Ce soir, rendez-vous avec un arpenteur du monde, un diplomate écrivain, comme notre pays sait en produire de magnifique. Saint-John Perse est un être mystérieux, pour moi, quelqu’un que j’imagine d’une présence incroyable, qui transmet son magnétisme à travers ses mots.
J’aime les poètes voyageurs, amoureux des larges étendues et des océans. Sa poésie est imposante, un peu comme celle de Hugo, même s’il n’est jamais bon de comparer en ce domaine si subjectif. En tout cas, l’œuvre de Saint-John Perse me fait l’effet d’un monument à gravir, difficile mais fascinant.
Ce soir, deux petits extraits du recueil intitulé Amers.
Et vous, Mers, qui lisiez dans de plus vastes songes, nous laisserez-vous un soir aux rostres de la Ville, parmi la pierre publique et les pampres de bronze?
Plus large, ô foule, notre audience sur ce versant d'un âge sans déclin : la Mer, immense et verte comme une aube à l'orient des hommes,
La Mer en fête sur ses marches comme une ode de pierre : vigile et fête à nos frontières, murmure et fête à hauteur d'hommes — la Mer elle-même notre veille, comme une promulgation divine...
L'odeur funèbre de la rose n'assiégera plus les grilles du tombeau ; l'heure vivante dans les palmes ne taira plus son âme d'étrangère... Amères, nos lèvres de vivants le furent-elles jamais?
J'ai vu sourire aux feux du large la grande chose fériée : la Mer en fête de nos songes, comme une Pâque d'herbe verte et comme fête que l'on fête,
Toute la Mer en fête des confins, sous sa fauconnerie de nuées blanches, comme domaine de franchise et comme terre de mainmorte, comme province d'herbe folle et qui fut jouée aux dés...
Et ce fut au couchant, dans les premiers frissons du soir encombré de viscères, quand, sur les temples frettés d’or et dans les Colisées de vieille fonte ébréchés de lumière, l’esprit sacré s’éveille aux nids d’effraies, parmi l’animation soudaine de l’ample flore pariétale.
Et comme nous courions à la promesse de nos songes, sur un très haut versant de terre rouge chargée d’offrandes et d’aumaille, et comme nous foulions la terre rouge du sacrifice, parée de pampres et d’épices, tel un front de bélier sous les crépines d’or et sous les ganses, nous avons vu monter au loin cette autre face de nos songes : la chose sainte à son étiage, la Mer, étrange, là, et qui veillait sa veille d’Etrangère — inconciliable, et singulière, et à jamais inappariée — la Mer errante prise au piège de son aberration.
À demain

Pour la musique d’abord, le maitre, Dominique A, qui représente pour moi ce qu’il y a de plus beau dans la chanson française, avec le regretté Daniel Darc. Eléor est un album lumineux, emprunt de cette mélancolie qu’il sait si bien ciseler en mots.
Pour les amateurs de danse, il y a ce magnifique coffret de l’Opéra de Paris, regroupant plusieurs œuvres, dont le Parc de Angelin Preljocaj : certainement mon œuvre préférée depuis des mois. Et puis Manuel Legris <3
Le Fils de Philipp Meyer : pour moi le meilleur roman de l’année (et pour beaucoup de gens, vous me direz !). Cette saga familiale m’en a plus appris sur l’histoire des Etats-Unis, que jamais avant. La peinture de cette famille, autour du Fils, devenu patriarche, les guerres contre les indiens pour l’appropriation de leurs terres, tout est magnifiquement écrit. Impossible de ne pas aimer.
Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie est le second meilleur roman de cette année. Un auteur inconnu pour moi, un thème que je pensais ne pas aimer, et à l’arrivée une claque magistrale. J’espère en faire un billet bientôt, le livre m’a marqué d’une façon toute particulière.
La Bibliothèque des Cœurs Cabossés de Katarina Bivald : enfin un feel good book qui me plait vraiment. Suite à une chronique chez Keisha, j’ai lu, sans réelle motivation autre que la curiosité, et franchement quel plaisir. Une lecture réconfortante, mais sans la litanie de clichés à laquelle on pourrait s’attendre. Une histoire qui dégage de la tendresse et du réalisme. Un très chouette livre à offrir.
Toute la Lumière que nous ne pouvons voir : encore un excellent roman. Le cadre de la seconde guerre mondiale, deux héros très particulier, la lumière qui semble absente des cœurs et de l’époque, et au final une histoire qu’on ne peut lâcher.
Les Vieux Fourneaux : et oui tout arrive, j’ai lu, et offert aussi, ces bandes dessinées suite à une chronique de Noukette, l’an dernier, qui en disait beaucoup de bien. La personne à qui j’avais offert le premier opus avait tant aimé que j’ai fait l’effort de lire aussi. La série compte trois volumes maintenant, voilà de quoi faire un très beau cadeau.