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Oh Océane - Page 17

  • John Keats - Avent Littéraire #3

    Quand le film de Jane Campion, Bright Star, est sorti, j’y suis allée avec joie, sur la seule foi de mon amour pour ce poète.

    Chante de la nature, des sentiments et des sensations, Keats n’a pas eu besoin d’une longue vie pour nous laisser une belle œuvre.

    Aujourd’hui, pour cette nouvelle case de mon Avent littéraire, je vous propose de lire ensemble un poème sur lequel j’aime méditer, quand je suis dans une période difficile.

    Bienvenue à la joie, bienvenue au chagrin,
    À l’herbe du Léthé, à la plume d’Hermès ;
    Bienvenue aujourd’hui et bienvenue demain,
    Je vous aime tous deux d’une égale tendresse !
    J’aime voir des visages tristes par temps clair,
    Et entendre un éclat de rire joyeux au milieu du tonnerre.
    J’aime ensemble le beau et l’infâme,
    La douceur des prairies sous lesquelles couvent des flammes,
    Un gloussement de rire devant une merveille ;
    Mais un visage sage à la vue d’une farce ;
    Le glas des funérailles et le carillon qui rit au clocher,
    L’enfant qui joue avec un crâne,
    Le matin clair et les coques des nefs par l’ouragan brisées,
    La belladone au chèvrefeuille unie dans dans un baiser,
    Les serpents dans des roses rouges sifflant ;
    Cléopâtre en robe de reine
    Les aspics pendus à son sein,
    La musique dansante et la musique triste,
    Ensemble réunies, raison avec folie ;
    Muses radieuses et Muses blêmes,
    Ôtez de vos visages le voile !
    Laissez-moi voir ! et laissez-moi écrire
    Du jour et de la nuit
    Ensemble réunis. Laissez-moi étancher
    Toute ma soif d’un mal de cœur exquis !
    Qu’un if me soit un ciel de lit,
    Entrelacé de jeunes myrtes,
    De pins et de tilleuls en pleine floraison,
    Et que ma couche soit une humble tombe d’herbes.

    Tiré du recueil Seul dans la splendeur – Éditions du Point (Seuil)

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  • Pourquoi lire Adonis ? Avent Littéraire #2

    Chaque année, au moment des distinctions du Prix Nobel, je me prends à espérer que enfin, après tant d’attente, l’académie suédoise reconnaitra à la face du monde le talent de mon cher Adonis. Je crois qu’un des premiers billets « littéraires » qui m’ait été inspiré en ces lieux, fut à la suite d’un échec d’Adonis, une année où il tenait bon la corde. Mais las, un autre fut choisi. Une fois de plus. Souvent pressenti au Nobel, Adonis est pourtant un poète peu connu en France, en tout cas de ce que je peux en voir.

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    Pourquoi ce nom d’abord ? Adonis est né en Syrie, et a voué très jeune sa vie à l’écriture, essuyant d’abord refus d’éditions et silence. Se rappelant la légende du dieu Adonis, celui qui meurt dévoré par des bêtes, et qui va renaitre des larmes d’Aphrodite, sous la forme de l’anémone, notre poète va tourner la page de ces échecs, mourir à son ancien Je et renaitre en Adonis le poète. En guise de fleurs, ce seront des poèmes solaires, des vers d’amour destiné à une terre sans frontières, à un espace qui est dessiné par le vent et par les mots. Des mots d’amour envoyé à ce frère, cette sœur que nous devrions reconnaître dans chaque visage humain croisé dans nos vies.

    Car malgré les guerres qui traversent le Moyen-Orient, la Syrie de sa naissance, le Liban de son adoption, Adonis propage dans ses vers l’éternel appel à la fraternité et à l’amour.

    Quand je le lis, je pense à un vagabond amoureux, qui va de ville en ville prêcher sa bonne parole, et répandre l’amour. Qu’il parle des femmes ou des villes, Adonis nous porte dans un songe éveillé.

    Avec une goutte d'ennui
    je comble à chaque instant
    un lac d'espérance

    Mais comme tout bon poète, il sait que son œuvre est un prolongement de la réalité, de l’existence vécu, et non simplement un fantasme en mots. Et le lecteur le ressent parfaitement, qu’il parle d’une blessure amoureuse ou de la fierté d’un peuple. Et c’est peut-être au nom de cet ancrage qu’Adonis nous a offert également quelques essais, dont un dernier livre d’entretien, au sujet de l’Islam et de la violence. Un sujet dont l’actualité nous a tous sonné il y a peu. Je ne l’ai pas encore lu, donc je n’en parlerai pas précisément ce jour, mais il semble faire un constat implacable, sur l’imprégnation mortifère de la religion sur les civilisations arabes, et il propose quelques pistes pour en sortir, notamment une séparation du clergé et du politique. J’ai donc hâte de le lire, afin de comprendre un peu plus les secousses que nous vivons.

    Voilà, d’une rive à l’autre, Adonis trace des chemins : à nous de les emprunter.

     

    Mémoire d’un Tyran :

    Épi par épi,
    N’en laissez aucun…
    Cette moisson est notre paradis retrouvé,
    Notre pays à venir.

    Déchirez les cœurs avant les poitrines,
    Arrachez les racines,
    Changez cette glèbe
    Qui les a portés.
    Effacez un temps, qui a narré leur histoire,
    Effacez un ciel qui s’est incliné sur eux,
    Épi par épi,

    Afin que la terre revienne
    À son état premier…

    Épi par épi…

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    A demain pour une autre case de mon calendrier de l'Avent.

     

     

     

  • Pourquoi lire Dan Fante (indice : parce que c'est beau) Avent Littéraire #1

    À l’occasion de cette reprise d’écriture sur le blog, j’avais envie de partager avec vous des lectures, de cet été, puis de l’automne, et puis s’est imposé l’idée de simplement partager chaque jour de l’Avent un auteur que j’apprécie particulièrement.

    La semaine dernière, Dan Fante nous a quitté, au terme d’une vie entre lumière et bas-fonds. J’aime les auteurs qui écrivent avec leur sang, si j’ose cette métaphore un peu bas de gamme. Mais le fait est que les mots de Dan Fante nous plongent dans un univers de misère, d’alcool, de fuites et d’errances lunatiques. Dan Fante s’est placé sous le parrainage de trois grands auteurs : son père John Fante, Hubert Selby Jr et Charles Bukowski. J’ai souvent mis en parallèle Selby et Dan Fante, dans mon paradis personnel, tant ils me renvoient chacun une image à la fois solaire et violemment sombre de l’Amérique.

    J’arrête là les comparaisons oiseuses, le plus important c’est de lire, n’est-ce pas ?

    Alors pour cette première case d’Avent littéraire, j’aimerai relire avec vous ces quelques vers de Dan Fante :

     

    Pendant des années
    j'ai versé du bourbon dans ma tête
    pour tuer les voix

    Mais vint le temps où j'ai dû lâcher la gnôle
    ou rendre mon passeport

    Des jours ca allait si mal
    que je devais remballer mes affaires dès le matin
    dire que j'étais malade
    et quitter mon poste de télé-vendeur
    trente secondes avant de tuer quelqu'un

    Je passais prendre deux Big Mac et louer deux pornos
    je rentrais
    tirais les rideaux
    et me branlais dans du steak haché
    pour étouffer le bruit

    Il me fallait des heures de télé et des romans de 800 pages sans
    répondre au téléphone
    pendant des jours
    sans me raser ni laver une assiette
    ni changer de slip
    juste pour garde la tête hors de l'eau

    Aujourd'hui
    je vais mieux

    j'ai changé pour Burger King

     

             

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    A la fin il y en a marre
    d'expliquer

    les gens te voient comme tu es ou pas

    pourquoi se crever à décrire le brouillard sur Venice
    ou la passion des sublimes Chevrolet 1957
    -ça intéresse qui?-
    soit tu es branché brouillard et Chevrolet soit pas

    Pour moi, la magie tient à la vie elle-même
    au cadeau immérité
    d'être ici présent
    de foncer tête baissée contre les murs
    ou assis dans un fauteuil à m'extasier sur l'origine du souffle

    La vie est improvisation - du théâtre - avec billet de faveur -
    imprévisible
    horrible
    grotesque
    absurde
    brutale
    précieuse
    et
    romantique

    une aventure

    Je sais que je ne vaux pas cher - mais je suis ce que je pense

     

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    (Tatouage de Dan Fante en hommage à son frère)

    Les Poèmes et récits de Dan Fante sont disponibles en poche chez Point et 10/18.

    À demain pour la suite.

     

  • Joie de vivre et merguez-frites

    Des mois que j’ai abandonné ce blog, pensant que je n’avais rien à dire de spécial, pas de plus-value à apporter dans un univers de blogging qui se professionnalise de plus en plus, avec une attente des lecteurs que je suppose ne pas pouvoir satisfaire. En effet je ne propose ni concours ni « give-away », ni partenariat avec des marques. Les quelques fois où je parle livres, c’est rarement en rapport avec l’actualité littéraire, et je ne fais gagner ni shampoing ni le dernier mascara à la mode. Alors je ne voyais plus trop l’intérêt de vous bassiner avec mes états d’âme.

    Avant de comprendre vendredi soir, que ce blog est avant tout un déversoir pour mes états d’âme, justement. Un endroit que j’ai ouvert, il y a bien longtemps, pour parler de tout ce qui peut me traverser la tête et qui ressent le besoin d’en sortir.

    Je vous ai épargné cette année mon avis éclairé sur le nouvel album d’Adèle (pitié mais qu’elle arrête de parler de son ex !) ; j’ai aussi gentiment gardé pour moi mon opinion sur le scandale qui a fait de Friends la soi-disant meilleure série de tout les temps (manifestement le jury n’a jamais entendu parler de Dream On ou de Buffy) ; j’ai aussi retenu mon envie de vous écrire tout le mal que je pensais de Charlotte, tant ce roman de Foenkinos avait été finement analysé par de plus talentueux que moi (mais pour résumer : quelle daube !)

    J’ai un instant pensé reprendre le clavier pour parler de ma nouvelle lubie, la broderie japonaise, tant ça n’intéresse personne à part moi.

    Et pourtant, c’était bien la fonction de ce blog que de servir de dérivatif : faire dériver les mots de mon cerveau à une page, pour m’en libérer.

    Depuis vendredi j’ai besoin d’être libérée de certains mots, et de la tristesse aussi.

    Quand la terreur frappe à quelques mètres de la porte, il faut pouvoir le dire quelque part, sans attendre de réponse, juste le dire, et s’en débarrasser, comme d’un fardeau importun.

    Mon quartier a été touché, vendredi, violenté et désacralisé. Cette idée du chez soi, qui s’étend hors des murs aux rues et aux endroits que l’on fréquente par habitude, a été forcée, comme on force une porte. Après, ce n’est plus pareil. Je ne peux m’empêcher de penser que trois hommes (de si jeunes hommes), se sont fait exploser, dans ces rues, que l’on emprunte si souvent. Il ne nous est rien arrivé à nous. Rien. A part la peur, la certitude que « cela aurait pu », l’immense tristesse des 129 morts et des blessés. Rien qu’un traumatisme partagé avec le pays. Rien que la terrible proximité géographique.

    Et puis j’entends à nouveau mon fils, qui me réclame comme chaque soir de match au Stade de France, d’aller acheter une barquette de frites et des merguez. Cet enfant est un ogre sur pattes en ce moment : la nourriture est sa priorité (avec les Pokemons et les Lego, tryptique fédérateur de beaucoup de gamins de 10 ans je crois). Et moi, comme je suis une vilaine maman et que parfois j’ai la flemme, je dis juste, non, pas de MacDo, ni de merguez-frites d’abord j’ai fait une super soupe de courgettes. Je ne vous raconte pas la tête du gamin à l’idée de manger une soupe de courgette quand s’amène à lui la douce odeur du merguez-frites.

    C’est idiot, mais j’ai hâte d’être au prochain match, concert, pour sortir avec lui et déguster une merguez-frites dans du pain trop vieux, avec une serviette en papier trop petite, dans la joie et le gras.

    Elle avait un gout trop amer, la soupe de courgette, vendredi soir.

  • Un Incroyable Talent - David Frankel

    Dans le contexte d’un nombre de salles toujours limité malgré une offre de films en augmentation constante, de nombreux films sont sortis directement en DVD depuis une quinzaine d’années. Avec la maturité technologique de la VOD, les plateformes en ligne ont depuis pris le relais.  D’abord limité à des films de genre ou à petit budget, ce mode de distribution touche maintenant les films grand public, même issus des grands studios, donc cela concerne dorénavant de belles productions et des projets d’envergure. Produit par Harvey Weinstein, « Un incroyable talent » sortira en e-cinéma (exclusivement sur vos services de vidéo à la demande) le 3 juillet.

    « Un incroyable talent », biopic sur l’histoire de Paul Potts, un vendeur de téléphone du Pays de Galles devenu le vainqueur de « British Got Talent » et enfin interprète de disques multiplatine grâce à ses talents de chanteur d’opéra.

    Moins connu en France que Susan Boyle ou Marina Kaye, Paul Potts (oui le film joue aussi de l’homonymie avec le dirigeant khmer) joue un peu dans la catégorie de la première. Les deux ont été vendus au public comme des vilains canards prenant une revanche sur la vie. Le réalisateur  - David Frankel - traite son sujet de manière suffisamment légère pour ne pas en faire un mélo pénible. Les pauvres y sont pauvres mais jamais misérables. C’est le style Frankel – Marley et moi, Le Diable s’habille en Prada (déjà un biopic, tiré d’un livre de Lauren Weisberger) – de traiter des difficultés de la vie comme si elles n’étaient jamais bien graves.

    Les situations dépeignant des rapports de classe sont édulcorées. Ainsi Paul a intégré un cours prestigieux d’art lyrique à Venise et est invité à déjeuner dans sa famille par une autre étudiante trop belle pour lui. Heureusement la famille elle n’est pas si riche, et la scène évite le message politique lourdaud pour un comique de situation classique et même crédible, s’il n’est pas original.

    Le film passe rapidement sur les années de jeunesse, et se concentre sur les années de la quête : du premier concours local qui lui permet de payer ses cours de chant à Venise jusqu’au triomphe au premier passage télé, avec les personnages de sa vie en trame de fond : la petite amie qui deviendra sa femme, le patron et meilleur pote de la boutique de téléphones, la mère qui le soutient envers et contre tout et le père qui désapprouve ses rêves de grandeur. La suite est racontée dans un souffle : Paul a gagné la demi-finale et la finale, a vendu des millions de disque et se produit maintenant devant la reine.

    Le style biopic fonctionne car on s’intéresse au devenir du personnage principal. Frankel rend Paul sympathique de telle manière que le spectateur prend immanquablement son parti et, de fil en aiguille, l’emmène sans difficulté au générique de fin. Ça ne fera pas de « Un incroyable talent » le film de l’année, mais lui assurera un succès certain au pays de son succès. Il ne tient qu’à vous d’en faire un succès en France.

     

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    Disponible dès le 3 juillet 2015 sur toutes vos plates-formes de vidéos à la demande.



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