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Les livres - Page 19

  • La noia

    L’ennui, un mot profondément déprimant et stimulant à la fois. L’ennui, un état que je crains et cherche depuis toute petite. Un état que Dolto recommandait aux parents de ne pas craindre pour leurs enfants, tant il peut stimuler l’imagination.

    L’ennui, un roman de Moravia, puis un film qui m’a surpris, enfin, tant est qu’on puisse parler de surprise quand il s’agissait surtout de confirmer (des craintes ? des espoirs ? encore une fois les deux…)

    Oui, la vie est une sorte de promenade, souvent très proche de la vacuité, ponctuée de quelques moments de grâce, si rares, si précieux. Qu’est-ce qui donne sa saveur, son prix, à cette promenade ? Uniquement ce que l’on cherche à atteindre, pas forcément ce que l’on touche du doigt dès l’instant. Enfin, certains pensent comme cela. Non il ne s’agit pas de penser, d’avoir une opinion sur la manière de traverser la vie. Non. L’ennui, comme toute vérité, vous prend sans consentement, vous habite et conduit chacun de vos mouvements et absence de mouvements.

    L’ennui me pousse parfois à faire des choses curieuses, audacieuses, ridicules ou sages ou merveilleuses. L’ennui trop souvent conduit à réfléchir sa vie, à l’observer du dehors, en se demandant comment la rendre plus curieuse, audacieuse, ridicule sage ou merveilleuse…

    L’ennui est un ami-ennemi, le plus fidèle, le plus précieux, le plus compréhensif.

    Ce jour anniversaire de la mort d’Alberto Moravia, je voulais le remercier pour l’Ennui.

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  • Loving Frank - adultère poids moyen

    Il y a des bouquins qui vous tombent entre les mains, dont vous pensez qu’ils vous tomberont des mains, puis non.

    Curieusement, une sorte d’alchimie s’opère, mais celle-ci est presque indépendante du livre et de l’auteur.

    C’est un peu confus, mais je vais tenter de m’expliquer.

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    J’ai lu hier Loving Frank, de Nancy Horan. Le livre raconte l’histoire d’amour adultère entre le grand architecte Frank Lloyd Wright, et Mamah Cheney. L’un et l’autre vont quitter mari, femme et enfants pour vivre leur amour en Europe, non sans susciter un véritable lynchage morale et médiatique. Nous sommes au début du XXème siècle et cela ne se fait pas, tout simplement. L’épouse est la propriété de l’époux et on attend d’elle un certain comportement.

    Que deux êtres tombent amoureux et s’adonnent presque publiquement à leur passion est en soit un événement.

    L’histoire se concentre sur la vie de Mamah Cheney, une jeune femme brillante, éduquée, curieuse, avec une soif de culture et de partage qui déborde allègrement les limites de son foyer. Elle trouve en Wright une sorte d’âme sœur, quelqu’un qui la comprend, avec qui elle peut discuter d’art, de beauté, de littérature, comme une femme libre et indépendante, et non plus seulement comme une honorable mère de famille.

    Bref, les presque 600 pages du bouquin nous décrivent les hauts et les bas de cette relation, les conséquences telles que l’abandon des enfants de Mamah par celle-ci, pour « vivre sa vie ». La découverte de certains féminismes, notamment en Europe, avant d’être déçue, comme elle sera aussi déçue parfois par le grand homme, Wright, qui est autant grand architecte que parfois très piètre être humain…

    J’ai du mal à dire si j’ai aimé ou pas ce roman.

    C’était lent, plein de longueurs parfois très mièvres et j’aurais bien sabré quelques 200 pages… Pour le reste, il y  aune belle étude de mœurs, et j’ai été amené à me poser pas mal de questions, sur ce qu’on appelle l’amour romantique.

    Et je me demande comme une femme aussi brillante et éduquée que Mamah Cheney peut tout envoyer valser au nom de cet amour, pour le pathétique résultat qui consiste à voir l’homme magnifique qu’on aime  se transformer sous nos yeux en un être pleutre, menteur, égoïste et inconséquent... L’amour est une prise de risque évidemment, mais comment peut-on jeter aux orties sa propre intelligence pour assouvir une passion (ce que j’admets tout à fait) et lui donner le nom d’amour. C’est là que je suis gênée. J’ai l’impression que pour laisser libre cours à nos envies, nos désirs, nos passions, on ressent le besoin de les affubler des doux noms d’Amour et Romantisme, pour justifier notre attitude. Pour tout dire, j’ai plus de respect pour une femme ou un homme qui baise        avec tout ce qui bouge sans appeler ça amour, que pour des gens qui ont besoin de convoquer Cupidon et ses flèches à chaque fois qu’ils envoient tout valser, pour leur bonheur personnel, en oubliant qu’ils détruisent des gens autour d’eux…

    Oui, vous pouvez me trouver un peu dure, voire réac, mais ce n’est pas le cas. Ce que je n’aime pas c’est cette hypocrisie qui consiste à affubler les choses du mot amour, quand il ne s’agit que de trouver des justifications plus ou moins légitimes à des égoïsmes passagers…

    Bref Mamah Cheney m‘a un peu fait penser à Emma Bovary, qui m’agace prodigieusement….

    Un roman intéressant, c’est le moins qu’on puisse dire de Loving Frank. Au moins on se pose des questions....

    7,5 € au Livre de Poche.

  • C'était Gore

    Je crois que j’ai toujours eu un faible pour les êtres qui se moquent gentiment de leur monde. Une douce vanité, doublée d’une véritable compassion, l’envie de toujours dit ce qu’on pense, même à son détriment, la capacité à s’intéresser et à toucher à tout, ne considérant aucun domaine comme réservé, voilà ce qui m’a fait aimer Gore Vidal très vite.

    Gore Vidal est mort, et vous lirez dans la presse des informations sur sa naissance, son œuvre, ses liens avec le monde culturel et politique. On vous dira qu’il a côtoyé les plus grands noms de son temps, de JFK à Cocteau en passant par Truman Capote et Jack Kerouac. On vous le présentera peut-être même comme un mondain, gentiment dilettante…

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    Gore Vidal est tout ça, et encore plus. Un jeune homme qui a su tranquillement parler d’homosexualité à une époque où ça ne valait pas que des regards bienveillants. Un jeune homme qui s’est toujours intéressé à la politique, à la culture de la beauté, qui a eu la chance de fréquenter les grands noms de son siècle, mais qui a aussi beaucoup apporté à ses grands noms.

    Romancier, scénariste, homme d’idées, Gore Vidal est un homme qui a traversé son temps comme une promenade, mais affective, engagée, un peu snob, un peu détachée, une promenade passionnante.

    Gore Vidal a eu un regard et des mots acérés sur l’empire américain, ses guerres d’intérêts et ses errements autoritaristes. Et c’est amusant de savoir que cette  psychotique allumée (non ce n’est pas un pléonasme en l’occurrence) de Michelle Bachmann s’est engagée en politique chez les Républicains, en réaction aux propres engagements de Gore Vidal.

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    C’était un intellectuel, l’acteur de sa propre vie. Et s’il était si peu connu en France, c’est, disait-il, parce que «en France, vous avez besoin de mettre les gens dans des catégories». Là-dessus, il n’a pas tort. Qu’est-ce qu’un homme qui écrit des romans, des essais, scénarise pour René Clément, Mankiewicz, Arthur Penn fait l’acteur, même pour Fellini, s’essaie en politique, s’exile dans une villa italienne, s’oppose à la guerre d’invasion en Irak ? Qu’est-ce, sinon un homme parmi les hommes, qui vit sa vie comme une fête avec ses outrances et ses ratés, ses illuminations et ses erreurs. Là où Norman Mailer (avec qui il était fâché) joue toujours la carte de la grandeur libératrice des USA, Gore Vidal n’a pas cette facilité de jouer le patriotisme pour être aimé. (Un jour, il faudra que je vous raconte à quel point je peux ne pas aimer Norman Mailer, surestimé par tous pourtant…) Il a dénoncé la manipulation qui a été faite de la peur, du terrorisme, pour imposer une sorte de totalitarisme poste 11 septembre qui ne dit pas son nom. Concernant l’élection de Bush Jr,  «C'était un coup d’Etat», déclare-t-il ainsi à l’AFP en 2006. «Maintenir les gens sous la coupe de la peur est une grande manipulation totalitaire apprise auprès des dictatures européennes des années 1930».

    En attendant, j’espère que vous lirez l’un ou l’autre de ses écrits.

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    J’ai adoré sa bio romancée de Julien l’Apostat, l’empereur qui a tenté de rétablir le paganisme.

    En Direct du Golgotha est un roman halluciné, pas simple  raconté, mais franchement hilarant et bien pensé, avec une vraie réflexion derrière : « Nous sommes à Thessalonique en 96 après J.-C., lorsque d'étranges personnages font irruption dans la vie de Timothée, évêque de Macédoine, ex-secrétaire et petit ami de saint Paul. Ils le pressent d'écrire sa version de l'Histoire sainte, car, loin dans le futur, un cyberpunk, appelé le Pirate, est en train de falsifier ou d'effacer toutes les bandes et tous les volumes contenant les Évangiles ; seul celui de Timothée serait à l'abri du terrifiant virus informatique. Simultanément, grâce à l'intervention de nouveaux logiciels, une équipe de techniciens de NBC s'apprête à remonter le temps pour filmer la Crucifixion en direct du Golgotha. Sous la plume de Timothée, le lecteur ahuri découvre un saint Paul bonimenteur et homosexuel, inventeur des claquettes et du rap, un saint Jacques résolument plus juif que chrétien, un Jésus obèse et boulimique... »

    Palimpseste est son autobiographie, comme je disais doucement égotique, assez flatteuse pour lui, mais rude aussi parfois, et c’est surtout le témoignage passionnant d’une époque de folie.

    Pour finir, une citation tiré de son livre La fin de la Liberté : « Finalement, les dommages que Oussama et ses amis peuvent nous causer - même s’ils sont déjà terribles - ne sont rien comparés à ce qu’ils ont fait à nos libertés.
    Une fois aliéné, un droit inaliénable risque d’être perdu à tout jamais, auquel cas nous ne serons plus, même vaguement, le dernier et le meilleur espoir de la terre, mais simplement un médiocre État impérial dont les citoyens sont mis au pas par des équipes spéciales du FBI et dont la façon de mourir, non de vivre, est imitée dans le monde entier. »

     

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  • Anna K. lit Paul E.

    Un dimanche sans poésie, n’est pas un joli dimanche, n’est-ce pas ? Et de toute façon, il y a toujours une bonne raison d’en lire un, ou mieux encore, de l’entendre lu, divinement, par Anna Karina en l’occurrence.

    Quelques lignes parmi les plus belles, de Paul Eluard, tiré de Capitale de la Douleur, véritable Cor Cordium de la poésie à mes yeux.

    Cette lecture est tirée du film de Godard, Alphaville.


    Ta voix, tes yeux…
    Tes mains, tes lèvres…
    Nos silences, nos paroles…
    La lumière qui s’en va…
    La lumière qui revient.
    Un seul sourire pour nous deux.
    Par besoin de savoir,
    J’ai vu la nuit créer le jour sans que nous changions d’apparence.
    O bien aimé de tous,
    Et bien aimé d’un seul…
    Au silence de ta bouche
    A promis d’être heureuse.
    De loin en loin est la haine;
    De proche en proche est l’amour.
    Par la caresse,
    Nous sortons de notre enfance.
    Je vois de mieux en mieux la forme humaine
    Comme un dialogue d’amoureux,
    Le coeur n’a qu’une seule bouche.
    Toutes les choses au hasard,
    Tous les mots dits sans y penser
    Les sentiments à la dérive
    Les hommes tournent dans la ville.
    Le regard, la parole
    Et le fait que je t’aime.
    Tout est en mouvement.
    Il suffit d’avancer pour vivre,
    D’aller droit devant soi,Vers tous ceux que l’on aime
    J’allais vers toi, j’allais sans fin vers la lumière.
    Si tu souris, c’est pour mieux m’envahir
    Les rayons de tes bras entrouvaient le brouillard…

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  • Lecture turlututu

    (C'est n'importe quoi ce titre !)


    Les chiens ne font pas des chats ! Après le Bon Gros Géant et Sacrées Sorcières, Roald Dahl continue sa percée dans la bibliothèque de mon fils, et avec quel succès :

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    Je crois que cet auteur est parti pour être un ami de la famille, un bon moment encore ! Il y a un « intrus », un autre invité, André Maurois, avec Le Pays des 36 000 Volontés, autre roman souvenir de mon enfance…

    J’aime bien, cette idée de faire découvrir mes anciennes lectures à mon fils.

    Quel sera le prochain héros ? Certainement un de ceux sorti de l’imagination de Jules Verne