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room

  • Adaptation

    En regardant les Oscars, au moment de la catégorie Meilleure Adaptation, je me suis fait la réflexion que j’avais toujours bien du mal avec l’idée d’un roman porté à l’écran. Ou plutôt, du mal avec l’adaptation ciné ou télé des romans que j’ai bien aimé. Même si le résultat est beau, esthétique, fidèle ou je ne sais quelle autre qualité encore, à la fin je regrette toujours un peu d’avoir cédé à la curiosité de regarder le film après avoir lu le roman. Il va de soi que c’est encore pire pour moi d’avoir vu un film avant de lire le roman dont il est tiré.

    Une seule exception à cela, Autant En Emporte Le Vent, que j’ai vu et revu une multitude de fois avant de tomber sur le livre au collège. Bizarrement, tout ce qui me fait craindre une adaptation ne s’applique pas à ce film. Laissez-moi dans mes contradictions.

    Donc, pour en revenir au cœur du sujet. Quand un roman me plait, il reste des années dans ma tête, et se manifeste de temps en temps par un détail, par le travail de l’imaginaire et des souvenirs, et ainsi se crée tout un univers mental associé à ce roman. Comme tout bon lecteur, je me fais ma propre adaptation visuelle, et je dois avouer qu’elle me suffit. C’est comme si j’avais peur d’être dépossédée de MON livre, de MES personnages, et l’effroi est encore pire quand l’adaptation est une vaste blague. (Non mais sérieux, Depardieu en Edmond Dantès ???)

    La relation à un roman est une chose si personnelle et intime, j’ai du mal à partager cela avec un réalisateur, qui mettra un visage sur un personnage qui existe déjà dans ma tête… Pourtant, j’apprends à être moins psychorigide, plus souple et bienveillante. C’est comme un exercice anti-égoïsme, où il s’agit, à travers une adaptation, de comprendre ce qu’on partage avec des milliers d’autres lecteurs/spectateurs. Ce n’est pas toujours évident :)

    Aux Oscars cette année, il y avait parmi les nommés dans la catégorie adaptation, trois films basés sur des romans que j’ai lu et aimé. Carol, Brooklyn, et Room. Ce dernier m’a même complètement bouleversée. De fait, j’attends avec appréhension d’aller voir le film, qui sort courant mars, tant le récit m’a marqué. J’ai peur d’être déçue, et que cela gâche presque tout ce que j’avais brodé dans ma tête autour du livre. Pourtant, je vais aller le voir dès que possible.

    Je ne sais pas si je suis complètement timbrée à me faire des montagnes sur le sujet ? Mais ça me rassurerait de n’être pas la seule :)

    À propos du roman de Emma Donoghue, j’avais écrit un billet, il y a quelques mois : Room.

    Sinon, un jour il faudra que je vous parle de ma détestation des couvertures de livre tirées des affiches des films adaptés. Mais à chaque jour son combat.

  • Room - Emma Donoghue

    J’avais pris ce livre dans le rayonnage assez par hasard. J’avais commencé par lire les premières pages, dans les travées de la libraire, avant de le reposer. Parce que les premières pages semblaient racontées par un enfant et bon moi, des fois je suis assez stupide pour m’arrêter à ce genre de détails.

    Et puis, je l’ai revue encore, la fois d’après, et je ne sais pas pourquoi, je me suis dit essaie, il y a quelque chose dans ces 2 premières pages que tu ne comprends pas, et qui mérite d’y voir de plus près.

    Alors je l’ai acheté. Puis j’ai attendu, quelque chose comme deux ou trois mois avant de le lire. Un soir, alors que mon fils dormait, heureux (j’espère), dans son lit, au milieu de ses jouets et peluches, les livres du soir tombés de la couette, ce soir là donc, j’ai rouvert Room, de Emma Donoghue. Et je ne l’ai pas lâché de la soirée, jusqu’à tout lire, opération assez difficile entre les voiles de larmes, les hoquets de désespoir et les résonnances particulières que prenaient certaines pages.

     

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    Et puis j'ai mis plus d'un an à me décider à en parler ici, tant ce récit vit encore dans mon cerveau, un peu trop fort.

    L’histoire.

    Comment résumer. Je ne le ferais pas, je n’y arriverai pas, alors je vous mets le résumé de l’éditeur, très fidèle : « Sur le point de fêter ses cinq ans, Jack a les préoccupations des petits garçons de son âge. Ou presque.

    Il ne pense qu’à jouer et à essayer de comprendre le monde qui l’entoure, comptant sur sa mère pour répondre à toutes ses questions. Cette mère occupe dans sa vie une place immense, d’autant plus qu’il habite seule avec elle dans une pièce unique, depuis sa naissance.

    Il y a bien les visites du Grand Méchant Nick, mais Ma fait tout pour éviter à Jack le moindre contact avec ce personnage. Jusqu’au jour où elle réalise que l’enfant grandit, et qu’elle ne va pouvoir continuer longtemps à entretenir l’illusion d’une vie ordinaire. Elle va alors tout risquer pour permettre à Jack de s’enfuir.

    Mais l’enfant va-t-il réussir à trouver des repères loin de leur univers ? Quel accueil lui réservera le monde extérieur, lui l’enfant né de la captivité d’une femme ?

    Room interroge la capacité de survie qui existe en chacun de nous, tout en célébrant les pouvoir du récit et du langage. Mais l’auteur résume magnifiquement son principal objet de réflexion : « Le drame essentiel de la parentalité : comment l’on passe d’un instant à l’autre du rôle de celui qui console à celui qui persécute, tout comme les enfants passent leur temps à illuminer notre vie et à nous rendre fous. J’ai essayé de saisir cette étrangeté et ce paradoxe. Devenir parent suscite les émotions les plus folles qu’on puisse ressentir. »

    Voilà.

    Et moi là-dedans ?

    J’ai regardé admirative, comment une femme, en état de faiblesse, peut trouver protéger son enfant, et encore plus que ça, pour aller jusqu’à créer un univers tout entier, juste pour expliquer à son enfant que la vie qu’il vit est la plus belle, la plus incroyable, et pleine d’amour qu’on puisse vouloir.

    Le parti pris de faire de Jack, l’enfant, le narrateur, donne une force supplémentaire à ce récit, tant l’univers qu’il nous présente est alors normal et beau, même dans son enfermement.

    Et surtout, la volonté de cette femme de préserver son fils en créant ce monde bien à eux, ne l’empêche pas de chercher tous les moyens pour les en faire échapper.

    Et ils réussiront à s’extraire de la chambre, de l’univers confiné... Le moment alors pour eux, et pour nous de basculer dans un autre univers, sans toit ni portes scellées, mais avec le regard de bête curieuses des autres, la culpabilité des « vivants » du dehors, la culpabilité de la mère aussi, et celle de l’enfant, la découverte que cette relation fusionnelle par la force des choses, va nécessiter d’évoluer, mais comment ?

    Je ne m’étendrai pas plus, ce récit est vraiment pour moi un des meilleurs objets de littérature des dernières années.

    Arriver à aborder un tel sujet avec inventivité, en échappant au glauque, au sordide, et laisser au lecteur une belle trace d’espoir et d’amour surtout, c’est un coup de maitre.

    J’ai essayé de ne pas trop me mélanger les pensées, entre l’histoire de Jack, ce que sa mère a surmonter et créé pour lui, et qui fait toute la beauté de la mission d’une mère, et puis mes propres échecs et erreurs de mère, sans parler des échecs que la vie se plait à accomplir pour vous…

    J’ai retenu aussi de ce récit qu’il faut faire de son mieux avec son enfant, enfermée comme la mère de Jack, ou libre, il faut faire de son mieux, avancer, protéger et puis ce que l’on rate, ce que l'on ne peut accomplir, ne fait pas de nous de plus mauvais parents pour autant.

    Je fais de mon mieux pour E. J’aurais certainement fait de mon mieux pour L. aussi si j’en avais eu la possibilité ne serait-ce qu’une journée.

    Cette certitude, il faut se la répéter chaque jour.

    Emma Donoghue a réussi à tirer de la lumière de ce qu’il peut y avoir pire comme noirceur.



    Room – Emma Donoghue

    Sortie en poche tout récemment.