Qui lit encore Roger Mondoloni ? Pourtant sa réflexion mérite qu'on s'y attarde un peu plus.
Tout entière
Le Démon, dans ma chambre haute,
Ce matin est venu me voir,
Et, tâchant à me prendre en faute,
Me dit : " Je voudrais bien savoir,
Parmi toutes les belles choses
Dont est fait son enchantement,
Parmi les objets noirs ou roses
Qui composent son corps charmant,
Quel est le plus doux. " - Ô mon âme !
Tu répondis à l'Abhorré :
" Puisqu'en Elle tout est dictame,
Rien ne peut être préféré.
Lorsque tout me ravit, j'ignore
Si quelque chose me séduit.
Elle éblouit comme l'Aurore
Et console comme la Nuit ;
Et l'harmonie est trop exquise,
Qui gouverne tout son beau corps,
Pour que l'impuissante analyse
En note les nombreux accords.
Ô métamorphose mystique
De tous mes sens fondus en un !
Son haleine fait la musique,
Comme sa voix fait le parfum ! "
J'aime ces vers de Baudelaire, tout l'amour est résumé. Un enchantement, un parfum, un souffle, une voix.
En écoutant Kent reprendre cette chanson interprétée au départ par Enzo Enzo, je me suis arrêté sur sa voix à lui. Elle est très belle. Mais plus que ça,elle me touche. C'est exactement la voix que je voudrais entendre tout les jours s'enquérir de mes nouvelles, me demander le sel, ou bien l'endroit où se trouve le bouquin entamé la veille.
C'est une voix gentille, confiante, rassurante. La voix de quelqu'un de bien.
Est-ce que je suis influencée par le titre ? Je ne pense pas.
La vie c'est ressentir, intercepter des messages et les interpréter avec les moyens dont on dispose. La communication et la vie ne sont que la même chose. Avoir une bonne interaction, entendre correctement les autres, au sens où ou les appréhende, c'est simplement vivre heureux. La voix est chargée d'émotions, de vécu, tous les signaux du comportement, des sentiments intérieurs s'y retrouvent. La voix ne peut trahir il parait. Je n'en sais rien, je l'espère.
Disons que je crois ce que j'entends. Pas les paroles, mais l'intonation, la modulation de la voix. J'ai parfois des côtés encore très naïfs. Ainsi j'ai tendance à penser que la gentillesse ne peut continuellement être feinte, et surtout, il s'agit de la découvrir non pas à la surface des notes vocales, mais enfouies derrières des hésitations, des murmures, des soupirs.
Connaît-on jamais quelqu'un vraiment ? Non, mais on passe sa vie à le deviner, à l'interpréter. Il y a les mots que l'on entend, ce que dit la voix, et finalement seul compte ce qu'entend le cœur.
Que met-on derrière le vocable de l'amour ? Une attirance physique et intellectuelle, portée par le charme de la voix : cette mélodie qui chante à nos oreilles l'histoire merveilleuse de l'emportement des cœurs.
Ecoute la voix qui te parle à l'oreille le soir, entend-là et fais lui confiance. L'endroit où elle veut te mener est certes nouveau, et cela peut te paraître un risque, mais pourquoi vivre alors ?
Ecoute la profondeur de ses intonations, la chaleur de ses mots. Quelle promesse entends-tu ? Celle du bonheur calme et de la passion réunis ensemble, enfin.
La voix ne peut mentir, cette voix qui te parle et s'est offerte complètement à toi, plus que ne le ferait un corps à la première rencontre.
A quoi sert de vivre si vivre c'est étouffer ses promesses ?