Citation du jeudi ! De circonstance !
« Il fut terrible, jamais il n'avait parlé si violemment. D'un bras, il maintenait le vieux Bonnemort, il l'étalait comme un drapeau de misère et de deuil, criant vengeance. En phrases rapides, il remontait au premier Maheu, il montrait toute cette famille usée à la mine, mangée par la Compagnie, plus affamée après cent ans de travail; et, devant elle, il mettait ensuite les ventres de la Régie, qui suaient l'argent, toute la bande des actionnaires entretenus comme des filles depuis un siècle, à ne rien faire, à jouir de leur corps. N'était-ce pas effroyable? un peuple d'hommes crevant au fond de père en fils, pour qu'on paie des pots-de-vin à des ministres, pour que des générations de grands seigneurs et de bourgeois donnent des fêtes ou s'engraissent au coin de leur feu! Il avait étudié les maladies des mineurs, il les faisait défiler toutes, avec des détails effrayants: l'anémie, les scrofules, la bronchite noire, l'asthme qui étouffe, les rhumatismes qui paralysent. Ces misérables, on les jetait en pâture aux machines, on les parquait ainsi que du bétail dans les corons, les grandes Compagnies les absorbaient peu à peu, réglementant l'esclavage, menaçant d'enrégimenter tous les travailleurs d'une nation, des millions de bras, pour la fortune d'un millier de paresseux. Mais le mineur n'était plus l'ignorant, la brute écrasée dans les entrailles du sol. Une armée poussait des profondeurs des fosses, une moisson de citoyens dont la semence germait et ferait éclater la terre, un jour de grand soleil. Et l'on saurait alors si, après quarante années de service, on oserait offrir cent cinquante francs de pension à un vieillard de soixante ans, crachant de la houille, les jambes enflées par l'eau des tailles. Oui le travail demanderait des comptes au capital, à ce dieu impersonnel, inconnu de l'ouvrier, accroupi quelque part, dans le mystère de son tabernacle, d'où il suçait la vie des meurt-de-faim qui le nourrissaient! On irait là-bas, on finirait bien par lui voir sa face aux clartés des incendies, on le noierait sous le sang, ce pourceau immonde, cette idole monstrueuse, gorgée de chair humaine ! »
Emile Zola – Quatrième partie – Chapitre sept
Voilà, du XIXème au XXIème siècle, les problématiques restent les mêmes. Ceux qui ont déjà beaucoup, en veulent encore plus, quitte à écraser la masse des pauvres. C’est l’ordre des choses semble-t-il : il faut des maîtres et des valets. Et les maitres ont de moins en moins mauvaise conscience à écraser la face des valets. Faire travailler la masse jusqu’à l’usure, mégoter sur une retraite aussi inconsistante que ridicule, en appeler toujours et encore à la crise, à l’équilibre des comptes, tout ça pendant que la table des plus riches reste bien garnie, elle. La novlangue règne : on appelle progrès des régressions sans pareil.
Voilà, rien ne change, rien n’est jamais acquis. Jamais.
Commentaires
Tout ceci est écoeurant et lamentable. Forcément ce ne sont pas les vieillards qui vont descendre dans la rue pour se plaindre de leur retraite de misère, pour les autres ils sont hypnotisés par le 20h de TF1 où l'on voit bien qu'il y a "tellement pire ailleurs". Heu... tu crois que je suis socialiste ? : D (j'aime bien tes tags !!)
Un proche fait un travail physique (chantier dans des jardins, ronds-points etc...) Dans son boulot, rare sont ceux qui passent la retraite tellement ils sont usés. Alors, soulever des kilos et des kilos quand on a 62 ans, c'est impossible !
Ton post viens juste de me donner envie de pleurer pour le sort notre pauvre France qu'un nain a décidé de martyriser.
Mais Zola ce n'est rien comparé aux années fleaux qui nous attendent , et mieux vaut investir dans 5 ha de bonne terre fertile et quelques animaux que dans des assurances retraite
Ce qui me révolte, c'est surtout ça: le non-partage des richesses. Rien ne justifie qu'une personne gagne 500 fois, 1000 fois ce que gagne une autre. Aucun argument valable de valeur, d'études, de mérite, de quoique se soit ne le justifie.
Car en quoi être aide-soignant dans un hôpital (par exemple) serait à ce point "nullissime" pour qu'il gagne si peu?????? Bref, ça c'est une chose.
Par ailleurs, il y a un argumentaire très rôdé qui justifie, qui assoie sans faillir la bonne conscience de ceux qui possède ARGENT (et ou POUVOIR), il faut faire en sorte que les marchés financiers soient rentables, etc..... Mais on le sait, l'argent ne profite qu'aux riches. On entend maintenant des arguments qui justifient sans faillir la misère du peuple!!!!! Aujourd'hui on n'exploite plus de la même façon, il y a un vocabulaire, un argumentaire, des "on ne peut vous payer davantage...", etc...
Personnellement, je serais favorable pour une fourchette des salaires obligatoire (salaires allant de 1 à 50), c'est déjà pas mal.
@leoetlisa : la solidarité n'est plus aussi facile à obtenir semble-t-il ?
@Papillote : certains ne se rendent pas compte du travail harassant que doivent subir les gens...
@AustLiadon : on a pas fini de pleurer...
@Le Journal de Chrys : c'est quelque chose d'essentiel que tu soulignes !! La disparité est plus qu'indécente !!
Tu as bien raison. La question reste ouverte : que faire ? que faire quand descendre dans la rue fait rire les riches, quand le sort des jeunes n'intéresse pas les puissants ?
On se sent plus que démunis. On se sent anéantis, roulés-compressés, méprisés. Mais il faut lutter, sinon c'est foutu!!!
Je ne peux pas aller manifester mon mécontentement, et ça me navre... merci pour ce post !
Aaah Zola à la pointe de l'actualité! merci pour la citation.
Bon, sinon, je ne fais pas grève, pour des raisons financières, eh oui...
La pénibilité au travail, ce n'est pas que physique !
Bon, j'arrête là!
Il semblerait que l'esprit de la lutte revienne. Il s'était perdu ces dernières années mais Notre Suprême de volaille va réussir le tour de force de tous nous réveiller.
Finalement, j'ai enfin trouvé un motif de satisfaction à l'élection de ce pathétique petit homme.
Les manifestations font désormais partie du processus normal de l'adoption d'une réforme. C'est théorisé par les politologues.
Je rappelle, à toutes fins utiles, que la valeur ça n'existe pas. Qu'en conséquence ça ne se répartit pas. Qu'in fine, il n'existe pas de problèmes des retraites, de la Sécu, du budget des hôpitaux ou de tout ce que vous voudrez.
Merci pour ce très beau post Océane ...
Toujours d'actualité, malheureusement...
Rien n'est jamais acquis pour ceux qui sont du mauvais côté de la barrière. Pour les autres, par contre, on n'hésite pas à vider les caisses de l'état pour renflouer leur fortune vacillante. Se battre? Encore faut-il en avoir l'energie... J'avoue qu'elle me fait défaut en ce moment.
@Marine : On peut se sentir complètement inutile, et inefficace, hélas.
@Val : au moins on essaye !
@Nekkonezumi : c'est pas grand chose, mais au moins on s'exprime :)
@keisha : évidemment que l'argent est un élément essentiel !
@hurluberlu : suprême volaille ça lui va bien :)
@Monsieur O : pour la valeur, je te rejoins !
@Stéphanie : merci :)
@Noukette : pour longtemps encore...
@Emma : à l'épuisement, on ne peut qu'être dégouté hélas..