhhh les chaussures. Tous les matins mon directeur se pose devant mon bureau, me salue et jette un œil à mes pieds, et puis il me dit sur le ton de la confidence, s'il a ou non deviné avant de les voir, la couleur des escarpins du jour. Ça l'amuse et moi aussi. Mais en ce moment, je me laisse un peu aller à faire durer ce qu'on appel chez nous le casual summer outfit : enfin, quand je dis nous, c'est ma copine little J et moi.
[digression du jour bonjour : le prénom de ma collègue commence par J, elle est plus jeune que moi de 10 ans la salope, et je l'appelais comme ça avant la mode Gossip Girl]
Bref, on fait péter le short en jean, le bermuda, la mini en denim brut, les havaianas dorées et l'escarpin de folie. Sauf que là on est le 3 septembre. Et que c'est plus possible il a dit le directeur.
Alors aujourd'hui, dernier baroud d'honneur en summer fit ; malgré le temps pourri.
Et le directeur m'a dit en pleine réunion : Mademoiselle S-L (tu devines que ce sont là les initiales de mon nom petit coquin), Mademoiselle S-L donc, il va falloir être raisonnable maintenant, les vacances sont terminées. Bon, je n'ai même pas eu honte en fait. Il a raison le bougre, je m'obstine. Evidemment j'ai fait une remarque sur le fait que l'on portait le deuil du trou de la sécu depuis un peu longtemps quand même. Il a souri. Oui, c'est un joyeux mon directeur.
Après la réunion, il s'est approché de moi, fébrile, en me disant tout bas, pour les audits, vous nous mettrez ces si jolis escarpins noirs, si simples. Oui comprendre surtout, tellement pas jaune, ni vert, ni rouge.... Je n'ai jamais compris le blocage qu'il faisait à ce sujet. Pour lui gris = sérieux ! la fantaisie ne s'autorise qu'entre soi, et pour ce genre de situation, il veut un service uniformément centré sur la concentration dû aux comptes, aux lois et règlements, sans la possibilité de se faire remarquer pour toute autre chose. J'en arrive à penser que c'est en fait un véritable fétichiste de la chaussure, vu l'attention qu'il y prête. J'avoue m'amuser à tester ses réactions à ce sujet. C'est assez drôle de voir passer sur son visage moult sentiments et perturbation neuronales suivant la paire de chaussures du jour.
Un cas d'étude tout à fait intéressant que mon directeur.
Sinon, minute VDM du jour : je décroche la ligne de la salle de réunion, devant 30 personnes, au bout du fil un directeur de laboratoire, je réponds à ses questions. Jusque là tout va bien. Puis je vais pour raccrocher, et de ma bouche sortent les mots suivants « bisous bisous et à demain.... »Tu t'imagine bien que cela ne lui étais pas destiné, c'était les derniers mots du SMS que j'étaie en train de rédiger en même temps. Oui, nous les femmes on peut faire plein de truc en même temps, mais des fois, vaut mieux s'abstenir....
.