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vivaldi

  • Récitation


    Une tradition immuable de l'école primaire, en tout cas de mon temps, était la récitation de poésie. Quand je dis de mon temps, je me sens un vieux dinausore de plus de 20 ans ! Mais il ne s'agit pas de remonter plus loin que les années 80, mes années de Primaire.

    C'est une époque bénie ou j'avais encore tellement à découvrir (encore maintenant, rassurez-vous )

    Je me souviens de cette période comme baignant dans la fascination pour le Nord. Oui le nord: je sais, Dany Boon m'a tout piqué, les Ch'tis j'y avais pensé avant.

    Blague à part, j'étais en pleine lecture de grands écrivains, comme André Maurois, André Dhôtel, moins lu maintenant hélas, et j'aimais cette écriture tellement lié e à la terre, à une région et pourtant universelle dans son langage. Et bon dans ma tête un peu brouillonne d'écolière je sautillais d'écrivaine en poète avec le même plaisirs !

    Et l'épreuve de récitation en classe, que je n'aimais pas plus que ça, était quand même l'occasion de découvrir un nouveau nom à lire ! Un autre personnage pour ma galerie personnelle.

    Je ne me souviens pas de tout en réalité. Mais je me vois distinctement réciter un poème D' Émile Verhaeren, sur le vent, sur le nord. Le titre exact je ne le sais plus. Mais aprés cette récitation je me suis plongée tête la première dans les ouvrages des écrivains nordistes, français, belge ou flamand. A moi Verhaeren et Rimbaud, Hugo Claus et le Chagrin des Belges.

    Et je découvrais le nord que sous cet angle de la littérature et de la poésie: avec des plaines balayées par le vent, un peuple austère et attachant, bref le mythologie qu'une petite fille peut se créer et nourrir de ses lectures.

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    Alfred Sisley-Neige à Louveciennes

     

    L'arbre

    Tout seul,
    Que le berce l'été, que l'agite l'hiver,
    Que son tronc soit givré ou son branchage vert,
    Toujours, au long des jours de tendresse ou de haine,
    Il impose sa vie énorme et souveraine
    Aux plaines.

    Il voit les mêmes champs depuis cent et cent ans
    Et les mêmes labours et les mêmes semailles ;
    Les yeux aujourd'hui morts, les yeux
    Des aïeules et des aïeux
    Ont regardé, maille après maille,
    Se nouer son écorce et ses rudes rameaux.
    Il présidait tranquille et fort à leurs travaux ;
    Son pied velu leur ménageait un lit de mousse ;
    Il abritait leur sieste à l'heure de midi
    Et son ombre fut douce
    A ceux de leurs enfants qui s'aimèrent jadis.

    Dès le matin, dans les villages,
    D'après qu'il chante ou pleure, on augure du temps ;
    Il est dans le secret des violents nuages
    Et du soleil qui boude aux horizons latents ;
    Il est tout le passé debout sur les champs tristes,
    Mais quels que soient les souvenirs
    Qui, dans son bois, persistent,
    Dès que janvier vient de finir
    Et que la sève, en son vieux tronc, s'épanche,
    Avec tous ses bourgeons, avec toutes ses branches,
    - Lèvres folles et bras tordus -
    Il jette un cri immensément tendu
    Vers l'avenir.

    Alors, avec des rais de pluie et de lumière,
    Il frôle les bourgeons de ses feuilles premières,
    Il contracte ses noeuds, il lisse ses rameaux ;
    Il assaille le ciel, d'un front toujours plus haut ;
    Il projette si loin ses poreuses racines
    Qu'il épuise la mare et les terres voisines
    Et que parfois il s'arrête, comme étonné
    De son travail muet, profond et acharné.

    Mais pour s'épanouir et régner dans sa force,
    Ô les luttes qu'il lui fallut subir, l'hiver !
    Glaives du vent à travers son écorce.
    Cris d'ouragan, rages de l'air,
    Givres pareils à quelque âpre limaille,
    Toute la haine et toute la bataille,
    Et les grêles de l'Est et les neiges du Nord,
    Et le gel morne et blanc dont la dent mord,
    jusqu'à l'aubier, l'ample écheveau des fibres,
    Tout lui fut mal qui tord, douleur qui vibre,
    Sans que jamais pourtant
    Un seul instant
    Se ralentît son énergie
    A fermement vouloir que sa vie élargie
    Fût plus belle, à chaque printemps.

    En octobre, quand l'or triomphe en son feuillage,
    Mes pas larges encore, quoique lourds et lassés,
    Souvent ont dirigé leur long pèlerinage
    Vers cet arbre d'automne et de vent traversé.
    Comme un géant brasier de feuilles et de flammes,
    Il se dressait, superbement, sous le ciel bleu,
    Il semblait habité par un million d'âmes
    Qui doucement chantaient en son branchage creux.
    J'allais vers lui les yeux emplis par la lumière,
    Je le touchais, avec mes doigts, avec mes mains,
    Je le sentais bouger jusqu'au fond de la terre
    D'après un mouvement énorme et surhumain ;
    Et J'appuyais sur lui ma poitrine brutale,
    Avec un tel amour, une telle ferveur,
    Que son rythme profond et sa force totale
    Passaient en moi et pénétraient jusqu'à mon coeur.

    Alors, j'étais mêlé à sa belle vie ample ;
    Je me sentais puissant comme un de ses rameaux ;
    Il se plantait, dans la splendeur, comme un exemple ;
    J'aimais plus ardemment le sol, les bois, les eaux,
    La plaine immense et nue où les nuages passent ;
    J'étais armé de fermeté contre le sort,
    Mes bras auraient voulu tenir en eux l'espace ;

    Mes muscles et mes nerfs rendaient léger mon corps
    Et je criais : " La force est sainte.
    Il faut que l'homme imprime son empreinte
    Tranquillement, sur ses desseins hardis :
    Elle est celle qui tient les clefs des paradis
    Et dont le large poing en fait tourner les portes ".
    Et je baisais le tronc noueux, éperdument,
    Et quand le soir se détachait du firmament,
    je me perdais, dans la campagne morte,
    Marchant droit devant moi, vers n'importe où,
    Avec des cris jaillis du fond de mon coeur fou.


    Emile VERHAEREN - La Multiple Splendeur.

     


    L'écoute de l' Hiver, me fait immanquablement penser à la lutte d'un arbre contre les éléments. Je vois cet arbre saison aprés saison, immuable et fier. Les mêmes images me reviennent toujours.

     


  • La pluie frappait à ma fenêtre


    Les lumières du bateau ne s'éteidrait pas de la nuit semble-t-il.

    Pour la première fois, je naviguais. Ou plutôt, je mettais le pied sur une embarcation. Un voilier blanc, impeccable tant qu’il restait au soleil de la méditerranée. Nous devions partir pour une croisière de quelques jours de Marseille à Calvi. J’avais 13 ou 14 ans, et un caractère un peu casanier à l’époque. Je faisais des livres mes meilleurs amis, comme le suggérait Victor Hugo. Mais je n’avais pu me soustraire à ces vacances familiales.

    Alors il a fallu s’adapter. Mais la peur de l’eau profonde, combinée à la pluie battante n’arrangeait rien.

    Il pleuvait sur la mer, et je me voyais comme une sorte d’Ulysse affrontant Poséidon, de mon lit, sous les couvertures.

    Le soleil serait certainement présent à nouveau au matin, mais en attendant je ne voyais pas l’intérêt de flotter au milieu d’une mer hostile à mes yeux.

    Alors je me replongeais sous les couvertures, pour écouter tranquille mon baladeur (oui nous sommes dans les années 80), avec la cassette des Quatre Saisons de Vivaldi que je découvrais tout juste.

    L’écoute de l’Automne m’aida à m’assoupir un peu plus tranquille. Et des images alors d’Ulysse revinrent. Et des Nymphes surgissant de l’eau pour m’enlever et se jouer de moi. Elles me laissent sur un rivage inconnu avec tout loisir d’observer une faune étrange et changeante.

     

     

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    William Adolphe Bougereau-Biblis

     

    Je marche doucement sans faire de bruit, je ne veux pas effrayer ces créatures étranges, même si c’est bien moi la plus peureuse.

    Et partout des nymphes, des tritons, des satyres dansent et jouent ensembles, offrant un spectacle incroyable !

    Toutes mes lectures se sont mélangées dans mon demi-sommeil, m’emmenant visiter un royaume enchanté, que je ne reverrais jamais vraiment.

     

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    William Adolphe Bougereau-Nymphes et Satyre


    Je marchais encore le long des rives, reconnaissant ici Alexandre se reposant d'une bataille, là Léda soignant le plumage d'un étrange cygne.
    Partout de drôle de personnage m'ouvrait le chemin, m'invitant moi aussi à la danse ou au repos sous des arbres chargés de fruits.
    Je restait là tranquille, à me réchauffer à ce soleil antique.

    Puis la pluie cessa.


    La frustration du réveil était bien là, comme une morsure.


    Et puis quelques années plus tard, Saint-John Perse m’offrait un retour vers ces rivages d’enfance:


    « …La pluie, sur l’Océan sévère, sème ses soucis d’eau : autant de fois se clôt la paupière du dieu. La pluie sur l’Océan s’éclaire : autant de ciel s’accroît dans l’auge des rizières. De grandes filles liées vives baissent la tête, sous le fardeau de nuée grise orangée d’or.


    « Et parfois la mer calme, couleur de plus grand âge, est comme celle, mêlée d’aube, qui se regarde dans l’œil des nouveau-nés ; est comme celle, parée d’ors, qui s’interroge dans le vin.


    « Ou bien vêtue de pollen gris, est comme empoussiérée des poudres de Septembre, elle est mer chaste et qui va nue, parmi les cendres de l’esprit. Et qui va nue, parmi les cendres de l’esprit. Et qui donc à l’oreille nous parle encore du lieu vrai ?... »

    La suite dans le recueil Amers, dans la collection Poésie-Gallimard.


     

     

     

    Quelles correspondances établirez-vous avec cet Automne majestueux?

     

     

     

  • Adonis

     

    Inspirée par la Lettre du Voyant d' Arthur Rimbaud,  je vois la poésie et la Langue comme offrant des couleurs, des sons, des évocations, au-delà des simples mots couchés sur le papier.

    Voici donc une association d'idée, évoqué par un poème, qui appelle une image, puis une musique, comme un seul chemin logique.

     

    LE RETOUR DU SOLEIL


    Le destin frissonne sur les mers

    Les anneaux de la légende se brisent

    et voici les précipices

    Laisse-nous alors semer nos rives de coquillages

    amarrer notre arche sur Sannine

    Laisse-nous foudroyer la chimère marine

    ô maître de la légende


    Et lorsqu'au départ du soleil quittant la ville

    les cloches et la route sangloteront

    réveille pour nous,ô flamme du tonnerre sur les collines

    réveille pour nous le phénix

    Nous acclameront la vision de ce feu triste

    avant le matin, avant qu'elle ne soit dite

    Nous porterons ses yeux tout le long du chemin

    au retour du soleil sur la ville

     


    Adonis - Chants de Mihyar le Damascène. Un peu plus sur ce grand poète syrien.

     

     

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    J.W Waterhouse - At Capri