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Les livres - Page 15

  • La Grâce des Brigands - Véronique Ovaldé

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    La hâte que j’avais de lire le dernier roman de Véronique Ovaldé a trouvé sa récompense en début de semaine dernière.

    Véronique Ovaldé a une écriture légère et fluide comme un ruisseau, même quand elle raconte la pesanteur des secrets, ou les fêlures des familles. Des familles qu’on voit s’effriter sous ses mots, comme des feuilles d’automnes, desséchées et emportées par le vent.

    La première chose à comprendre je crois, est que des choses incroyables et traumatisantes arrivent dans la vie, mais cela ne rend pas la vie ou les gens plus incroyables que ce qu’ils sont.

    La Grâce des Brigands raconte l’histoire Maria Cristina Väätonen, jeune femme élevée dans un Grand Nord aussi étrange qu’isolé, par une mère bigote jusqu’à la folie, et un père taciturne.

    On découvre Maria Cristina dotée d’un univers intérieur forcément assez riche pour ne pas devenir folle au milieu des fous, pour survivre à une mère paranoïaque (qui lance les mêmes anathèmes contre la radio, les livres, les chinois, la télévision, les juifs, les jupes, les noirs, le maquillage…), pour tenter d’approcher un père aussi elliptique que mystérieux (qui n’a peut-être d’autre mystère à résoudre finalement que la façon dont il a échoué dans ce coin paumé qu’est Lapérouse).

    Maria Cristina, à la faveur d’une bourse universitaire, va quitter sa famille, son village, pour le soleil de la Californie. La rupture est nette : passer de l’Interdit érigé en dieu, à la folie chaude et éclatant de la Los Angeles des années 70, ne se fera pas sans mal. Et c’est par l’intermédiaire d’un drôle de personnage, un écrivain mi-successful mi-raté, aussi mythomane que flatteur, que Maria Cristina opèrera sa mue. La petite fille attifée dans des robes laides et sans confiance, devient un écrivain à succès, une femme qui s’interroge sur ce qu’elle vit et ne veut pas. Tout cela sans se soucier de plaire, ou de la radicalité ou non-radicalité de ses propos. Maria Cristina semble accueillir chaque moment de sa vie, les succès comme les traumatismes, comme des moments à explorer, à comprendre.

    C’est peut-être sa capacité à créer une distance entre elle et sa vie, qui peut la rendre antipathique et bizarre, mais moi je l’aime. Je ne la trouve ni bizarre ni antipathique, même quand elle essaie d’échapper à ses responsabilités, car la peur autant que la culpabilité sont au cœur de sa vie.

    Peut-être aussi que ce qu’on reproche à Maria Cristina, c’est de n’être pas comme nous tous qui nous targuons de faire des choses pour de bonnes ou de mauvaises raisons, mais au moins pour une raison.

    Maria Cristina est bien plus lucide que nous : des choses arrivent, bonnes ou mauvaises, voilà.

    J’ai aimé dans ce roman l’absence justement de la Tragédie, conséquence du Traumatisme. Après tout, le lyrisme n’est que construction, humaine certes, mais certainement pas obligatoire. Le lyrisme c’est aussi le mensonge et le déguisement, celui au cœur de la vie de Claramunt, l’écrivain charmeur et manipulateur ; c’est aussi l’hypocrisie qui tient debout la vieille mère bigote.

    J’ai aimé ce récit, la façon dont Maria Cristina semble traverser sa propre vie, la surface des choses, celle sur laquelle nous glissons tous, avec moins de grâce que certains brigands je crois :)

    Un 17/20 pour ce roman que je recommande avec joie, et lu dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire, organisés par l’infatigable Oliver et Priceminister.


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    Ed. de l'Olivier | 288 pages, 19,50 €.

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    Pour mémoire, j'avais déjà beaucoup aimé Des Vies d'Oiseaux, du même auteur (click)

  • En quête du rien - Wilkie Collins

    Wilkie Collins c’est une sorte de star des blogs livres, et il le mérite bien. Je l’ai lu pour la première fois il y a presque 20 ans, à l’occasion de la lecture d’un roman de mes duettistes chouchou, Fruttero et Lucentini. Ce roman, c’était « l’affaire D, ou le crime du faux vagabond », un ovni littéraire mettant en scène les plus grands détectives de la fiction mondiale avec un mystère,  celui de la fin du roman "le mystère d’Edwin Drood", mais aussi le mystère de la relation entre Dickens et Collins. Et voilà que je me mêle de lire un Collins, pour voir…. C’est un puits (presque) sans fond, où l’on tombe avec plaisir.

    Alors en apercevant, par hasard, ce tout petit opuscule, avec le nom tant aimé de l’auteur, et qui plus est un titre parfait pour moi qui cherche tout et surtout rien, je me suis précipitée.

     

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    L’histoire est courte et simple. Le narrateur se voit diagnostiquer un surmenage, tel qu’il est contraint au repos le plus total. Et là, il faut entendre cela comme une injonction, poussée jusqu’à l’absurde. Notre héros surmené doit absolument se reposer, se garder de toute distraction, de tout bruit, et ne rien faire. Cela parait simple, et chacun d’entre nous pourrait interpréter cela comme des vacances officieuses, l’autorisation  de flâner, de lire, de se réjouir des paysages…

    Mais las, il faut croire que ce n’est pas ce qui attend notre héros… Prenant pension dans un petit village isolé, il fait face à ce qui est simplement la vie, l’agitation tranquille d’un village lambda… Mais comme il recherche la possibilité du « rien », c’est encore trop… Il arrive finalement dans un petit port de pêche, où il commencera à fermement s’ennuyer, parce que finalement rien, ce n’est pas très pratique pour occuper de longues heures… et ces longues, longues heures de convalescence, il va les passer à se torturer mentalement au sujet de son ennui, entre deux promenades avec sa femme, à compter les secondes qui s’égrènent entre les moments les plus remarquables de sa journée : les repas… Vous dire s’il se consume d’ennui. Alors, pris entre deux feux, ne pas pouvoir travailler et ne pas savoir se reposer, il lui faudra en tirer de nouvelles conclusions :)

    J’avoue que j’ai été surprise par cette lecture, car elle ne ressemble à rien de ce que j’ai lu déjà de Wilkie Collins, mais j’en ai apprécié l’humour fin et absurde,  et somme toute très anglais. Il y a de jolis traits d’esprit, et c’est un récit que j’aime offrir car il est inattendu.

    Inattendu et remarquable, que demander de plus ?


    En Quête du Rien - Éditions du Sonneur

  • Contes et mécomptes à Edo

    Les écrivains japonais occupent une place privilégiée dans ma bibliothèque.

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    Fantômes et Samouraïs de Kidô Okamoto, est un recueil de nouvelles, chacune retraçant une histoire de l’enquêteur Hanshichi à Edo.

    Les intrigues se situent dans le Japon du XIXième siècle.

    Hanshichi se remémore ses plus fameuses aventures en se confiant à un jeune homme, et c’est l’occasion pour nous d’un voyage historique et exotique !

    Exotique au sens où s’étale devant nos yeux un monde évanoui et tellement différent !

    Les enquêtes sont prétextes à nous faire revivre un Japon ancien, avec ses coutumes, ses traditions. On apprend beaucoup sur les habitudes de cette époque, sur les rites, les vêtements, la nourriture, la hiérarchie sociale, les métiers !!

    Et le sel des intrigues rajoute à la saveur de ce livre ! Il est question de fantômes, d’esprits vengeurs, d’amoureux contrariés. On croise aussi bien des moines corrompus que des jeunes femmes officiant dans des maisons de thé. Les mères maquerelles se succèdent aux grands seigneurs.

    Je tiens quand même à préciser que l’on peut se sentir un peu décalé à la lecture, tellement l’environnement est différent de celui qu’on peut connaître.

    Toutefois, je trouve que ce côté exotique confère tout son charme au livre !

     

    C’est une lecture que j’ai bien apprécié et qui me donne encore plus envie de m’envoler vers ce pays, voir ce qu’il reste de ce Japon suranné.

  • Je n'ai pas peur - Niccolo Ammaniti

    La rencontre entre un livre et son lecteur est souvent le fruit du hasard. Il y a les auteurs qu’on apprend à connaître, qui sont comme de vieux amis qu’on aime retrouver. Et puis il y a les camarades d’un moment,  les amants d’une nuit, ou les invités indésirables. Je pourrais trouver encore beaucoup de catégories pour désigner ce que je ressens face aux livres.

    Celui dont il est question aujourd’hui, est d’une sorte particulière : comme un inconnu rencontré au parc, entre midi et deux, et qui se met à vous parler, sans trop savoir pourquoi, jusqu’à raconter sa vie. Et vous, vous restez là, un peu embêtée, un peu intéressée, et finalement prête à écouter, après tout il ne s’agit que de cela.

    Le roman de Niccolo Ammaniti me fait un peu cet effet. Acheté par hasard (on dira que je fais bien trop de choses par hasard), lu un matin que je ne savais plus quoi choisir, lu d’une traite presque. Ai-je aimé ? Je ne sais pas trop.

     

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    C’est un roman de sensations, de souvenirs et d’étouffements. Il y a le soleil de l’Italie du sud, qui est là à chaque page, avec sa chaleur caniculaire ; il y a les maux d’enfance et les mots d’enfants qu’on étouffe, parce qu’on ne veut pas paraître comme-ci ou comme-ça devant les copains, ou parce que les parents n’écoutent pas vraiment de toute façon.

    Je n’ai pas peur est un roman réussi, qui décrit un moment particulier de l’Italie des années soixante-dix, de la pauvreté du sud, avec la violence froide des rapports de classe de l’époque (quoique cela n’a pas vraiment changé…)

    Tout cela est raconté par un jeune garçon, son village, ses camarades de jeu, sa découverte qui va bouleverser sa vie et celle de sa famille, la violence.

    En fait si, je sais : j’ai bien aimé. J’ai aimé que l’auteur s’asseye à côté de moi sur le banc dans le parc, et qu’il me raconte un petit bout de sa vie, alors que je ne l’avais peut-être pas envisagé comme ça.

    J’espère bien le recroiser un jour :)


    Je n'ai pas peur - Niccolo Ammaniti

  • Les Fleurs Bleues - Raymond Queneau

    J’aime bien les petits chemins de traverse, parce qu’on y trouve souvent de jolies fleurs.

    Alors que j’attendais patiemment les pivoines de mai, février m’a offert de jolies fleurs bleues, celles de Raymond Queneau.

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    C’est un bouquet qui ne se laisse pas facilement cueillir, si on n’ouvre pas un peu son cœur et son esprit.

    Mais moi, j’étais prévenue, et puis j’aime bien les choses un  peu étrange, un peu hors cadre, et le fondateur de l’Oulipo, le hors cadre, ça lui connaît :)

    Alors, ces Fleurs Bleues, quelles sont-elles ? Des fleurs que l’on cueille au creux des songes. De drôles de songes, des rêves extraordinaires, rêvés par… Rêvés par qui donc ?

    Cidrolin sur sa péniche ? Le Duc d’Auge sur son cheval ?

    Et si je tentais un résumé, avant de vous perdre en chemin :) ?

    Le roman est basé sur cette célèbre démonstration chinoise (démonstration qu’on désigne sous le nom d’apologue) « Tchouang-tseu rêve qu'il est un papillon, mais n'est-ce point le papillon qui rêve qu'il est Tchouang-tseu ? »

    Dans notre roman, nous avons Cidrolin, qui vit sur une péniche, peint et repeint une barrière souillée chaque jours mystérieusement, indique le chemin du « campigne » à des campeurs insolites, avant de s’endormir pour une sieste, dans laquelle il rêve du Duc d’Auge…

    A moins que ce ne soit le Duc d’auge sur son fier cheval bavard,  qui rêve de Cidrolin, entre deux révolutions ? Qui sait.

    En tout cas, le Duc d’Auge voyage, de siècle en siècle, l’épée leste et le verbe fleuri, jusqu’à rencontrer Cidrolin, alors qu’il cherchait le chemin du campigne :)

    Le livre est riche, comme un mille-feuilles, il y a de multiples possibilités d’interprétation, et autant de détails à repérer. La finesse du vocabulaire, la drôlerie, l’absurdité des situations, tout cela fait de ces Fleurs Bleues un ouvrage unique. Chacun peut y puiser ce qu’il veut, apprécier les petits détails qui apparaissent et disparaissent au gré des lectures.

    C’est aussi une œuvre remarquable par le voyage dans le temps qu’elle décrit. J’ai toujours été très préoccupée de ses questions sur le temps. Et là, la rencontre improbable de Cidrolin et du Duc, puis le largage de la péniche, qui part emmenant le Duc et sa cours avec lui, la petite barque qui ramène Cidrolin vers le rivage… Tout cela m’a fait penser à ma propre idée du temps, une sorte de cercle concentrique, avec les personnes et les situations qui se reproduisent comme dans un drôle de miroir… Un peu comme les galets que l’on jette dans l’eau et qui forment des cercles concentriques.

    Bref, un roman, riche, incroyable par delà les situations un peu absurdes, un livre qui se savoure.

    Quant aux Fleurs Bleues du titre, nous ne les apercevons qu’à la toute fin du livre. Finalement, elles désignent peut-être notre cœur, et notre esprit, quand on les laisse ouvert et propre à accueillir ce qui est hors cadre, comme l’amour, ou n’importe quelle autre absurdité ?