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Les livres - Page 12

  • Fannie et Freddie - Marcus Malte

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    Le récit s’ouvre sur une femme, Fannie, qui se fait belle, dans l’attente de retrouver l’autre. Fannie, jeune femme pas vraiment belle, à la posture si raide qu’on l’appelle Minerve, se prépare pour un rendez-vous important.

    C’est Freddie, jeune banquier new-yorkais, qu’elle attend, pour qui elle a fait tous ces préparatifs. Mais le rendez-vous n’aura pas lieu dans un de ces chics bars prisés des jeunes yuppies. Non. Fannie et Freddie ont rendez-vous avec leur destin, avec l’amertume et la tristesse d’une maison vidée, dans une banlieue dépossédée de ses âmes par l’âpreté criminelle des banquiers.

    A la première page on pourrait penser qu’il s’agira d’un récit d’amour, d’une femme à un homme, Fannie et Freddie. Mais on rentre dans un récit de haine, sur fond de Fannie Mae et Freddie Mac, géants américains du crédit, acteurs pas les plus innocents de la crise des subprimes.

    Fannie a vu son monde s’effondrer, son monde et la vie de ses parents, sous l’impulsion des banquiers escrocs, prêteurs, expropriateurs et assassins. Alors Fannie cherche le compagnon idéal, celui qui sera son exact compagnon, son Freddie.

    C’est un récit court, intense, tendu comme un arc et qui vient se ficher au cœur de la cible. Récit d’une époque tordue, qui ne peut engendrer que des solutions tordues à des situations tordues. L’incompréhension de Freddie, dans ce qui lui arrive, reflète l’inconscience de ces gens dans des bureaux, qui gomment des lignes, efface des vies d’un coup de crayon, et ne comprennent pas où est le problème.

    Je ne connaissais pas Marcus Malte, j’ai fait là une découverte précieuse pour la lectrice que je suis, et pour la citoyenne aussi.

     

    Tip du jour →

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  • Meurtres en majuscules

    Avec la nouvelle année j’ai été prise d’une folie incroyable : continuer à lire autant, mais de manière plus rationnelle, et en partageant le plus possible. Ce que j’appelle plus rationnel, c’est simplement essayer d’équilibrer entre les lectures surprises (les achats ou emprunts au hasard, non prévus), et les lectures désirées et dûment listées sur une Liste À Lire (oui pare que hein une PAL ça suffit pas, il faut aussi une LAL. LOL) (Pardon)

    Dans la catégorie non prévue, je suis tombé sur un bouquin à la bibli, que voici :

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    Je me suis jetée dessus en hurlant presque dans les rayons OH MON DIEU UN AGATHA CHRISTIE INÉDIT OH MON DIEU C’EST GÉNIAL !

    En fait non.

    C’était une histoire originale, reprenant le personnage de Poirot, par une certaine Sophie Hannah.

    Il y a une maladie horrible qui consiste à prendre un auteur mort, et à autoriser quelqu’un à reprendre son œuvre pour écrire une suite. Vachement indispensable hein ?

    On avait déjà eu droit à une suite des Misérables, de Dieu (enfin Victor Hugo, vous avez compris) par un certain François Cérésa : je ne l’ai pas lu, je ne la lirai pas, jamais, hors de question, et que ce François bidule meurt dans les flammes de l’enfer littéraire (mais vieux et en bonne santé, je ne veux pas de mal aux gens, moi).

    On a aussi eu droit à une sorte de suite, préquel, séquelle même, de Autant en Emporte le Vent, de Margaret Mitchell, par Alexandra Ripley : ok, ça je l’ai lu, c’était pas mal, pas nul. Pourquoi l’ais-je lu ? Je ne sais plus, j’ai honte, je devais être rongée de curiosité et bon, ce n’est pas comme Victor Hugo, j’ai moins de blocage (ou alors je suis une girouette ?)

    Alors cette enquête de Poirot sans Agatha Christie ?

    Pas mal, pour être honnête. Vraiment bien même.

    L’histoire : trois corps sont découverts dans un hôtel chic, un bouton de manchette gravés d’initiales enfoncé dans la bouche. Pendant ce temps Poirot, qui se repose dans une pension de famille, croise une jeune fille à l‘air effrayé. Il se trouve que l’inspecteur chargé de l’enquête à l’hôtel est le voisin de chambre de Poirot dans la petite pension. Le livre démarre très vite : il y a une avalanche de faits curieux, d’indices, et de contre indices, avec une galerie de personnage tour à tour inquiétants, amusants, folkloriques, cruels, généreux. On se trouve plongé au cœur d’un petit village, et de ses intrigues noueuses et acides : autant le dire, un vrai régal !

    J’étais très « bof bof » avant d’ouvrir ce roman, mais Sophie Hannah a fait un excellent travail, à la manière de. La seule chose que je n’ai pas aimé, c’est sa façon d’appuyer sur les traits de caractère de Poirot, notamment son amour de la symétrie. Elle en fait un peu trop, comme pour nous dire « vous voyez, c’est bien notre bon vieux Poirot qu’on retrouve ici ». Mais ça n’enlève rien au plaisir de la lecture !

    Bref, un vrai bon moment de lecture, avec du thé et des muffins maison, et oui :)

    Je profite de cette lecture pour me remettre au challenge littéraire, je ne sais pas trop s'il peut rentrer dans la catégorie pour le challenge Agatha Christie, de George, mais je tente.

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  • Assia, Geraldine, Anita, Sylvia et les autres

    C’est Renaud qui disait que le temps est assassin, et emporte avec lui… Qu’emporte-t-il donc ? Nos souvenirs, des morceaux de notre cœur, des bribes de « c’était bien ». Le temps emporte aussi avec lui nos regrets de ne pas avoir plus dit « regarde comme cela est joli, regarde comme cela vaut la peine d’être aimé »

    Alors je regarde la semaine passée, et je vois qu’elle a emporté avec elle André Brink, Assia Djebar, Geraldine McEwan (la seule et unique Miss Marple !), Anita Ekberg, Colleen MacCullough (qui avait tant donné, tellement plus que simplement les oiseaux qui se cachaient pour mourir…)

    La liste est ouverte, de ceux qui sont partis sans que j’aie suffisamment dit aux autres combien je les aimais. À quoi cela sert-il me direz-vous ? À rien. Si ce n’est qu’il y a bien assez de laideurs en ce monde, pour rappelez à chaque instant que les belles choses existent et qu’il faut s’en réjouir, les aimer, les partager.

    Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de la disparition de Sylvia Plath, triste date si l’on s’y arrête comme ça, mais soyons heureux que le destin, le hasard, ou Dieu, ou qui il vous plaira, nous ai offert les mots de Sylvia Plath. Des mots qui raconte la douleur, l’interrogation, les mots étouffés d’une quête étrange et difficile, les mots d’une détresse qui ne trouvera de fin que par un dernier geste le 11 février 1963.

    Alors réjouissons-nous de ce qu’elle nous a laissé.

    Verticale je suis

    Mais je préférerais être horizontale.

    Je ne suis pas arbre avec mes racines dans le sol

    Suçant à moi minéraux et amour maternel

    Afin qu’à chaque mars je puisse être éclaboussure de feuilles

     

    Non plus ne suis la beauté d’un jardin allongé

    Arrachant des ah enthousiastes et peint de façon baroque

    Sans savoir que je perdrai mes pétales

    Par rapport à moi, un arbre est immortel

    Et si petite la tête d’une fleur, mais plus saisissante

    Et tant je voudrais la longévité de l’un et la hardiesse de l’autre.

     

    Cette nuit, dans l'infinitésimale lumière des étoiles,

    Les arbres et les fleurs ont déversé leurs odeurs froides

    Je marche parmi eux, mais aucun ne me remarque.

    Parfois je pense que lorsque je dormais

    Je devais parfaitement leur ressembler -

    Pensées parties dans le sombre.

    Cela serait si normal pour moi, de m'étendre.

    Alors le ciel et moi parlons franchement,

    Et je serai enfin utile quand je reposerai pour de bon:

    Alors les arbres pour une fois me toucheront peut-être,

    Et les fleurs auront du temps pour moi.

     

    Et puis aussi une belle surprise pour moi, puisque je découvre aujourd’hui que Sylvia Plath a écrit un recueil pour les enfants, illustré par l’indispensable Quentin Black (qui peut se figurer un roman de Roald Dahl sans le coup de crayon de Quentin Blake ?) Le site Brain Pickings en parle aujourd’hui, et le bouquin est depuis sur ma wish list.

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    Voilà, à chaque jour sa raison de se réjouir, en cherchant on trouve toujours.

  • Elisabeth Filhol - Bois II

    Cela faisait un moment que je me trouvais perdue dans mes lectures. Perdue au sens où rien récemment ne m’avait conduite à m’asseoir sur une chaise, à regarder devant moi et à me trouver incroyablement chanceuse d’avoir pu lire telles lignes. Je ne parle pas d’un livre qui aurait changé ma vie, pour reprendre l’antienne favorite de François Busnel, mais simplement d’un livre qui me remette avec fracas au cœur de l’essentiel.

    En début de semaine j’ai eu une de ces claques littéraire, plus qu’une claque un truc froid et coupant, qui vient trancher à vif dans la monotonie du jour. Je vais arrêter là avec les métaphores vaseuses, mais ce n’est pas par vice : le fait est que j’ai du mal à exprimer ce que je ressens de cette lecture sans y recourir.

    Alors, ce livre me direz-vous ? Bois II par Elisabeth Filhol.

    Elisabeth filhol, éditions p o l , littérature, industrie, économie, mondialisation,

    Elisabeth filhol, éditions p o l , littérature, industrie, économie, mondialisation,

     

    Un sujet âpre : après une énième reprise, un site industriel n’en finit pas de péricliter. Les ouvriers de l’usine, simples lignes sur un plan de licenciement, entament une grève qui s’opère dans un contexte de violence économique que l’on connaît bien maintenant. Le roman va raconter un instant de révolte ouvrière, la séquestration du patron par ses salariés, dans un contexte de négociation difficile. On oublie bien vite qu’avec le vocabulaire orwellien que nous sert la gauche la plus infidèle à ses principes, un plan de préservation de l’emploi, ou un plan social, ne reste jamais qu’un plan de licenciement massif, qui laissera sur le carreau des hommes et des femmes.

    Elisabeth Filhol raconte l’histoire d’une usine, à travers son fondateur historique, comment cette histoire ancrée dans un terroir se mêle à l’évolution de l’économie mondialisée, comment d’une entreprise familiale on arrive à la dépersonnalisation totale des rapports de travail, à une véritable déshumanisation. Elle nous raconte l’histoire d’hommes et de femmes inscrits dans une histoire économique locale, pris dans la tourmente de la finance.

    L’obsession financière prend largement le bas sur le projet d’un tissu économico-industriel. Le changement n’est pas pour maintenant. C’est un peu la même peste qui atteint la société dans son ensemble, quelque soit le domaine : on forme encore des juristes, des ingénieurs, des pharmaciens, des géographes, que sais-je encore, mais le fait qu’à tous, de plus en plus, on ne demandera pas d’avoir une vision, un projet, mais de faire du commerce, du marketing, de la comm’, de la vente, du chiffre. Et c’est exactement ce que représente Mangin, le patron du roman : au départ, ingénieur, homme de projet, de réalisation, il se mue en investisseur avec sa calculette. Et c’est ce que refusent les grévistes du roman : n’être que des lignes comptables.

    Elisabeth filhol, éditions p o l , littérature, industrie, économie, mondialisation,

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    Elisabeth filhol, éditions p o l , littérature, industrie, économie, mondialisation,

    Il y aurait encore beaucoup à dire de ce roman, mais autant le lire et vous faire votre opinion, je ne peux que vous y encourager. Je suis ressortie de cette lecture très pessimiste, mais avec une volonté paradoxalement plus raffermie.

    Elisabeth Filhol – Bois II – P.O.L

  • Le Roman d' Enéas - Anonyme

    Bon.

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    Voilà un ouvrage qui m’aura donné du fil à retordre, mais que je ne regrette pas d’avoir lu.

    Le roman d’ Enéas est un récit incongru pour moi, puisque c’est la réécriture de l’ Eneide par un anonyme du Moyen-Age.

    L’histoire est donc assez connu, puisqu’elle a d’abord été l’œuvre d Virgile.

    Nous sommes au soir de la chute de Troie, vaincue par Ménélas et ses alliés. La ville est détruite, il ne reste que des cendres et le désespoir. Enéas, fils de Vénus, quitte les rives de Troie, avec les siens et les dernières richesses de la ville, sur les conseils de sa mère, pour gagner la Lombardie. Au milieu du voyage maudit par Junon,  Enéas arrive en Libye, sur les terres de la reine Didon.

    Vénus, effrayée par la réputation de cruauté des Libyens, fait en sorte que Didon et Enéas tombent amoureux, dans l’idée de protéger Enéas. Ce dernier restera un temps à Carthage, sous le coup de cet amour, qui enflammera littéralement Didon, puisque celle-ci, après avoir négligé l’administration de son royaume, subit la jalousie des prétendants qu’elle avait repoussé avant Enéas, finira par mourir sur le bûcher, las, sans avoir fait revenir à elle Enéas, les dieux ayant rappelé ce dernier à son devoir vers la Lombardie. Enéas reprend donc la mer, et après quelques péripéties arrive enfin en Lombardie,  près du royaume de Laurente. Le roi de Laurente souhaite donner sa fille, Lavine, en mariage à Enéas, mais la Reine ne l’entend pas ainsi, et par ailleurs il y a un promis de la princesse Lavine, Turnus, qui complique encore l’affaire. La reine de Laurente s’oppose au mariage de Lavine et Enéas, elle rappelle au roi la catastrophe de Troie, et la triste fin de la reine Didon : comment faire confiance à un peuple qui occasionne tant de drames ? Turnus est prêt à la guerre contre les troyens. Le roi de Laurente se résout à promettre la main de sa fille à celui qui gagnerait la guerre, de Turnus ou d’Enéas. Au terme d’une guerre cruelle, une trêve s’établit pour un moment. L’occasion pour Lavine de croiser le regard d’Enéas et de tomber amoureuse (alors que sa mère l’avait prévenue contre lui…) Enéas aussi finit par tomber amoureux, mais le dissimule, sur les conseils de Cupidon. Le jour du duel entre Turnus et Enéas arrive, et, après moult revirements, batailles et angoisse, Enéas finit par défaire Turnus et ses alliés. Il gagne ainsi la main de Lavine et les terres du roi de Laurente.

    Ce qui est assez amusant finalement, c’est que ce nouveau regard sur l’Enéide, avec la place qu’il donne à l’amour, concourt à éclaircir la vision un peu triste et sombre que l’on a du Moyen-Âge : c’est finalement l’amour qui prend toute la place, dans le roman d’Enéas, comme au Moyen-Âge. L’Amour Courtois n’est pas qu’un mythe. Je n’ai pas grand souvenir du texte de Virgile, et il faudrait certainement que je m’y replonge, mais l’auteur médiéval que j’ai lu pour l’occasion, a de toute évidence reconstruit le récit selon les codes de l’Amour Courtois.

    Les pages où Lavine se lamente de la probable indifférence d’Enéas à son égard, pendant que le même Enéas expérimente les souffrances de l’amour, sont parmi les plus belles de l’ouvrage. L’équilibre des sentiments, entre haine et amour, figuré par les batailles de l’épée et celles du cœur, rend ce roman très original par rapport à son ancêtre antique. L’amour moteur et objet de la vraie quête, finalement.

    Roman dense, touffu même, mais qui se laisse lire (je peux comprendre qu’on saute deux ou trois ligne de-ci de-là, mais pas trop, sinon on perd vite le fil)

    Je l’ai lu dans une version « bilingue », vieux français-français, au Livre de Poche. Ce n’est pas forcément très confortable, mais certainement parce que j’avais le réflexe de toujours lire la page en vieux français en parallèle de la version « traduite ».

    C’est une expérience, hors de cette rentrée littéraire et hors du temps, une vraie plongée, qui me redonne simplement envie de découvrir les autres romans antique du Moyen-Âge.

     

    Merci Maggie et Claudialucia pour cette LC.