Chaque année, au moment des distinctions du Prix Nobel, je me prends à espérer que enfin, après tant d’attente, l’académie suédoise reconnaitra à la face du monde le talent de mon cher Adonis. Je crois qu’un des premiers billets « littéraires » qui m’ait été inspiré en ces lieux, fut à la suite d’un échec d’Adonis, une année où il tenait bon la corde. Mais las, un autre fut choisi. Une fois de plus. Souvent pressenti au Nobel, Adonis est pourtant un poète peu connu en France, en tout cas de ce que je peux en voir.
Pourquoi ce nom d’abord ? Adonis est né en Syrie, et a voué très jeune sa vie à l’écriture, essuyant d’abord refus d’éditions et silence. Se rappelant la légende du dieu Adonis, celui qui meurt dévoré par des bêtes, et qui va renaitre des larmes d’Aphrodite, sous la forme de l’anémone, notre poète va tourner la page de ces échecs, mourir à son ancien Je et renaitre en Adonis le poète. En guise de fleurs, ce seront des poèmes solaires, des vers d’amour destiné à une terre sans frontières, à un espace qui est dessiné par le vent et par les mots. Des mots d’amour envoyé à ce frère, cette sœur que nous devrions reconnaître dans chaque visage humain croisé dans nos vies.
Car malgré les guerres qui traversent le Moyen-Orient, la Syrie de sa naissance, le Liban de son adoption, Adonis propage dans ses vers l’éternel appel à la fraternité et à l’amour.
Quand je le lis, je pense à un vagabond amoureux, qui va de ville en ville prêcher sa bonne parole, et répandre l’amour. Qu’il parle des femmes ou des villes, Adonis nous porte dans un songe éveillé.
Avec une goutte d'ennui
je comble à chaque instant
un lac d'espérance
Mais comme tout bon poète, il sait que son œuvre est un prolongement de la réalité, de l’existence vécu, et non simplement un fantasme en mots. Et le lecteur le ressent parfaitement, qu’il parle d’une blessure amoureuse ou de la fierté d’un peuple. Et c’est peut-être au nom de cet ancrage qu’Adonis nous a offert également quelques essais, dont un dernier livre d’entretien, au sujet de l’Islam et de la violence. Un sujet dont l’actualité nous a tous sonné il y a peu. Je ne l’ai pas encore lu, donc je n’en parlerai pas précisément ce jour, mais il semble faire un constat implacable, sur l’imprégnation mortifère de la religion sur les civilisations arabes, et il propose quelques pistes pour en sortir, notamment une séparation du clergé et du politique. J’ai donc hâte de le lire, afin de comprendre un peu plus les secousses que nous vivons.
Voilà, d’une rive à l’autre, Adonis trace des chemins : à nous de les emprunter.
Mémoire d’un Tyran :
Épi par épi,
N’en laissez aucun…
Cette moisson est notre paradis retrouvé,
Notre pays à venir.
Déchirez les cœurs avant les poitrines,
Arrachez les racines,
Changez cette glèbe
Qui les a portés.
Effacez un temps, qui a narré leur histoire,
Effacez un ciel qui s’est incliné sur eux,
Épi par épi,
Afin que la terre revienne
À son état premier…
Épi par épi…
A demain pour une autre case de mon calendrier de l'Avent.
Commentaires
Désolée, mais je ne connais pas... j'ai deux noms, un sud africain et un espagnol, que je veux pour le Nobel, na.
Il faudrait un jour faire la liste des Nobel oubliés :)