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Les livres - Page 8

  • Erskine Caldwell - Le Bâtard

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    Cet été, en prenant le temps de fouiner dans ma médiathèque, je suis tombée sur un roman de Erskine Caldwell. Le nom me disait vaguement quelque chose, mais sans certitude. Je lis beaucoup de roman noir, et j’ai du croiser ce nom lors d’une de ces occasions. Toujours est-il que la maison Belfond réédite quelques vieux textes, dans une nouvelle collection, intitulée Vintage. Je me suis empressée d’emprunter ce livre, car le roman noir c’est vraiment mon truc : de Charles Willeford à Jim Thomson en passant par Ellroy, je dévore tout ce qui peut apparaître un minimum sombre et désespérant, sinueux et violent. Je préfère le roman noir au simple roman policier, car dans le roman noir on ne privilégie pas la résolution d’une énigme, d’un crime ; non, il s’agit de suivre les méandres psychologiques des protagonistes, de s’intéresser au passage à l’acte, aux conséquences, sans que la résolution de l’enquête soit primordiale.

    À cet égard, le roman de Caldwell dont je vous parle aujourd’hui, Le Bâtard, remplit toutes ses promesses et mieux encore. En effet, le lecteur fait la connaissance d’un héros, plus ou moins orphelin : sa mère, un peu danseuse, un peu pute, exerçait ses charmes on ne sait où, pendant que son fils grandissait avec aussi peu de repères que d’inhibition. Le jeune homme va donc de ville en ville, dans un sud prolétaire et raciste, prenant un travail quand il en a besoin. Entre deux, il use de ses poings et du couteau, quand il en a besoin également : sans interrogation morale, sans autre réflexe que celui de son intérêt propre.

    Tout le roman tient sur ce personnage et son absence totale de morale sociale. Et c’est important pour la suite. En effet, Il va rencontrer une jeune femme. Habituellement, quand il en désire une, il la prend, de gré ou de force. Mais là on observe chez lui un comportement différent, et le héros opère en quelque sorte une mise en retrait de ses instincts, pour l’amour de cette femme. Jusqu’à former un couple, puis une famille, avec la naissance de leur enfant.

    Cette naissance sera un autre point de basculement. Je n’ose en dire plus, mais le lecteur sera fasciné par la manière dont une certaine forme de morale, guidée par l’amour, conduira notre héros à ce qu’on ne pouvait imaginer.

    Récit court et dense, Le Bâtard se lit vraiment comme on prend une paire de claque. Violent, sans concessions, avec un personnage central hautement antipathique, ce roman de 1929 est une vraie pépite vintage, avec une approche naturaliste très intéressante. Je n’ai qu’une hâte, c’est de découvrir les autres romans d’Erskine Caldwell.

     

  • René Char - Avent littéraire #10

    Ce soir encore, un poète ; ce soir encore un (presque) surréaliste. Ce soir encore un homme de combats, de résistance et de mots. Ce soir encore un poète, en somme.

    Je vous propose quelques instants avec René Char, pour la suite de cet avent littéraire. Un poète qui n’a jamais cessé d’écrire, même au front, dans le maquis avec ses camarades de lutte. Il incarne, encore une fois, cette figure du poète ancré dans le réel, qui tente de tirer quelque chose de bon et de beau des affres de l’humanité.

    Ce soir, trois poèmes, assez différents entre eux, tirés du recueil Fureur et Mystère.

     

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    Le Requin et la Mouette

    Je vois enfin la mer dans sa triple harmonie, la

    mer qui tranche de son croissant la dynastie des

    douleurs absurdes, la grande volière sauvage, la mer

    crédule comme un liseron.

    Quand je dis : j'ai levé la loi, j'ai franchi la morale,

    j'ai maillé le cœur, ce n'est pas pour me donner raison

    devant ce pèse-néant dont la rumeur étend sa palme

    au delà de me persuasion. Mais rien de ce qui m'a

    vu vivre et agir jusqu'ici n'est témoin alentour. Mon

    épaule peut bien sommeiller, ma jeunesse accourir.

    C'est de cela seul qu'il faut tirer richesse immédiate

    et opérante. Ainsi, il y a un jour de pur dans l'année,

    un jour qui creuse sa galerie merveilleuse dans

    l'écume de la mer, un jour qui monte aux yeux pour

    couronner midi. Hier la noblesse était déserte, le

    rameau était distant de ses bourgeons. Le requin et

    la mouette ne communiquaient pas.

    - O Vous, arc-en-ciel de ce rivage polisseur,

    approchez le navire de son espérance. Faites que

    toute fin supposée soit une neuve innocence, un

    fiévreux en-avant pour ceux qui trébuchent dans la

    matinale lourdeur.

     

    Post-Scriptum

    Écartez-vous de moi qui patiente sans bouche;
    A vos pieds je suis né, mais vous m’avez perdu
    Mes feux ont trop précisé leur royaume;
    Mon trésor a coulé contre votre billot.

    Le désert comme asile au seul tison suave
    Jamais ne m’a nommé, jamais ne m’a rendu.

    Écartez-vous de moi qui patiente sans bouche :
    Le trèfle de la passion est de fer dans ma main.

    Dans la stupeur de l’air où s’ouvrent mes allées,
    Le temps émondera peu à peu mon visage,
    Comme un cheval sans fin dans un labour aigri.

     

    Louis Curel de la Sorgue

    Sorgues qui t’avances derrière un rideau de papillons qui pétillent, ta faucille de doyen loyal à la main, la crémaillère du supplice en collier à ton cou, pour accomplir ta journée d’homme, quand pourrai-je m’éveiller et me sentir heureux au rythme modelé de ton seigle irréprochable ?…

    Sorgue, tes épaules comme un livre ouvert propagent leur lecture. Tu as été, enfant, le fiancé de cette fleur au chemin tracé dans le rocher qi s’évadait par un frelon… Courbé, tu observes aujourd’hui l’agonie du persécuteur qui arracha à l’aimant de la terre la cruauté d’innombrables fourmis pour la jeter en millions de meurtriers contre les tiens et contre ton espoir…

    Il y a un homme à présent debout, un homme dans un champ de seigle, un champ pareil à un chœur mitraillé, un champ sauvé.

    À demain :)

  • Robert Desnos - Avent littéraire #9

    Le souci quand on se lance dans une sorte de calendrier de ses poètes favoris, c’est se rendre compte qu’il y en a tant qu’on aime, tant qu’on ne peut choisir. À chaque fois, j’ai envie de dire, bêtement, c’est mon préféré. Les préférés sont nombreux et se bousculent aux portes de ma mémoire.

    Alors ce soir, encore un préféré, Robert Desnos, au destin aussi tragique que peuvent l’être les destins d’écrivains. Mort au camp de Theresienstadt, Desnos a été tant poète que résistant, jusqu’au dernier souffle.

    Voici deux de mes poèmes favoris, dont un que je me permets de vous lire.

     

    J’ai Tant Rêvé de Toi

     
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    J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
    Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant
        et de baiser sur cette bouche la naissance
        de la voix qui m’est chère ?
    J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre
        à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
        au contour de ton corps, peut-être.
    Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante
        et me gouverne depuis des jours et des années
        je deviendrais une ombre sans doute,
    Ô balances sentimentales.
    J’ai tant rêvé de toi qu’il n'est plus temps sans doute que je m’éveille.
        Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie
        et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd'hui pour moi,
        je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres
        et le premier front venu.
    J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme
        qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant,
        qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois
        que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement
        sur le cadran solaire de ta vie.

     

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    Le Fard Des Argonautes

     

    Les putains de Marseille ont des sœurs océanes
    Dont les baisers malsains moisiront votre chair.
    Dans leur taverne basse un orchestre tzigane
    Fait valser les péris au bruit lourd de la mer.

    Navigateurs chantant des refrains nostalgiques,
    Partis sur la galère ou sur le noir vapeur,
    Espérez-vous d’un sistre ou d’un violon magique
    Charmer les matelots trop enclins à la peur ?

    La légende sommeille altière et surannée
    Dans le bronze funèbre et dont le passé fit son trône
    Des Argonautes qui voilà bien des années
    Partirent conquérir l’orientale toison.

    Sur vos tombes naîtront les sournois champignons
    Que louangera Néron dans une orgie claudienne
    Ou plutôt certain soir les vicieux marmitons
    Découvriront vos yeux dans le corps des poissons.

    Partez ! harpe éolienne gémit la tempête...

    Chaque fois qu’une vague épuisée éperdue
    Se pâmait sur le ventre arrondi de l’esquif
    Castor baisait Pollux chastement attentif
    À l’appel des alcyons amoureux dans la nue.

    Ils avaient pour rameur un alcide des foires
    Qui depuis quarante ans traînait son caleçon
    De défaites payées en faciles victoires
    Sur des nabots ventrus ou sur de blancs oisons.

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Une à une agonie harmonieuse et multiple
    Les vagues sont venues mourir contre la proue.
    Les cygnes languissants ont fui les requins bleus
    La fortune est passée très vite sur sa roue.
     
    Les cygnes languissants ont fui les requins bleus
    Et les perroquets verts ont crié dans les cieux.
     
    — Et mort le chant d’Éole et de l’onde limpide
    Lors nous te chanterons sur la Lyre ô Colchide.
     
    Un demi-siècle avant une vieille sorcière
    Avait égorgé là son bouc bi-centenaire.
    En restait la toison pouilleuse et déchirée
    Pourrie par le vent pur et mouillée par la mer.
     
    — Médée tu charmeras ce dragon venimeux
    Et nous tiendrons le rang de ton bouc amoureux
    Pour voir pâmer tes yeux dans ton masque sénile ;
    Ô ! tes reins épineux ô ton sexe stérile,

    Ils partirent un soir semé des lys lunaires.
    Leurs estomacs outrés teintaient tels des grelots.
    Ils berçaient de chansons obscènes leur colère
    De rut inassouvi en paillards matelots...

    Les devins aux bonnets pointus semés de lunes
    Clamaient aux rois en vain l’oracle ésotérique
    Et la mer pour rançon des douteuses fortunes
    Se paraît des joyaux des tyrans érotiques.

    — Nous reviendrons chantant des hymnes obsolètes
    Et les femmes voudront s’accoupler avec nous
    Sur la toison d’or clair dont nous ferons conquête
    Et les hommes voudront nous baiser les genoux.

    Ah ! la jonque est chinoise et grecque la trirème
    Mais la vague est la même a l’orient comme au nord
    Et le vent colporteur des horizons extrêmes
    Regarde peu la voile où s’asseoit son essor.

    Ils avaient pour esquif une vieille gabarre
    Dont le bois merveilleux énonçait des oracles.
    Pour y entrer la mer ne trouvait pas d’obstacle
    Premier monta Jason s’assit et tint la barre.

    Mais Orphée sur la lyre attestait les augures ;
    Corneilles et corbeaux hurlant rauque leur peine
    De l’ombre de leur vol rayaient les sarcophages
    Endormis au lointain de l’Égypte sereine.

    J’endormirai pour vous le dragon vulgivague
    Pour prendre la toison du bouc licornéen.
    J’ai gardé de jadis une fleur d’oranger
    Et mon doigt portera l’hyménéenne bague.

    Mais la seule toison traînée par un quadrige
    Servait de paillasson dans les cieux impudiques
    A des cyclopes nus couleur de prune et de cerise
    Hors nul d’entre eux ,ne vit le symbole ironique.

    — Oh ! les flots choqueront des arètes humaines
    Les tibias des titans sont des ocarinas
    Dans l’orphéon joyeux des stridentes sirènes
    Mais nous mangerons l’or des juteux ananas.

    Car nous incarnerons nos rêves mirifiques
    Qu’importe que Phœbus se plonge sous les flots
    Des rythmes vont surgir ô Vénus Atlantique
    De la mer pour chanter la gloire des héros.
     
    Ils mangèrent chacun deux biscuits moisissants
    Et l’un d’eux psalmodia des chansons de Calabre
    Qui suscitent la nuit les blêmes revenants
    Et la danse macabre aux danseurs doux et glabres.

    Ils revinrent chantant des hymnes obsolètes
    Les femmes entr’ouvrant l’aisselle savoureuse
    Sur la toison d’or clair s’offraient à leur conquête
    Les maris présentaient de tremblantes requêtes
    Et les enfants baisaient leurs sandales poudreuses.

    — Nous vous ferons pareils au vieil Israélite
    Qui menait sa nation par les mers spleenétiques
    Et les Juifs qui verront vos cornes symboliques
    Citant Genèse et Décalogue et Pentateuque
    Viendront vous demander le sens secret des rites.

    Alors sans gouvernail sans rameurs et sans voiles
    La nef Argo partit au fil des aventures
    Vers la toison lointaine et chaude dont les poils
    Traînaient sur l’horizon linéaire et roussi.

    — Va-t-en, va-t-en, va-t-en qu’un peuple ne t’entraîne
    Qui voudrait le goujat, fellateur clandestin
    Au phallus de la vie collant sa bouche blême
    Fût-ce de jours honteux prolonger son destin !

     

    A demain !

     

  • Sylvia Plath - Avent littéraire #8

    C’est toujours délicat de parler d’une icône, et manifestement, Sylvia Plath est une icône, une déesse morte et ressuscitée dans ses mots. L’abandon volontaire de son enveloppe terrestre rajoute du drame là où l’œuvre porte déjà tant de force.

    Dépressive, féministe, génie, on peut dire beaucoup de choses à propos de Sylvia Plath, toutes choses qui la réduisent certes, et pourtant qui projettent en ce monde dix mille, cent mille facettes d’une même femme : chacun de nos regards subjectifs sur elle, sur ses écrits, la ressuscite d’une différente manière.

    Je suppose que j’ai moi aussi un regard subjectif, j’oublie souvent combien sa vie intérieure a pu être sombre, quand je relis certains poèmes, où tout n’est qu’ode à la vie et à la nature. Et puis soudain, le lecteur sombre avec Sylvia, dans les brumes du Thalidomide. Complexité de l’âme. Merveille des mots : à chaque lecture on se rend compte que l’univers d’un poète ne peut se réduire à une case.

     

    Je Suis Verticale

    Mais je voudrais être horizontale.
    Je ne suis pas  un arbre dont les racines en terre
    Absorbent les minéraux et l’amour maternel
    Pour qu’à chaque mois de mars je brille de toues mes feuilles
    Je ne suis pas non plus la beauté d’un massif
    Suscitant des Oh et des Ah et grimée de couleurs vives,
    Ignorant que bientôt je perdrai mes pétales.
    Comparés à moi, un arbre est immortel
    Et une fleur assez petite, mais plus saisissante,
    Et il me manque la longévité de l’un, l’audace de l’autre.

    Ce soir, dans la lumière infinitésimale des étoiles,
    Les arbres et les fleurs ont répandus leur fraîche odeur.
    Je marche parmi eux, mais aucun d’eux n’y prête attention.
    Parfois je pense que lorsque je suis endormie
    Je dois leur ressembler à la perfection-
    Pensées devenues vagues.
    Ce sera plus naturel pour moi, de reposer,
    Alors le ciel et moi converserons à cœur ouvert,
    Et je serai utile quand je reposerai définitivement :
    Alors peut-être les arbres pourront-ils me toucher, et
      les fleurs m’accorder du temps.

     

     

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    I am vertical

    But I would rather be horizontal.
    I am not a tree with my root in the soil
    Sucking up minerals and motherlv love
    So that each March I may gleam into leaf,
    Nor am I the beauty of a garden bed
    Attracting my share of Ahs and spectacularly painted,
    Unknowing I must soon unpetal.
    Compared with me, a tree is immortal
    And a flower-head not tall, but more startling,
    And I want the one's longevity and the other's daring.


    Tonight, in the infinitesimal light of the stars,
    The trees and flowers have heen strewing their cool odours.
    I walk among them, but none of them are noticing.
    Sometimes I think that when I want sleeping
    I must most perfectly resemble them –
    Thoughts gone dim.
    It is more natural to me, lying down.
    Then the sky aund I are in open conversation,
    And I shall be useful when I lie down finally :
    Then the trees may touch me for once, and the flowers
    have time for me.

     

    À demain pour la suite.

     

  • Jules Supervielle - Avent #7

    Poursuivons cet Avent littéraire avec un poète, encore, oui je sais.

    De Jules Supervielle, je ne connaissais au début que ses nouvelles presque surréalistes. Je me rappelle comme si c’était hier (et c’est loin d’être le cas…), de la première fois où j’ai lu L’Enfant De La Haute Mer, en classe de primaire, suite à une dictée ou quelque exercice de ce genre. Par la suite j’avais emprunté le recueil de nouvelles au CDI, et bien plus tard j’ai découvert ses poèmes.

    Contrairement aux nouvelles, la poésie de Supervielle ne s’inscrit pas dans le Surréalisme. On y retrouve la fragilité, la douceur, une élégance de chevalier d’un autre temps. Est-ce de n’avoir pas connu ses parents, morts dans sa très jeune enfance ; est-ce d’être de deux patries, et donc du monde, la poésie de Supervielle est de celle qui trace un chemin vers le cœur, discrètement mais pour longtemps.

    De manière tout à fait personnelle, et peut-être à cause de L’Enfant De La Haute Mer, Jules Supervielle est pour moi le poète de l’océan, des rivages et des voyages imaginaires. Mais ce serait vain et réducteur de vouloir l’assigner quelque part. Supervielle est un poète, et comme tous les poètes : le messager universel de la beauté et des sentiments humains.

     

    Puisque nos battements

    S'espacent davantage,

    Que nos cœurs nous échappent

    Dans notre propre corps,

    Viens, entr'ouvre la porte,

    Juste assez pour que passe

    Ce qu'il faut d'espérance

    Pour ne pas succomber.

    Ne crains pas de laisser

    Entrer aussi la mort,

    Elle aime mieux passer

    Par les portes fermées.

     

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    Lettre à l'étoile

     

    Tu es de celles qui savent

    Lire par dessus l'épaule

    Je n'ai même pas besoin

    Pour toi, de chercher mes mots,

    Depuis longtemps ils attendent,

    A l'ombre de mon silence

    Derrière les lèvres closes

    Et les distances moroses

    A force d'être si grandes.

    Mais, vois, rien ne les dénonce,

    Nous ne sommes séparés

    Par fleuves ni par montagnes,

    Ni par un bout de campagne,

    Ni par un seul grain de blé.

    Rien n'arrête mon regard

    Qui te trouve dans ton gîte

    Plus vite que la lumière

    Ne descend du haut du ciel

    Et tu peux me reconnaître

    A la luisante pensée

    Qui parmi tant d'autres hommes

    Élève à toi toute droite

    Sa perspicace fumée.

    Mais c'est le jour que je t'aime

    Quand tu doutes de ta vie

    Et que tu te réfugies

    Aux profondeurs de moi-même

    Comme dans une autre nuit

    Moins froide, moins inhumaine.

    Ah sans doute me trompé-je

    Et vois-je mal ce qui est.

    Tu n'auras jamais douté,

    Toi si fixe et résistante

    Et brillante de durée,

    Sans nul besoin de refuge

    Lorsque le voile du jour

    A mon regard t'a célée,

    Toi, si hautaine et distraite,

    Dès que le jour est tombé

    Et moi qui viens et qui vais

    D'une allure passagère

    Sur des jambes inquiètes,

    Tous les deux faits d'une étoffe

    Cruellement différente

    Qui me fait baisser la tête

    Et m'enferme dans ma chambre.

    Mais tu as tort de sourire

    Car je n'en ai nulle envie,

    Tu devrais pourtant comprendre

    Puisque tu es mon amie.

     

     

    À demain.