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Poésie - Page 5

  • Pierre Reverdy - Avent Littéraire #5

    Aujourd’hui, pour la suite de mon Avent littéraire, j’ai envie de Pierre Reverdy, un poète qui m’accompagne depuis le collège où, du haut de ma naïveté romantique, je portais au pinacle cette belle citation de lui : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ». J’aime toujours autant cette citation, elle me rassure (mais non, ne digressons pas).

    Mais Reverdy ce n’est pas que cette populaire citation sur l’amour. C’est un inventeur, un explorateur des mots, un peintre des mots, pour reprendre à peu près ce que disait de lui Picasso.

    Petite anecdote sans importance, je vous livre aujourd’hui le poème qui a inspiré le Oh de mon pseudo habituel sur le web. Ce poème, O, m’avait frappée la première fois que je l’ai lu. Je l’ai vécu comme une porte ouverte sur le véritable Mystère des Mots, comme il ya le Mystère de la Foi. Un vrai point de basculement mystique, en tout cas pour la jeune fille que j’étais :)

    Bonne lecture !

    O

    Il y a des mains qui passent
    Quelque chose passe dans le vent
    Trois têtes au moins se balancent
    Mes yeux partent à fond de train
    J'arriverais à temps
    Mais un poing me retient

    Un homme est tombé
    Quelqu'un est sorti et n'est pas rentré
    Au cinquième la lampe est toujours allumée

    Dans la nuit
    Sous la pluie

    18 francs cinquante de taxi

    Le numéro tombe à l'eau

    Elle passe devant la bouche d'égout
    Le trou
    Quel dégoût
    La pendule qui bat dans la maison est comme un cœur
    Il y a des moments où l'on voudrait être meilleur
    Ou tuer quelqu'un


    Là il y a un piège

    Un chat noir file sur la neige

    Et des gens!
    Des gens que je crains moins que les agents


    La lune est fatiguée de regarder la nuit
    Elle est partie

    Et je vais m'y mettre
    La porte ne me sert de rien ni la fenêtre

    Je prie pour émouvoir le concierge du paradis
    Celui où tu vis

    3heures 1/4
    Dans la vie je me serai toujours levé trop tard

    Le temps est passé
    Je n'ai rien fait

    Une ombre glisse entre cour et jardin
    Je serai là encore demain matin
    Sur le trottoir


    Des visages flottent là-bas dans le brouillard

     

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  • Pablo Neruda - Avent Littéraire #4

    Quand il s’agit de parler d’amour, mon cœur penche souvent vers Pablo Neruda. Étudiante en fac de Droit, j’avais rencontré un étudiant, espagnol de mémoire, qui en était fou, et qui en parlait souvent, c’est comme ça que je l’ai réellement découvert. Son histoire, qui s’est mêlé à l’histoire du Chili, n’a fait que rajouter à mon attrait pour lui.

    Je ne sais pas si vous avez un jour vu ce très joli film de Michael Radford, Il Postino, où Philippe Noiret joue le rôle de Neruda. Ce film est tiré d’un récit intitulé Une Ardente Patience : je trouve que ces termes vont parfaitement à la poésie de Neruda. Il sait comme personne décrire le silence, l’attente, l’envolée vers l’être aimé. Sincèrement, si vous en avez l’occasion, je vous invite à regarder ce film.

    En attendant, et dans la suite de mon Avent littéraire, j’aimerais partager avec vous ce poème qui est, je crois, mon favori du recueil Vingt Poèmes d’Amour et une Chanson Désespérée.

    Le Puit.

    Parfois tu t’enfonces, tu tombes

    Dans ton trou de silence,

    Dans ton abîme tout d’orgueilleuse colère

    Et c’est à peine si tu peux

    Revenir, même en lambeaux,

    De ce que tu as découvert

    Dans la profondeur de ton existence.

    Mon amour, que trouves-tu donc

    Dans ton puits impénétrable ?

    Des algues, des roches, des boues ?

    Que voient là-bas tes yeux aveugles

    De blessée et de rancunière ?

    Ma vie, tu ne trouveras pas

    Dans le puits où tu tombes

    Ce que je conserve pour toi sur ce sommet :

    Un bouquet de jasmin que mouille la rosée,

    Un baiser plus profond que ton abîme.

    Ne me crains pas, ne tombe pas

    Dans la rancune de nouveau.

    Secoue ce mot, le mien, qui vint te blesser, puis

    Laisse-le s’envoler par la fenêtre ouverte.

    Pour me blesser il reviendra

    Mais sans être guidé par toi

    Et s’il est vrai qu’il fut chargé d’un dur instant

    Cet instant par mon cœur sera désamorcé.

    Souris-moi radieuse

    Si ma bouche te blesse

    Je ne suis pas un doux berger

    Comme dans les contes de fées,

    Je suis un brave bûcheron qui partage avec toi

    La terre, le vent, les épines des montagnes.

    Aimez-moi, souris-moi,

    Aide-moi à être bonté.

    Ne te blesse pas à moi car c’est inutile,

    Ne me blesse pas moi car alors tu te blesses.

     

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    À demain pour la suite, j’espère.

     

  • John Keats - Avent Littéraire #3

    Quand le film de Jane Campion, Bright Star, est sorti, j’y suis allée avec joie, sur la seule foi de mon amour pour ce poète.

    Chante de la nature, des sentiments et des sensations, Keats n’a pas eu besoin d’une longue vie pour nous laisser une belle œuvre.

    Aujourd’hui, pour cette nouvelle case de mon Avent littéraire, je vous propose de lire ensemble un poème sur lequel j’aime méditer, quand je suis dans une période difficile.

    Bienvenue à la joie, bienvenue au chagrin,
    À l’herbe du Léthé, à la plume d’Hermès ;
    Bienvenue aujourd’hui et bienvenue demain,
    Je vous aime tous deux d’une égale tendresse !
    J’aime voir des visages tristes par temps clair,
    Et entendre un éclat de rire joyeux au milieu du tonnerre.
    J’aime ensemble le beau et l’infâme,
    La douceur des prairies sous lesquelles couvent des flammes,
    Un gloussement de rire devant une merveille ;
    Mais un visage sage à la vue d’une farce ;
    Le glas des funérailles et le carillon qui rit au clocher,
    L’enfant qui joue avec un crâne,
    Le matin clair et les coques des nefs par l’ouragan brisées,
    La belladone au chèvrefeuille unie dans dans un baiser,
    Les serpents dans des roses rouges sifflant ;
    Cléopâtre en robe de reine
    Les aspics pendus à son sein,
    La musique dansante et la musique triste,
    Ensemble réunies, raison avec folie ;
    Muses radieuses et Muses blêmes,
    Ôtez de vos visages le voile !
    Laissez-moi voir ! et laissez-moi écrire
    Du jour et de la nuit
    Ensemble réunis. Laissez-moi étancher
    Toute ma soif d’un mal de cœur exquis !
    Qu’un if me soit un ciel de lit,
    Entrelacé de jeunes myrtes,
    De pins et de tilleuls en pleine floraison,
    Et que ma couche soit une humble tombe d’herbes.

    Tiré du recueil Seul dans la splendeur – Éditions du Point (Seuil)

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  • Pourquoi lire Adonis ? Avent Littéraire #2

    Chaque année, au moment des distinctions du Prix Nobel, je me prends à espérer que enfin, après tant d’attente, l’académie suédoise reconnaitra à la face du monde le talent de mon cher Adonis. Je crois qu’un des premiers billets « littéraires » qui m’ait été inspiré en ces lieux, fut à la suite d’un échec d’Adonis, une année où il tenait bon la corde. Mais las, un autre fut choisi. Une fois de plus. Souvent pressenti au Nobel, Adonis est pourtant un poète peu connu en France, en tout cas de ce que je peux en voir.

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    Pourquoi ce nom d’abord ? Adonis est né en Syrie, et a voué très jeune sa vie à l’écriture, essuyant d’abord refus d’éditions et silence. Se rappelant la légende du dieu Adonis, celui qui meurt dévoré par des bêtes, et qui va renaitre des larmes d’Aphrodite, sous la forme de l’anémone, notre poète va tourner la page de ces échecs, mourir à son ancien Je et renaitre en Adonis le poète. En guise de fleurs, ce seront des poèmes solaires, des vers d’amour destiné à une terre sans frontières, à un espace qui est dessiné par le vent et par les mots. Des mots d’amour envoyé à ce frère, cette sœur que nous devrions reconnaître dans chaque visage humain croisé dans nos vies.

    Car malgré les guerres qui traversent le Moyen-Orient, la Syrie de sa naissance, le Liban de son adoption, Adonis propage dans ses vers l’éternel appel à la fraternité et à l’amour.

    Quand je le lis, je pense à un vagabond amoureux, qui va de ville en ville prêcher sa bonne parole, et répandre l’amour. Qu’il parle des femmes ou des villes, Adonis nous porte dans un songe éveillé.

    Avec une goutte d'ennui
    je comble à chaque instant
    un lac d'espérance

    Mais comme tout bon poète, il sait que son œuvre est un prolongement de la réalité, de l’existence vécu, et non simplement un fantasme en mots. Et le lecteur le ressent parfaitement, qu’il parle d’une blessure amoureuse ou de la fierté d’un peuple. Et c’est peut-être au nom de cet ancrage qu’Adonis nous a offert également quelques essais, dont un dernier livre d’entretien, au sujet de l’Islam et de la violence. Un sujet dont l’actualité nous a tous sonné il y a peu. Je ne l’ai pas encore lu, donc je n’en parlerai pas précisément ce jour, mais il semble faire un constat implacable, sur l’imprégnation mortifère de la religion sur les civilisations arabes, et il propose quelques pistes pour en sortir, notamment une séparation du clergé et du politique. J’ai donc hâte de le lire, afin de comprendre un peu plus les secousses que nous vivons.

    Voilà, d’une rive à l’autre, Adonis trace des chemins : à nous de les emprunter.

     

    Mémoire d’un Tyran :

    Épi par épi,
    N’en laissez aucun…
    Cette moisson est notre paradis retrouvé,
    Notre pays à venir.

    Déchirez les cœurs avant les poitrines,
    Arrachez les racines,
    Changez cette glèbe
    Qui les a portés.
    Effacez un temps, qui a narré leur histoire,
    Effacez un ciel qui s’est incliné sur eux,
    Épi par épi,

    Afin que la terre revienne
    À son état premier…

    Épi par épi…

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    A demain pour une autre case de mon calendrier de l'Avent.

     

     

     

  • Pourquoi lire Dan Fante (indice : parce que c'est beau) Avent Littéraire #1

    À l’occasion de cette reprise d’écriture sur le blog, j’avais envie de partager avec vous des lectures, de cet été, puis de l’automne, et puis s’est imposé l’idée de simplement partager chaque jour de l’Avent un auteur que j’apprécie particulièrement.

    La semaine dernière, Dan Fante nous a quitté, au terme d’une vie entre lumière et bas-fonds. J’aime les auteurs qui écrivent avec leur sang, si j’ose cette métaphore un peu bas de gamme. Mais le fait est que les mots de Dan Fante nous plongent dans un univers de misère, d’alcool, de fuites et d’errances lunatiques. Dan Fante s’est placé sous le parrainage de trois grands auteurs : son père John Fante, Hubert Selby Jr et Charles Bukowski. J’ai souvent mis en parallèle Selby et Dan Fante, dans mon paradis personnel, tant ils me renvoient chacun une image à la fois solaire et violemment sombre de l’Amérique.

    J’arrête là les comparaisons oiseuses, le plus important c’est de lire, n’est-ce pas ?

    Alors pour cette première case d’Avent littéraire, j’aimerai relire avec vous ces quelques vers de Dan Fante :

     

    Pendant des années
    j'ai versé du bourbon dans ma tête
    pour tuer les voix

    Mais vint le temps où j'ai dû lâcher la gnôle
    ou rendre mon passeport

    Des jours ca allait si mal
    que je devais remballer mes affaires dès le matin
    dire que j'étais malade
    et quitter mon poste de télé-vendeur
    trente secondes avant de tuer quelqu'un

    Je passais prendre deux Big Mac et louer deux pornos
    je rentrais
    tirais les rideaux
    et me branlais dans du steak haché
    pour étouffer le bruit

    Il me fallait des heures de télé et des romans de 800 pages sans
    répondre au téléphone
    pendant des jours
    sans me raser ni laver une assiette
    ni changer de slip
    juste pour garde la tête hors de l'eau

    Aujourd'hui
    je vais mieux

    j'ai changé pour Burger King

     

             

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    A la fin il y en a marre
    d'expliquer

    les gens te voient comme tu es ou pas

    pourquoi se crever à décrire le brouillard sur Venice
    ou la passion des sublimes Chevrolet 1957
    -ça intéresse qui?-
    soit tu es branché brouillard et Chevrolet soit pas

    Pour moi, la magie tient à la vie elle-même
    au cadeau immérité
    d'être ici présent
    de foncer tête baissée contre les murs
    ou assis dans un fauteuil à m'extasier sur l'origine du souffle

    La vie est improvisation - du théâtre - avec billet de faveur -
    imprévisible
    horrible
    grotesque
    absurde
    brutale
    précieuse
    et
    romantique

    une aventure

    Je sais que je ne vaux pas cher - mais je suis ce que je pense

     

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    (Tatouage de Dan Fante en hommage à son frère)

    Les Poèmes et récits de Dan Fante sont disponibles en poche chez Point et 10/18.

    À demain pour la suite.