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Pour un 8 mars littéraire

Au début, j’avais pensé ne rien écrire, et passer sous silence ce 8 mars. Chaque année nous avons droit au même bal des faux-culs, mâtiné d’un sexisme commercial de plus en plus énervant, tant ce jour est prétexte aux différentes marques pour nous fourguer leurs produits. J’adore les produits de beauté, les fringues, les chaussures etc.. mais franchement c’est insultant et agaçant de recevoir des sms/mails de la part des enseignes de cosmétiques ou mode, nous gratifiant de réductions cadeau à l’occasion de la journée de la femme. Faut vraiment être une équipe de cons finis aux services marketing des dits marques pour persister, en 2016, dans cette communication (de merde). Ces marketeux oublient une chose essentielle : le 8 mars est là pour nous rappeler que dans bien des pays, y compris le notre, les droits des femmes sont bafoués, niés, massacrés. Alors très sincèrement, les 20% de réduction sur la petite robe, ou le rouge à lèvres, ce n’est pas foncièrement la préoccupation du jour, sans compter l’éternelle réduction de la femme à ces futilités, qui ne sont qu’une infime partie de notre être bordel de nom.

Bref, prenons le temps, ce jour comme le reste de l’année d’ailleurs, de réfléchir, d’observer ce qu’il reste encore de combats à gagner, et comment les gagner. Prenons le temps de lire aussi, des livres qui participent à l’éveil d’une conscience indispensable à ce combat.

Je ne me suis jamais présentée comme féministe, pour moi la question ne se posait pas vraiment. Peut-être qu’avant, vers l’adolescence, il me semblait évident que tout le monde ne pouvait être que féministe : qui, dans le monde moderne des années 80/90, pouvaient ne pas vouloir l’égalité de tous ? J’étais vraiment naïve et ignorante du monde. C’est par les livres que j’ai commencé, et continué ma réflexion sur le sujet.

Au départ, ce sont des lectures de hasard, c'est-à-dire des livres lus sans volonté précise de ma part de lire sur le sujet du féminisme, et qui m’on amené à réfléchir un peu différemment. Voire à réfléchir tout court.

Le premier d’entre eux, c’est l’essai de Virginia Woolf, Une Chambre À Soi. Le lire m’a ouvert les yeux sur une évidence qui était pourtant là, offerte à mon regard. Pourquoi les femmes n’accèdent pas à la même réussite qu’aux hommes, pourquoi n’ont-elles pas la même possibilité d’étudier, de progresser. Sont-elles plus bêtes ? Non, évidemment. Il leur manque, il NOUS manque seulement, et essentiellement, cette fameuse chambre à soi, cette possibilité de s’isoler du fracas du monde, de s’extraire d’un rôle social, et d’obligations, pour se consacrer à autre chose qu’à un devoir biologique et social. Il manquait aux femmes de son époque la liberté de choisir une vie, de voyager, d’être financièrement indépendante. Cette liberté est encore à conquérir, en 2016, pour bien trop de femmes. Le partage des tâches ménagères et de l’éducation des enfants est une évidence encore trop théorique. Combien de femmes mettent de côté leurs ambitions, leurs rêves, parce que c’est plus simple, plus « logique » socialement ?

Dans la suite de Virginia Woolf, j’avais lu à l’époque, et encore par hasard, sans savoir à quoi m’attendre, Une Maison de Poupée, de Henrik Ibsen. Le personnage de Nora, la « petite alouette » de son mari, marque toute jeune lectrice. J’ai ressenti de l’agacement, puis de la peine, pour cette femme d’apparence stupide et superficielle. Encore plus d’agacement envers son mari qui prolonge dans son mariage le paternalisme de toute une société. L’émancipation de Nora, son éveil à sa propre valeur, font de la pièce de Ibsen une expérience de lecture qui bouleverse les certitudes.

Plus tard, Gisèle Halimi a fini d’ancrer dans la réalité la nécessité des combats féministes au quotidien. La Cause des Femmes, avec le procès de Bobigny, a été encore plus bouleversant. C’était étrange pour moi de considérer qu’une jeune fille, moins de vingt ans plus tôt, affrontait l’humiliation d’un procès, une accusation publique de toute la société, pour avoir subit un avortement. J’avais déjà beaucoup d’admiration pour Gisèle Halimi grâce à son combat contre la torture en Algérie (l’essai autour de Djamila Boupacha est d’ailleurs un autre livre-pivot de mon engagement politique, mais c’est un autre débat).

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Bref, encore une fois, prise de conscience et ancrage dans le réel : les livres sont là pour nous rappeler le chemin parcouru, et ce qu’il nous reste à conquérir.

Je me rends compte que le sujet me passionne et qu’il y a encore quelques livres traitant plus ou moins du sujet, dont j’ai envie de vous parler, peut-être plus en détail. Je pense notamment à King Kong Theorie de Despentes, au Carnet d’Or de Doris Lessing, à La Servante Écarlate de Margaret Atwood. Je pense aussi à Christine Delphy, à Nikki Gemmell et Mona Chollet, à Judith Butler et Annie Ernaux. Plein d’occasions de revenir m’épancher ici :)

Commentaires

  • Chambre à soi : "s’extraire d’un rôle social, et d’obligations, pour se consacrer à autre chose qu’à un devoir biologique et social". On ne saurait mieux et plus précisément dire les choses. Ne l'oublions pas : le féminisme est un humanisme.

  • Aaah je me souviens avoir lu du Betty Friedan (avec le bibliothécaire me prévenant que... que quoi? que ce n'est pas un roman gentil?) et Benoite Groult... On ne m'a jamais proposé de rouge à lèvres ni de trucs comme ça, dis donc! (et vaut mieux pas)

  • Comme toi, ayant grandi en faisant "ce qui bon me semble", je n'avais pas conscience des batailles menées par mes aînées ! Dire que dans les années 60, une femme ne pouvait pas ouvrir son propre compte bancaire sans l'autorisation de son mari ! Évidemment, aujourd'hui ça nous parait loin et le résultat : un mouvement de jeunes femmes criant haut et fort qu'elles ne sont pas féministes .. De tout et n'importe quoi. Dans cette cacophonie ambiante, un peu de lecture nous fera assurément du bien et j'ai une pensée pour toutes ces femmes, jeunes ou moins jeunes, qui, dans le monde entier risquent leur vie tous les jours pour défendre leurs droits.

  • Une chambre à soi, je le relirai. Je note surtout gisèle Halimi que je ne connais pas du tout mais dont les deux sujets que tu évoques m'intéressent. bourdieu, dans la domination masculine analyse aussi les rapports homme/femme. L'évocation du plafond de verre et de l'éducation sont très intéressantes...

  • Haa j'aime quend tu es en colère ! Moi aussi j'ai reçu les mails de Sé****a et autre No***é pour les 15 ou 20 % de réduction et d'autres d'ailleurs ! Comme tu dis c'est humiliant : "ha bon ? Les autres jours on n'est pas des "vraies" femmes" ? Bref... Moi j'ai connu la décade 75-85 où le "boulot" féministe était passé par là, où tout était permis et je n'imaginais même pas que l'on puisse régresser un jour...hélas... Ibsen j'ai beaucoup aimé La maison de poupée et les livres de Gisèle Halimi, V. Woolf, j'aime mais j'ai du mal à la lire ! Flora et Benoîte Groult ont été "fondatrices" pour moi ...mais c'était une autre époque ! ;)

  • Difficile de rajouter quelque chose. Tu as dit peu mais tout est dit.
    Alors une petite touche personnelle sur le sujet : ce qui différencie la femme de l'homme, c'est la maternité. Et ces 9 mois et quelques handicapent souvent sciemment ou inconsciemment toute sa vie; à multiplier par le nombre de naissances.
    Je pense que ce sujet est encore une bataille importante à gagner : dans la tête des gens, à relayer généreusement par les états.

  • Très bel article bien écrit et que de jolies références littéraires!!!!
    Xxx

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