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Poésie - Page 7

  • René Char - Commune Présence

    Il ne faut pas plus qu'une date anniversaire pour trouver prétexte à lire et relire les poètes qu'on aime bien. Avec Paul Eluard, Robert Desnos, André Breton et quelques autres encore, il y a René Char, poète qui surgit dans une époque magique à mes yeux, malgré la guerre, malgré les combats. Ou peut-être parce que ces combats conféraient à l'époque une gravité toute particulière, une gravité qui trouvait dans le génie de ces poètes une façon de s'accomplir.

    Les poètes sont éternels.

    Aujourd'hui, plus que de rappeler la date anniversaire de la mort de René Char, je fais appel à ce dernier pour nous rappeler, et me rappeler, à l'essentiel :

    tu es pressé d'écrire
    comme si tu étais en retard sur la vie
    s'il en est ainsi fais cortège à tes sources
    hâte-toi
    hâte-toi de transmettre
    ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
    effectivement tu es en retard sur la vie
    la vie inexprimable
    la seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir
    celle qui t'es refusée chaque jour par les êtres et par les choses
    dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
    au bout de combats sans merci
    hors d'elle tout n'est qu'agonie soumise fin grossière
    si tu rencontres la mort durant ton labeur
    reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
    en t'inclinant
    si tu veux rire
    offre ta soumission
    jamais tes armes
    tu as été créé pour des moments peu communs
    modifie-toi disparais sans regret
    au gré de la rigueur suave
    quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
    sans interruption
    sans égarement

    essaime la poussière
    nul ne décèlera votre union.

    Commune Présence

     

    René Char, commune présence, poète,

     

  • Victor Hugo

    C'est un peu difficile de penser et de parler d'autre chose que de tristesse et de crainte. Pourtant il faut bien. Parler d'autre chose, sans oublier pour autant les morts et les questions.

    Alors je convoque les mots du grand Victor Hugo en ce jour, juste pour me souvenir de ce qui est beau. et j'en profite pour remercier Claudialucia qui a eu cette bonne idée de nous demander notre poème préféré de Hugo.

    Pour l'occasion, j'en indique deux, mon préféré "demain, dès l'aube", ainsi qu'un autre qui m'est venu en tête, au regard d se qui a secoué la région parisienne cette semaine. ce second poème étant "Paris Bloqué".

    "Demain, dès l'aube" représente beaucoup pour moi. Hugo l'avait écrit suite à la mort de sa fille. J'ai toujours beaucoup aimé ce poème. Il a été d'un grand secours également quand j'ai eu à traverser le deuil de ma propre fille. J'ai toujours eu beaucoup de mal à en parler, et j'avoue que ce poème est toujours un viatique efficace.

    "Paris bloqué" est un poème plein d'espoir et d'amour, et qui nous montre combien il est important de se relever et de vivre.

    Voilà, j'espère que vous apprécierez l'un ou l'autre de ces poèmes.

    Passez un bon weekend mes choupis et prenez grand soin de vous et des autres.

     

    Paris bloqué

    Ô ville, tu feras agenouiller l’histoire.
    Saigner est ta beauté, mourir est ta victoire.
    Mais non, tu ne meurs pas. Ton sang coule, mais ceux
    Qui voyaient César rire en tes bras paresseux,
    S’étonnent : tu franchis la flamme expiatoire,
    Dans l’admiration des peuples, dans la gloire,
    Tu retrouves, Paris, bien plus que tu ne perds.
    Ceux qui t’assiègent, ville en deuil, tu les conquiers.
    La prospérité basse et fausse est la mort lente ;
    Tu tombais folle et gaie, et tu grandis sanglante.
    Tu sors, toi qu’endormit l’empire empoisonneur,
    Du rapetissement de ce hideux bonheur.
    Tu t’éveilles déesse et chasses le satyre.
    Tu redeviens guerrière en devenant martyre ;
    Et dans l’honneur, le beau, le vrai, les grandes moeurs,
    Tu renais d’un côté quand de l’autre tu meurs.

    Victor Hugo - L’année terrible

     

    Demain, dès l’aube…

     

    Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,

    Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
    J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
    Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

    Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
    Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
    Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
    Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

    Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
    Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
    Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
    Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

    Victor Hugo, extrait du recueil «Les Contemplations»

     

    challenge hugo.jpg

  • La poésie, la terre et le souvenir - Mahmoud Darwich

    J’entends souvent que la poésie, ça ne sert à rien, que les poètes n’ont pas d’autres pouvoir que celui de distraire de la réalité.

    Je ne suis évidemment pas d’accord.

    Les poètes sont là pour nous rappeler notre condition d’ Homme, pour chanter la terre et nous montrer la beauté, mais aussi l’injustice.

    Les poètes nous disent de ne pas oublier.

    Les poètes exaltent la mémoire et la liberté.

    Les poètes rappellent que face à toutes les dénégations des puissants, on peut crier « j’existais, et j’existe encore. »

    Avec Mahmoud Darwich, poète palestinien, j’aimerai rappeler à certains, prompts à refaire l’histoire, que la Palestine existait avant 1948, qu’elle avait une Histoire, des traditions, et des poètes.

    Une citation de ce grand écrivain, dont on célèbre aujourd’hui la naissance, dit toute la nécessité de la poésie :  "Sans doute avons-nous besoin aujourd’hui de la poésie, plus que jamais. Afin de recouvrer notre sensibilité et notre conscience de notre humanité menacée et de notre capacité à poursuivre l’un des plus beaux rêves de l’humanité, celui de la liberté, celui de la prise du réel à bras le corps, de l’ouverture au monde partagé et de la quête de l’essence. "

     

    Palestine, Gaza, Mahmoud Darwich, Sodastream exploite des terres occupées illégalement, sodastream c'est de la merde

    Pour finir, un de mes poèmes favoris, par sa force et sa colère, et aussi par l’espoir indicible qu’il porte:

     

    Identité

    Inscris !
    Je suis Arabe
    Le numéro de ma carte : cinquante mille
    Nombre d’enfants : huit
    Et le neuvième. . . arrivera après l’été !
    Et te voilà furieux !

    Inscris !
    Je suis Arabe
    Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine
    Et j’ai huit bambins
    Leur galette de pain
    Les vêtements, leur cahier d’écolier
    Je les tire des rochers. . .
    Oh ! je n’irai pas quémander l’aumône à ta porte
    Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais
    Et te voilà furieux !

    Inscris !
    Je suis Arabe
    Sans nom de famille – je suis mon prénom
    « Patient infiniment » dans un pays où tous
    Vivent sur les braises de la Colère
    Mes racines. . .
    Avant la naissance du temps elles prirent pied
    Avant l’effusion de la durée
    Avant le cyprès et l’olivier
    . . .avant l’éclosion de l’herbe
    Mon père. . . est d’une famille de laboureurs
    N’a rien avec messieurs les notables
    Mon grand-père était paysan – être
    Sans valeur – ni ascendance.
    Ma maison, une hutte de gardien
    En troncs et en roseaux
    Voilà qui je suis – cela te plaît-il ?
    Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.

    Inscris !
    Je suis Arabe
    Mes cheveux . . . couleur du charbon
    Mes yeux . . . couleur de café
    Signes particuliers :
    Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré
    Et ma paume est dure comme une pierre
    . . .elle écorche celui qui la serre
    La nourriture que je préfère c’est
    L’huile d’olive et le thym

    Mon adresse :
    Je suis d’un village isolé. . .
    Où les rues n’ont plus de noms
    Et tous les hommes. . . à la carrière comme au champ
    Aiment bien le communisme
    Inscris !
    Je suis Arabe
    Et te voilà furieux !

    Inscris
    Que je suis Arabe
    Que tu as raflé les vignes de mes pères
    Et la terre que je cultivais
    Moi et mes enfants ensemble
    Tu nous as tout pris hormis
    Pour la survie de mes petits-fils
    Les rochers que voici
    Mais votre gouvernement va les saisir aussi
    . . .à ce que l’on dit !

    DONC

    Inscris !
    En tête du premier feuillet
    Que je n’ai pas de haine pour les hommes
    Que je n’assaille personne mais que
    Si j’ai faim
    Je mange la chair de mon Usurpateur
    Gare ! Gare ! Gare
    À ma fureur !

     

    Mahmoud Darwich, Inscris « Je suis Arabe »

  • Hello Spring !

    Aujourd'hui c'est la journée mondiale du bonheur, et le printemps est revenu. Coïncidence ? Je ne crois pas :)

    Printemps.gif

    Merveille du soleil qui brille haut dans le ciel, des fleurs aux arbres et de la bonne humeur partout.

    Le pouvoir du printemps est immense, rendons-lui grâce.

    J'en profite pour honorer le jeudi de la poésie, en même temps que le printemps, et exhumer un de ces vieux poètes que j'aime relire :

    Albert Samain - Printemps

    Les désespoirs sont morts, et mortes les douleurs.
    L'espérance a tissé la robe de la terre ;
    Et ses vieux flancs féconds, travaillés d'un mystère,
    Vont s'entr'ouvrir encor d'une extase de fleurs.

    Les temps sont arrivés, et l'appel de la femme,
    Ce soir, a retenti par la création.
    L'étoile du désir se lève ô vision !
    Ô robes qui passez, nonchalantes, dans l'âme...

    Les ciels nus du matin frissonnent de pudeur ;
    L'émeute verte éclate aux ramures vivaces ;
    Et la vie éternelle arrivant des espaces
    En ruisseaux de parfums coule à travers le cœur.

    Voici que le printemps s'avance sous les branches,
    Nu, candide et mouillé dans un jeune soleil ;
    Et les cloches tintant parmi l'azur vermeil
    Versent une allégresse au cœur des maisons blanches.

    L'âme s'ouvre parmi l'enchantement du jour,
    Et le monde qu'enivre une vague caresse,
    Le monde, un jour encor, va noyer sa détresse
    Dans les cheveux profonds et vivants de l'amour.

    Amour ! Frissons légers des jupes, des voilettes,
    Et lumières des yeux de femmes transparents...
    Amour ! Musique bleue et songes odorants...
    Et frêles papillons grisés de violettes...

     

    Une poésie pour le jeudi

    Poésie du jeudi.jpg

    J'espère que vous avez mis à profit cette belle journée :)