Je recule le moment d’écrire ce truc, que je ne sais même pas nommer. Pas hommage en tout cas.
Juste une vague d’émotion qui est venue me surprendre. Michael Jackson, puisque c’est lui dont il s’agit, représente beaucoup pour moi.
Je suis née à la fin des années 70, et j’ai donc grandi avec sa musique. Je me rappelle parfaitement de ces fabuleuses années 80, des Gazelle Adidas, du Tang, des poster d’Ok magazine et de Podium dans ma chambre.
Et des 33 tours de Michael, acheté par mon grand frère. La folie qui s’est emparé de lui à l’écoute de ses chansons.
Et comme mon frère m’avait initié à des choses aussi hétéroclites que le jeu de dame, le chewing-gum Hollywood en tablette, ou le talent de Marius Trésor ou Bernard Hinault ; de la même manière il me suggérait d’écouter ce prodige.
Toute jeune j’ai biberonné à la chanson française par ma maman (Daniel Balavoine, si tu nous entends…) et au son Motown, par mon frère. Bien sûr, il y avait d’autres artistes, mais parlons de Michael.
Chacune de ses chansons était l'occasion d'une nouvelle hystérie à la maison !
Je suis une femme très attachée au temps qui passe et aux souvenirs. La mémoire est le véritable siège de l’émotion, avant le cœur. Et ma mémoire est fidèle à ses émotions et à ce qui les a fait naitre. Ma mémoire et mes émotions doivent beaucoup aux années 80, époque de l’enfance, puis de l’adolescence. Comme j’ai eu des chocs littéraires avec de grands écrivains, Steinbeck, Hugo ou London par exemple, j’ai également eu des « révélations » musicales.
D’aussi loin que remonte ma mémoire, je me rappelle plus ou moins de chanteurs, de musiciens, qui venaient ponctuellement apporter quelque chose dans ma vie, comme la votre certainement. Mais il y avait deux statues immuables : Mozart et Michael. Ne soyez pas choqués par ce parallèle, je vous parle simplement des deux grandes émotions musicales qui ne m’ont jamais fait faux bond.
Je revois la petite chaine hi-fi dans ma chambre, avec les cassettes audio qui tournaient en boucle : des opéras de Mozart et les albums de Michael.
Michael c’est un paradigme à lui tout seul. Le paradigme de ma vie d’abord, en tout cas de ma vie telle que je la voyais adolescente. La souffrance, les névroses de l’enfance, dont certaines ne nous quittent jamais, et qui forgent une personnalité. Je ne parle même pas de la souffrance que l’on peut subir en réalité : je fais référence à cette capacité que l’on peut avoir, à un moment de sa vie, de porter toute la souffrance du monde, tel Atlas. Vrai ou faux peu importe, cette communion, cette empathie avec l’inconscient collectif, on la ressentait chez Michael : lui aussi portait le monde sur ses épaules, et cette névrose d’adolescent me le rendait encore plus sympathique.
Michael c’est l’enfance, ce moment que je ne retrouverai jamais. Et c’est peut-être là que je bloque. Il a tellement marqué cette époque de ma vie, puis mon adolescence, que sa mort signifie plus, trop.
Tant qu’il était vivant, le champ des possibles était ouvert : un nouvel album, une nouvelle scène, certes. Mais surtout, lui vivant, c’est le passé qui continue, c’est la mémoire ravivée.
Sa mort a mis en lumière la fin d’une époque pour moi. Je n’ai plus 10 ans, je ne suis plus chez mes parents, comme sur ce polaroïd, encadré par ma maman et mon frère, en jupe de velours bleu et sous-pull noir. Je ne suis plus entre eux deux, en attente de la vie. Je suis là, loin de tous mes repères, avec des années de plus. Des années passées à vivre une vie d’illusion et de projets infinis, comme une possibilité éternelle d’essayer, de tenter.
La mort de l’artiste, c’est la mort de l’enfant d’abord : on ne se projette plus. Il faut agir et écrire son histoire définitive avant de partir soi-même.
Et merde j'ai pleuré comme une idiote toute la semaine.