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Antoine et Cléopâtre

Aujourd’hui un peu de lecture, pour tout dire une lecture commune, dans le cadre du challenge Shakespeare, avec Claudialucia et Maggie.

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Antoine et Cléopâtre, comme un miroir à Roméo et Juliette. Shakespeare nous offre encore une histoire de passion et de fureur. Mais là où la fureur n’était que dans l’entourage de nos amants de Vérone, elle habite complètement la relation des amoureux du bord du Nil.

Antoine et Cléopâtre, c’est le tumulte, la jalousie, les disputes amoureuses, les colères et les réconciliations, jusqu’à l’ultime union dans la mort.

A la mort de Jules César, l’empire romain est aux mains d’un triumvirat, qui compte notamment Octave et Antoine. Ce dernier découvre l’Egypte dans sa part de l’empire, et avec l’Egypte sa reine, Cléopâtre. De cette rencontre va naitre ce qu’on ne peut appeler autrement qu’une passion tumultueuse, au risque de tomber dans les clichés harlequinesque. Mais la vérité est là : on peut observer un couple d’amants qui n’a rien de pur comme pouvaient l’être Roméo et Juliette. Ce sont deux fortes personnalités, ambitieuses et passionnés, qui vont s’adorer et se détester tour à tour. Antoine tourne le dos à la loyauté et à la morale romaine pour sa Cléopâtre, avant de retourner à Rome satisfaire aux jeux de la politique, quitte à épouser une autre femme, la sœur d’Octave.

C’est la stratégie politique de ce dernier, Octave, qui pousse nos amants au paroxysme de la démesure. Et c’est Octave qui tirera son épingle du jeu.  Les deux amants empêtrés dans leur relation tempétueuse ne pourront rien face à la détermination politique et guerrière de Octave. Antoine aura tout perdu, l’honneur, son rang, sa vie, et très vite Cléopâtre le  rejoint dans sa décision, pour mourir à son tour avant de subir l’humiliation de la défaite.

Cette pièce est à lire, à relire, à découvrir, à aimer… C’est une pièce sur l’amour, mais aussi sur la stratégie politique. C’est une pièce qui donne à voir un monde ancien s’écrouler et laisser place à un autre, plus moderne, délesté d’une certaine morale, au profit de la stratégie du vainqueur. L’honneur, la fierté des deux amants maudits sont écrasé par une sorte de real politik de l’époque.

Quelques extraits :

 « Cléopatre. — Je me sens malade et chagrine.

Antoine. — Il m'attriste d'avoir à vous faire part de ma résolution...

Cléopatre. — Emmenez-moi. Soutiens-moi, Charmion. Je vais tomber. Cela ne peut pas durer ainsi ; les forces de la nature n'y sauraient suffire.

Antoine. — Reine adorée...

Cléopatre. — Ecartez-vous de moi, je vous en prie.

Antoine. — Qu'y a-t-il ?

Cléopatre. — Je lis dans vos regards les bonnes nouvelles que vous avez reçues. Que dit votre légitime ?... Vous pouvez vous en aller. Plût aux dieux qu'elle ne vous eût jamais laissé venir ! Qu'elle n'aille surtout pas dire que c'est moi qui vous retiens ici. Je n'ai sur vous pas le moindre pouvoir. Vous êtes à elle.

Antoine. — Les dieux savent que...

Cléopatre. — Oh ! jamais reine fut-elle plus indignement trahie ? Mais dès les premiers jours j'ai vu la trahison se préparer.

Antoine. — Cléopâtre...

Cléopatre. — Comment le croire mien et fidèle, quand ses serments secoueraient les trônes des dieux, lui qui fut parjure à Fulvie ! Exécrable folie, de se laisser piper à ces serments du bout des lèvres, et qui se brisent d'eux-mêmes aussitôt prononcés.

Antoine. — Très douce reine.

Cléopatre. — Non, je vous en prie, ne cherchez pas à colorer votre départ ; disons-nous adieu et partez. Quand vous imploriez pour rester, alors c'était le temps des paroles : pas question de partir, alors. Nos lèvres et nos yeux ne parlaient que d'éternité ; la belle courbe de vos sourcils abritait la félicité ; tout en nous et jusqu'à la plus chétive parcelle était de la race des dieux ; et certes rien de tout cela n'a changé — si toi, le plus grand des guerriers, tu n'es pas devenu le plus grand des menteurs.

Antoine. — Eh quoi ! Madame.

Cléopatre. — Que n'ai-je ta carrure. Tu apprendrais qu'il y a un cœur en Egypte.

Antoine. — O Reine, écoutez-moi. Une impérieuse nécessité requiert par ailleurs mes services — pour un temps ; mais tout mon cœur reste occupé de vous. Sur notre terre d'Italie étincellent les glaives de la guerre civile. Sextus Pompée va forcer les portes de Rome. La dualité trop égale du pouvoir intérieur a donné prétexte aux factions. Ceux que d'abord on détestait, à présent enrichis, ont acheté la faveur publique. Et, Pompée, le proscrit, fort de la réputation de son père, s'insinue dans les cœurs de ceux qui n'ont point su profiter du régime actuel ; le nombre de ceux-ci devient menaçant. Pourrie de loisir, l'impatiente oisiveté aspire à quelque changement plein de risques... Un motif plus particulier, qui près de vous pourra justifier mon départ, c'est la mort de Fulvie.  »

 

« Cléopatre. — Donne-moi mon manteau. Pose la couronne. Je sens une soif immortelle. Jamais plus le jus de la grappe d'Egypte ne viendra rafraîchir mes lèvres. Fais vite, Iras ! Dépêche-toi, je crois entendre Antoine ; il m'appelle ; je le vois qui se lève; il me dit : tu fais bien. Il rit à la fortune de César. Les dieux font payer trop cher la fortune. Antoine, me voici, ton épouse. Mon courage veut mériter ce titre. Je suis de la flamme et de l'air. Tout ce qui pèse en moi, je le laisse à la terre et pour alimenter d'autres vies. Eh bien ! Tout est-il prêt ? Venez ! Cueillez la dernière chaleur de ma lèvre. Bon voyage, aimable Charmion ; Iras, adieu... (Iras tombe et meurt.) Eh ! quoi ! Suis-je un aspic ! Mon baiser l'a tuée ! Quoi le nœud si facilement se défait ? Ah ! vraiment ton étreinte, ô mort, est pareille à celle d'un amant ; elle blesse, mais on la désire. Iras, oh ! comme elle est tranquille. Tu pars si doucement, comme pour montrer que le monde ne vaut pas qu'on lui dise adieu.

Charmion. — Nuages épais, répandez vos averses, et qu'elles soient comme les larmes des dieux,

Cléopatre. — Oh ! lâche que je suis de me laisser devancer par elle. Si maintenant elle rencontre avant moi mon Antoine aux belles boucles, elle me volera peut-être ce baiser dont je veux faire tout mon ciel. Viens, vermisseau mortel !

(Elle applique l'aspic à son sein.)

Ta dent aiguë saura trancher d'un coup le fil tenace de la vie. Fâche-toi, pauvre fou venimeux ! Finissons-en ! Que ne peux-tu parler ! tu me dirais : ah ! quel grand niais malavisé que ce César.

Charmion. — Etoile du levant !

Cléopatre. — Silence ! Silence ! Regarde : sur mon sein le nourrisson s'endort en tétant sa nourrice.

Charmion. — Mon cœur se fend.

Cléopatre. — Suave comme la myrrhe, aussi subtil que l'air, aussi doux... Marc Antoine ! (Elle applique à son bras un second aspic.) Viens ! je vais te nourrir aussi. Pourquoi demeurer plus longtemps...

(Elle meurt.) »


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Commentaires

  • Une fois encore tu me donne envie de lire les livres que tu décris toujours si bien :)

  • C'est gentil Mélodie, tu me fais très plaisir !

  • L'amour jusqu'à la mort... Un beau programme ! Je n'aime pas trop lire du théâtre mais tu donnes envie de découvrir cette pièce !

  • Le théâtre donne une autre dimension aux sentiments je trouve ! Et cette pièce ci est magnifique à cet égard !

  • J'aime énormément cette pièce !

  • Elle est sublime, il faut le dire !

  • Cette histoire a quelque chose de fascinant, et tu me donnes envie de découvrir cette oeuvre.

  • N'hésite pas à la lire !

  • Ton billet est de toute beauté mais si l'écriture poétique de Shakespeare reste très belle, je me suis ennuyée à la lecture cette pièce : les amours de cléôpatre et Antoine ne tiennent qu'une petite place dans la pièce et cléôpatre ressemble trop à une mégère ! Un peu déçue... en revanche, la décadence m'a davantage intéressée

  • C'est vrai qu'elle a un petit côté acariâtre j'avoue, mais je t'ai dit mon indulgence pour ces amants maudits :)

  • PS : merci pour ta participation au challenge

  • C'est un plaisir !

  • A part Roméo et Juliette, je n'ai jamais lu Shakespeare. mais tu en parles si bien que tu me donnes envie!

  • Celle-ci vaut la peine d'être lu !

  • J'aime ta façon de parler de livres :)
    Bonne nuit :)

  • Merci à toi :)

  • Cette pièce est une de mes préférées !

  • Elle est si belle !

  • Oui, j'ai laissé de côté l'intrigue politique et l'image de ce monde qui s'effrondre et qui sont certainement des aspects intéressants de l'oeuvre. J'ai ressenti comme Maggie un certain ennui à la lecture de la pièce avec ces personnages assez insupportables et tellement égoïstes. Mais bien sûr, ce sont des caractères qui existent et il suffit de regarder nos politiques pour nous en persuader!

  • Le nombrilisme des personnages peut agacer, mais il est à mettre en parallèle avec un certain monde qui s'effondre !

  • Je ne l'ai jamais lu mais il est sur ma liste depuis un bon moment....

  • Lance toi ma douce, tu ne le regretteras pas !

  • Avec Maggie , on veut se faire une Lc toujours sur Shakespeare. On n'a pas encore choisi ni décidé du jour. Tu seras des nôtres? Tu as des idées?

  • J'ai été déçue de ne pas trouver ces fureurs dont tu parles. j'ai beaucoup plus trouvé de la manipulation. Chacun essaie de trouver les failles pour tirer son avantage, y compris dans les amis qui font défection à Antoine, les femmes qui servent d'enjeu et de pions...

  • La manipulation n'exclut pas la fureur :)

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