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  • Maurice Carême - Avent littéraire #24

    Aujourd’hui, pour ce dernier jour de l’Avent, j’aimerais partager avec vous les mots de Maurice Carême. C’est un poète que l’on réduit trop souvent à ses poésies enfantines. Il est vrai que c’était la star des classes de primaire, du moins dans mon enfance des années 80, avec la traditionnelle récitation du lundi matin. Mais pour ce jour, c’est le poète amoureux que je vous présente, avec ce recueil de poèmes à La Bien-Aimée.

    Voici donc deux poèmes parmi mes favoris du recueil.

     

    Il est vrai que la vie, un soir,
    Viendra prendre congé de nous,
    Mais que tu es belle au miroir
    Que la pluie creuse près du houx !

    Il est vrai que nos yeux, un soir,
    Se tourneront vers d’autres terres,
    Mais qu’elle est chaude la lumière
    Quand elle confond nos regards !

    Et il est vrai que le soleil
    Se lèvera comme aujourd’hui,
    Mais il manquera deux abeilles
    Au rucher tendre de la nuit.

     

     

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    Regardes-tu pleuvoir aux carreaux comme moi ?

    La Fagne au loin grelotte, accoudée au ciel bas.

    Je repense au sentier que nous suivions sous bois,

    A l’écureuil lancé comme une grosse fleur.

    Où es-tu, que fais-tu ? Pleut-il au fond de toi

    Comme il pleut au jardin, comme il pleut dans mon cœur ?

    Ah ! pourquoi chaque goutte en tombant, chante-t-elle

    Cet air dont me revient sans fin la ritournelle !

     

    Voilà, cet Avent littéraire se termine sur cette douceur. J’espère que cela vous aura un peu plus.

    Je vais laisser ce blog dormir jusque l’an prochain, mais pas avant de vous avoir souhaité de belles fêtes de fin d’année. J’espère que ces derniers jours de 2015 seront doux et tranquilles, que vous les passiez seul ou en famille.

    Je retourne à mes bredeles et autres biscuits de Noël, c'est mon loisir du moment :)

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    Joyeux Noël et à très vite.

     

  • Pier Paolo Pasolini - Avent littéraire #23

    Ce soir, partons vers l’Italie et la poésie de Pier Paolo Pasolini. Le texte que je vous propose ce soir est tiré d’un recueil publié par les éditions Points, intitulé Adulte ? Jamais.

    Triste et mélancolique, il ravive la mémoire du frère décédé de Pasolini.

    J’espère vous reparler du recueil de manière plus complète, l’année prochaine !

     

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    Mon frère mort retient

    Une part de moi avec lui

    Dans ce triste infini

    Qui m’angoisse chaque jour.

     

    Un souffle me sépare

    De lui, et un sombre mystère ;

    Quand brille les étoiles,

    Je me le figure près de moi.

     

    Je sens sa respiration

    Dans mes cheveux, et le néant,

    Une lumière infinie

    Ne fait qu’un avec son œil.

     

    Au passage, j’ai vu que la publication automatique de mes billets a complètement planté :(

     

    À demain.

     

  • Vladimir Maïakovski - Avent littéraire #22

    Ce soir, incontestablement mon poète non-francophone préféré. Vladimir Maïakovski, l’homme total, le poète, le révolutionnaire désabusée, et surtout l’amoureux enflammé et trahi. Sa relation avec Lili Brick est au centre de sa vie, et la cause de ses reniements, de ses hésitations, et finalement de sa mort. Considérer qu’un tel homme ait pu être le jouet d’une femme plus fidèle au KGB qu’à son génie amoureux, me laisse pantoise : la force de l’amour véritable certainement.

    Ce soir, je souhaite partager avec vous un extrait qui me revient en mémoire à chaque épreuve de la vie, un poème compagnon en quelque sorte.

     

    Écoutez !

    Puisqu'on allume les étoiles,

    C’est qu'elles sont à

    Quelqu’un nécessaires ?

    C'est que quelqu'un désire

    Qu’elles soient ?

    C'est que quelqu'un dit perles

    Ces crachats ?

    Et, forçant la bourrasque à midi des poussières,

    Il fonce jusqu'à Dieu,

    Craint d'arriver trop tard, pleure,

    Baise sa main noueuse, implore

    Il lui faut une étoile !

    Jure qu'il ne peut supporter

    Son martyre sans étoiles.

     

    Ensuite,

    Il promène son angoisse,

    Il fait semblant d'être calme.

    Il dit à quelqu'un :

    " Maintenant, tu vas mieux,

    N’est-ce pas ? T'as plus peur ? Dis ? "

     

    Écoutez !

    Puisqu'on allume les étoiles,

    C’est qu'elles sont à quelqu'un nécessaires ?

    C’est qu'il est indispensable,

    Que tous les soirs

    Au-dessus des toits

    Se mette à luire seule au moins

    Une étoile ?

     

    À demain.

  • Guillaume Apollinaire - Avent littéraire #21

    Ce soir, retour en France, avec Guillaume Apollinaire : inutile de le présenter :) J’avais envie de partager avec un vous un poème que je trouve évidemment très beau, mais d’une beauté ancienne, un peu comme le reste du recueil qui le contient, Alcools. Ce poème c’est La Loreley :

     

    À Bacharach il y avait une sorcière blonde
    Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde

    Devant son tribunal l'évêque la fit citer 
    D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté

    Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries 
    De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie

    Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits 
    Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri

    Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
    Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie

    Je flambe dans ces flammes ô belle Loreley 
    Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcelé

    Évêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge 
    Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège

    Mon amant est parti pour un pays lointain 
    Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien

    Mon cœur me fait si mal il faut bien que je meure 
    Si je me regardais il faudrait que j'en meure

    Mon cœur me fait si mal depuis qu'il n'est plus là
    Mon cœur me fit si mal du jour où il s'en alla

    L'évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
    Menez jusqu'au couvent cette femme en démence

    Vat-en Lore en folie va Lore aux yeux tremblant
    Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc

    Puis ils s'en allèrent sur la route tous les quatre
    la Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres

    Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
    Pour voir une fois encore mon beau château

    Pour me mirer une fois encore dans le fleuve 
    Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves

    Là haut le vent tordait ses cheveux déroulés
    Les chevaliers criaient Loreley Loreley

    Tout là bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
    Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle

    Mon cœur devient si doux c'est mon amant qui vient
    Elle se penche alors et tombe dans le Rhin

    Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
    Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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    À demain.

  • Marina Tsvétaïeva, Le Ciel Brûle - Avent littéraire #20

    Ce soir, une des plus belles poétesses russes, une plume qui a plongé dans le sang et la douleur, dans l’errance, l’opposition politique et bien sûr l’amour.

    Marina Tsvétaïeva est une étoile qui a brillé trop peu de temps. Exilée après la Révolution de 1917 pour suivre son mari, partisan des Blancs, elle n’a retrouvé la Russie que pour plus de souffrances, avant d’être finalement réhabilité en 1955.

    Elle nous laisse pourtant une œuvre riche et nombreuse.

    Ce soir, deux extraits du recueil intitulé Le Ciel Brûle, deux poèmes consacrés à un de ses amours, Ossip Mandelstam.

     

    Personne ne nous a rien ôté —
    Elle m’est douce, notre séparation !
    Je vous embrasse, sans compter
    les kilomètres qui nous espacent.

    Je sais : notre art est différent.
    Comme jamais ma voix rend un son doux.
    Jeune Derjavine *, que peut vous faire
    Mon vers brutal et ses à-coups !

    Pour un terrible vol je vous
    Baptise : envole-toi donc, jeune aigle.
    Tu fixes le soleil, l’œil ouvert, —
    Est-ce mon regard trop jeune qui t’aveugle ?

    Plus tendrement et sans retour
    Nul regard n’a suivi votre trace.
    Je vous embrasse, — sans compter
    Les kilomètres qui nous espacent

     

     

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    Tu rejettes la tête en arrière —
    Et puis que tu es fier et hâbleur.
    Quel joyeux compagnon jusqu’à moi
    A conduit ce mois de février !

    Cliquetant de pièces de monnaie
    Et lentement soulevant la poussière,
    Comme des étrangers triomphants
    Nous allons par la ville natale.

    De qui sont les mains délicates
    Qui ont, beauté, touché tes cils,
    Quand, comment, par qui et combien
    Tes lèvres ont-elles été baisées —

    Je m’en moque. Mon esprit avide
    A surmonté ce rêve-ci.
    En toi c’est le garçon divin,
    Petit de dix ans, que j’estime.

    Nous resterons au bord du fleuve,
    Où trempent les perles des réverbères,
    Je te mènerai jusqu’à la place —
    Témoin des tsars-adolescents…

    Siffle ton mal de jeune garçon,
    Serre ton cœur au creux de ta main…
    — Toi, flegmatique et frénétique,
    Toi, mon émancipé, — pardon !

     

    À demain.