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annie girardot

  • Comprenne qui pourra

    L’autre soir, le souvenir de Gabriel Russier m’est revenu en tête, alors qu’on parlait d’Annie Girardot. Cette dernière avait joué son rôle, en quelque sorte, dans le film d’André Cayatte, Mourir d’ Aimer. Outre la très belle chanson d’Aznavour, cette histoire me remet en mémoire le poème de Paul Eluard, cité par Pompidou après le suicide de Gabriel Russier…

    Pour ceux qui ne savent pas, Gabriel Russier était une enseignante de 32 ans, tombée amoureuse d’un élève de 16 ans, elle a été incarcérée, puis s’est suicidée. Atroce histoire…

    A son décès Pompidou avait cité quelques vers d’un poème de Eluard, qui faisait référence aux femmes tondues de la libération, ces femmes « mal » tombées amoureuse…

    C’est ce poème que je vous propose aujourd’hui. L’amour est une force indépendante de notre volonté, n’est-ce pas ?  

     

    Comprenne qui voudra
    Moi mon remords ce fut
    La malheureuse qui resta
    Sur le pavé
     La victime raisonnable
    À la robe déchirée
    Au regard d’enfant perdue
    Découronnée défigurée
    Celle qui ressemble aux morts
    Qui sont morts pour être aimés

    Une fille faite pour un bouquet
    Et couverte
    Du noir crachat des ténèbres

    Une fille galante
    Comme une aurore de premier mai
    La plus aimable bête

    Souillée et qui n’a pas compris
    Qu’elle est souillée
    Une bête prise au piège
    Des amateurs de beauté

    Et ma mère la femme
    Voudrait bien dorloter
    Cette image idéale
    De son malheur sur terre.

    Paul ELUARD

  • Le temps efface tout il n'éteint pas les yeux

    Monday sucks, je vous le disais ce matin. Encore plus en cette fin de journée où j’apprends la mort d’Annie Girardot. Je ne vais pas m’étaler sur le sujet ou faire dans le pathos, juste rappeler quelle actrice merveilleuse elle à été, même si le  milieu du cinéma l’a boudée un temps… Je me rappelle de sa beauté dans ses films de jeunesse, sa présence sublime et drôle parfois…

    Annie girardot, cinema, marcel proust,

     

     

    Annie girardot, cinema, marcel proust,

    J’ai une expression merdique pour signifier que je vais peu au cinéma, je dis que je n’aime que les films avec des acteurs morts dedans. Vraiment merdique comme expression… Mais elle se confirme…

     

    Sa mémoire s’était envolée, triste destin de celle qui marque les nôtres, de mémoire.

    Et sur ce temps qui passe, cruel et froid, me revient ce poème de Marcel Proust, avec ses quelques vers qui me mettent les larmes aux yeux ce soir.

    Ne lisez rien de moi ici, mais lisez ces lignes, et si elles ne vous vrillent pas le cœur, alors c’est que vous n’en avez plus… 

     

    Je contemple souvent le ciel de ma mémoire

    Le temps efface tout comme effacent les vagues
    Les travaux des enfants sur le sable aplani
    Nous oublierons ces mots si précis et si vagues
    Derrière qui chacun nous sentions l'infini.

    Le temps efface tout il n'éteint pas les yeux
    Qu'ils soient d'opale ou d'étoile ou d'eau claire
    Beaux comme dans le ciel ou chez un lapidaire
    Ils brûleront pour nous d'un feu triste ou joyeux.

    Les uns joyaux volés de leur écrin vivant
    Jetteront dans mon cœur leurs durs reflets de pierre
    Comme au jour où sertis, scellés dans la paupière
    Ils luisaient d'un éclat précieux et décevant.

    D'autres doux feux ravis encor par Prométhée
    Étincelle d'amour qui brillait dans leurs yeux
    Pour notre cher tourment nous l'avons emportée
    Clartés trop pures ou bijoux trop précieux.

    Constellez à jamais le ciel de ma mémoire
    Inextinguibles yeux de celles que j'aimai
    Rêvez comme des morts, luisez comme des gloires
    Mon cœur sera brillant comme une nuit de Mai.

    L'oubli comme une brume efface les visages
    Les gestes adorés au divin autrefois,
    Par qui nous fûmes fous, par qui nous fûmes sages
    Charmes d'égarement et symboles de foi.

    Le temps efface tout l'intimité des soirs
    Mes deux mains dans son cou vierge comme la neige
    Ses regards caressants mes nerfs comme un arpège
    Le printemps secouant sur nous ses encensoirs.

    D'autres, les yeux pourtant d'une joyeuse femme,
    Ainsi que des chagrins étaient vastes et noirs
    Épouvante des nuits et mystère des soirs
    Entre ces cils charmants tenait toute son âme

    Et son cœur était vain comme un regard joyeux.
    D'autres comme la mer si changeante et si douce
    Nous égaraient vers l'âme enfouie en ses yeux
    Comme en ces soirs marins où l'inconnu nous pousse.

    Mer des yeux sur tes eaux claires nous naviguâmes
    Le désir gonflait nos voiles si rapiécées
    Nous partions oublieux des tempêtes passées
    Sur les regards à la découverte des âmes.

    Tant de regards divers, les âmes si pareilles
    Vieux prisonniers des yeux nous sommes bien déçus
    Nous aurions dû rester à dormir sous la treille
    Mais vous seriez parti même eussiez-vous tout su

    Pour avoir dans le cœur ces yeux pleins de promesses
    Comme une mer le soir rêveuse de soleil
    Vous avez accompli d'inutiles prouesses
    Pour atteindre au pays de rêve qui, vermeil,

    Se lamentait d'extase au-delà des eaux vraies
    Sous l'arche sainte d'un nuage cru prophète
    Mais il est doux d'avoir pour un rêve ces plaies
    Et votre souvenir brille comme une fête.

     

    Voilà, une femme s’éteint, avec elle une partie de ce monde…