La Peur est un des romans les plus puissants de Stefan Zweig : il concentre une telle intensité dans les tourments de l’héroïne.
Cette intensité, on peut la retrouver actuellement sur les planches, à Paris puisque le Théâtre Michel en présente une adaptation, mise en scène par Elodie Menant.
Sur scène, le ballet des angoisses et du suspens est habilement mené par un trio d’acteurs au fait des subtilités que requièrent leurs personnages.
L’histoire, nous la connaissons tous, c’est celle d’une femme bourgeoise, qui trompe son mari par ennui et délaissement, mais certainement pas par désaffection. Et c’est ce paradoxe qui gagne l’observateur à la cause de cette femme, Irène.
Un jour, la femme adultère se retrouve face à ses propres errements, quand une inconnue vient la voir, la menacer, la faire chanter. Irène ne vit plus que dans l’angoisse que le mari qu’elle aime apprenne son erreur. C’est cette montée inexorable de l’angoisse que j’ai pris plaisir à voir sur scène, sous les traits d’Hélène Degy, magnifique Irène. On la regarde plonger dans cette peur qui est comme un personnage jumeau qui vient grimper sur ses frêles épaules. Face à Hélène Degy, l’acteur qui campe le mari, Aliocha Itovitch, joue la distance, la froideur, le désintérêt, et sait être suffisamment antipathique pour que le spectateur se range tout entier du côté d’Irène, et prend peur avec elle.
La comédie des sentiments mélange moments de grâce et coup de grâce : c’est l’effet Zweig, les personnages ne sont jamais uniquement ce qu’on voit d’eux au premier abord. Et cette profondeur se retrouve sur scène, aussi bien dans le jeu des acteurs que dans les subtilités de la mise en scène. Décors et mouvements suivent les contours mentaux des personnages : l’ennui d’Irène, puis ses angoisses, sa solitude jusqu’à la folie, on retrouve tout ça dans les choix de décors et de mise en scène, sans que cela paraisse « fabriqué ».
Un joli moment de théâtre à passer.