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  • Lope de Vega, Soliloques Amoureux d'une Âme à Dieu - Avent littéraire #14

    Ce soir, un Grand d’Espagne ! Non pas un roi, ni un empereur, mieux que ça : un écrivain. Lope de Vega n’est pas le plus connu des auteurs espagnols et c’est dommage. Si un jour l’occasion vous est donnée, offrez-vous la lecture de ses pièces de théâtre, il n’y a pas beaucoup de traduction disponible, mais l’effort de recherche sera amplement récompensé. Pour ma part, je remercie le réseau des médiathèques de ma ville, qui possède un bel éventail des œuvres de Lope de Vega !

    Lope de Vega a révolutionné le monde des Lettres en Espagne, et a laissé une œuvre foisonnante. Aujourd’hui, je m’intéresse à quelques uns de ses poèmes, intitulés Soliloques Amoureux d’une Âme à Dieu. La vie de Lope de Vega est digne d’un roman : une vie amoureuse rocambolesque, quelques passages dans l’Invincible Armada, une carrière en dent de scie, et des épreuves qui l’amènent à une crise mystique qui remettra bien des choses en causes.

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    Ce recours à Dieu est magnifiquement mis en vers dans les Soliloques. Lope de Vega s’adresse au Seigneur comme à une femme aimée. Dans ces poèmes il s’agit d’amour infini, de pardon, de rédemption et d’angoisses à apaiser.

    On découvre un auteur emprunt de mélancolie, quant à ses erreurs passées, et qui cherche le réconfort du Pardon. Pour autant, il ne s’agit pas simplement de négocier une remise sur péché, loin de là. La beauté profonde de ses soliloques réside dans sa nature profonde : une vraie déclaration d’amour à Dieu.

    En ce temps d’Avent, il ne m’est pas apparu superflu de proposer cette lecture :) Voici donc un extrait du Soliloque IV :

     

    De mon insouciance, Seigneur,

    Vous vous souciez, m’a-t-on dit.

    Si j’ai soucié Dieu ainsi,

    Pourquoi n’est-il pas dans mon cœur ?

     

    Et moi qui pensais Vous aimer,

    Par mon amour, tout simplement,

    Avec un tel comportement,

    J’étais bien loin d’y arriver.

     

    À quoi servent mes mots d’amour

    Tant sont nombreuses mes erreurs ?

    Les actes sont amour, Seigneur,

    Et non pas tous les beaux discours.

     

    Oh, Seigneur, mais quand donc serai-je

    Tel que Vous voulez que je sois ?

    Puisque Vous m’aimez et moi pas,

    De Vous et de moi que dirai-je

     

    De Vous je dis : Vous êtes Dieu,

    De moi que je ne suis pas homme,

    Car il ne se peut que l’on nomme

    Ainsi qui ne Vous connaît mieux.

     

    À demain !

  • Robert Desnos - Avent littéraire #9

    Le souci quand on se lance dans une sorte de calendrier de ses poètes favoris, c’est se rendre compte qu’il y en a tant qu’on aime, tant qu’on ne peut choisir. À chaque fois, j’ai envie de dire, bêtement, c’est mon préféré. Les préférés sont nombreux et se bousculent aux portes de ma mémoire.

    Alors ce soir, encore un préféré, Robert Desnos, au destin aussi tragique que peuvent l’être les destins d’écrivains. Mort au camp de Theresienstadt, Desnos a été tant poète que résistant, jusqu’au dernier souffle.

    Voici deux de mes poèmes favoris, dont un que je me permets de vous lire.

     

    J’ai Tant Rêvé de Toi

     
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    J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
    Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant
        et de baiser sur cette bouche la naissance
        de la voix qui m’est chère ?
    J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre
        à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
        au contour de ton corps, peut-être.
    Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante
        et me gouverne depuis des jours et des années
        je deviendrais une ombre sans doute,
    Ô balances sentimentales.
    J’ai tant rêvé de toi qu’il n'est plus temps sans doute que je m’éveille.
        Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie
        et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd'hui pour moi,
        je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres
        et le premier front venu.
    J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme
        qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant,
        qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois
        que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement
        sur le cadran solaire de ta vie.

     

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    Le Fard Des Argonautes

     

    Les putains de Marseille ont des sœurs océanes
    Dont les baisers malsains moisiront votre chair.
    Dans leur taverne basse un orchestre tzigane
    Fait valser les péris au bruit lourd de la mer.

    Navigateurs chantant des refrains nostalgiques,
    Partis sur la galère ou sur le noir vapeur,
    Espérez-vous d’un sistre ou d’un violon magique
    Charmer les matelots trop enclins à la peur ?

    La légende sommeille altière et surannée
    Dans le bronze funèbre et dont le passé fit son trône
    Des Argonautes qui voilà bien des années
    Partirent conquérir l’orientale toison.

    Sur vos tombes naîtront les sournois champignons
    Que louangera Néron dans une orgie claudienne
    Ou plutôt certain soir les vicieux marmitons
    Découvriront vos yeux dans le corps des poissons.

    Partez ! harpe éolienne gémit la tempête...

    Chaque fois qu’une vague épuisée éperdue
    Se pâmait sur le ventre arrondi de l’esquif
    Castor baisait Pollux chastement attentif
    À l’appel des alcyons amoureux dans la nue.

    Ils avaient pour rameur un alcide des foires
    Qui depuis quarante ans traînait son caleçon
    De défaites payées en faciles victoires
    Sur des nabots ventrus ou sur de blancs oisons.

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Une à une agonie harmonieuse et multiple
    Les vagues sont venues mourir contre la proue.
    Les cygnes languissants ont fui les requins bleus
    La fortune est passée très vite sur sa roue.
     
    Les cygnes languissants ont fui les requins bleus
    Et les perroquets verts ont crié dans les cieux.
     
    — Et mort le chant d’Éole et de l’onde limpide
    Lors nous te chanterons sur la Lyre ô Colchide.
     
    Un demi-siècle avant une vieille sorcière
    Avait égorgé là son bouc bi-centenaire.
    En restait la toison pouilleuse et déchirée
    Pourrie par le vent pur et mouillée par la mer.
     
    — Médée tu charmeras ce dragon venimeux
    Et nous tiendrons le rang de ton bouc amoureux
    Pour voir pâmer tes yeux dans ton masque sénile ;
    Ô ! tes reins épineux ô ton sexe stérile,

    Ils partirent un soir semé des lys lunaires.
    Leurs estomacs outrés teintaient tels des grelots.
    Ils berçaient de chansons obscènes leur colère
    De rut inassouvi en paillards matelots...

    Les devins aux bonnets pointus semés de lunes
    Clamaient aux rois en vain l’oracle ésotérique
    Et la mer pour rançon des douteuses fortunes
    Se paraît des joyaux des tyrans érotiques.

    — Nous reviendrons chantant des hymnes obsolètes
    Et les femmes voudront s’accoupler avec nous
    Sur la toison d’or clair dont nous ferons conquête
    Et les hommes voudront nous baiser les genoux.

    Ah ! la jonque est chinoise et grecque la trirème
    Mais la vague est la même a l’orient comme au nord
    Et le vent colporteur des horizons extrêmes
    Regarde peu la voile où s’asseoit son essor.

    Ils avaient pour esquif une vieille gabarre
    Dont le bois merveilleux énonçait des oracles.
    Pour y entrer la mer ne trouvait pas d’obstacle
    Premier monta Jason s’assit et tint la barre.

    Mais Orphée sur la lyre attestait les augures ;
    Corneilles et corbeaux hurlant rauque leur peine
    De l’ombre de leur vol rayaient les sarcophages
    Endormis au lointain de l’Égypte sereine.

    J’endormirai pour vous le dragon vulgivague
    Pour prendre la toison du bouc licornéen.
    J’ai gardé de jadis une fleur d’oranger
    Et mon doigt portera l’hyménéenne bague.

    Mais la seule toison traînée par un quadrige
    Servait de paillasson dans les cieux impudiques
    A des cyclopes nus couleur de prune et de cerise
    Hors nul d’entre eux ,ne vit le symbole ironique.

    — Oh ! les flots choqueront des arètes humaines
    Les tibias des titans sont des ocarinas
    Dans l’orphéon joyeux des stridentes sirènes
    Mais nous mangerons l’or des juteux ananas.

    Car nous incarnerons nos rêves mirifiques
    Qu’importe que Phœbus se plonge sous les flots
    Des rythmes vont surgir ô Vénus Atlantique
    De la mer pour chanter la gloire des héros.
     
    Ils mangèrent chacun deux biscuits moisissants
    Et l’un d’eux psalmodia des chansons de Calabre
    Qui suscitent la nuit les blêmes revenants
    Et la danse macabre aux danseurs doux et glabres.

    Ils revinrent chantant des hymnes obsolètes
    Les femmes entr’ouvrant l’aisselle savoureuse
    Sur la toison d’or clair s’offraient à leur conquête
    Les maris présentaient de tremblantes requêtes
    Et les enfants baisaient leurs sandales poudreuses.

    — Nous vous ferons pareils au vieil Israélite
    Qui menait sa nation par les mers spleenétiques
    Et les Juifs qui verront vos cornes symboliques
    Citant Genèse et Décalogue et Pentateuque
    Viendront vous demander le sens secret des rites.

    Alors sans gouvernail sans rameurs et sans voiles
    La nef Argo partit au fil des aventures
    Vers la toison lointaine et chaude dont les poils
    Traînaient sur l’horizon linéaire et roussi.

    — Va-t-en, va-t-en, va-t-en qu’un peuple ne t’entraîne
    Qui voudrait le goujat, fellateur clandestin
    Au phallus de la vie collant sa bouche blême
    Fût-ce de jours honteux prolonger son destin !

     

    A demain !

     

  • Sylvia Plath - Avent littéraire #8

    C’est toujours délicat de parler d’une icône, et manifestement, Sylvia Plath est une icône, une déesse morte et ressuscitée dans ses mots. L’abandon volontaire de son enveloppe terrestre rajoute du drame là où l’œuvre porte déjà tant de force.

    Dépressive, féministe, génie, on peut dire beaucoup de choses à propos de Sylvia Plath, toutes choses qui la réduisent certes, et pourtant qui projettent en ce monde dix mille, cent mille facettes d’une même femme : chacun de nos regards subjectifs sur elle, sur ses écrits, la ressuscite d’une différente manière.

    Je suppose que j’ai moi aussi un regard subjectif, j’oublie souvent combien sa vie intérieure a pu être sombre, quand je relis certains poèmes, où tout n’est qu’ode à la vie et à la nature. Et puis soudain, le lecteur sombre avec Sylvia, dans les brumes du Thalidomide. Complexité de l’âme. Merveille des mots : à chaque lecture on se rend compte que l’univers d’un poète ne peut se réduire à une case.

     

    Je Suis Verticale

    Mais je voudrais être horizontale.
    Je ne suis pas  un arbre dont les racines en terre
    Absorbent les minéraux et l’amour maternel
    Pour qu’à chaque mois de mars je brille de toues mes feuilles
    Je ne suis pas non plus la beauté d’un massif
    Suscitant des Oh et des Ah et grimée de couleurs vives,
    Ignorant que bientôt je perdrai mes pétales.
    Comparés à moi, un arbre est immortel
    Et une fleur assez petite, mais plus saisissante,
    Et il me manque la longévité de l’un, l’audace de l’autre.

    Ce soir, dans la lumière infinitésimale des étoiles,
    Les arbres et les fleurs ont répandus leur fraîche odeur.
    Je marche parmi eux, mais aucun d’eux n’y prête attention.
    Parfois je pense que lorsque je suis endormie
    Je dois leur ressembler à la perfection-
    Pensées devenues vagues.
    Ce sera plus naturel pour moi, de reposer,
    Alors le ciel et moi converserons à cœur ouvert,
    Et je serai utile quand je reposerai définitivement :
    Alors peut-être les arbres pourront-ils me toucher, et
      les fleurs m’accorder du temps.

     

     

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    I am vertical

    But I would rather be horizontal.
    I am not a tree with my root in the soil
    Sucking up minerals and motherlv love
    So that each March I may gleam into leaf,
    Nor am I the beauty of a garden bed
    Attracting my share of Ahs and spectacularly painted,
    Unknowing I must soon unpetal.
    Compared with me, a tree is immortal
    And a flower-head not tall, but more startling,
    And I want the one's longevity and the other's daring.


    Tonight, in the infinitesimal light of the stars,
    The trees and flowers have heen strewing their cool odours.
    I walk among them, but none of them are noticing.
    Sometimes I think that when I want sleeping
    I must most perfectly resemble them –
    Thoughts gone dim.
    It is more natural to me, lying down.
    Then the sky aund I are in open conversation,
    And I shall be useful when I lie down finally :
    Then the trees may touch me for once, and the flowers
    have time for me.

     

    À demain pour la suite.

     

  • John Keats - Avent Littéraire #3

    Quand le film de Jane Campion, Bright Star, est sorti, j’y suis allée avec joie, sur la seule foi de mon amour pour ce poète.

    Chante de la nature, des sentiments et des sensations, Keats n’a pas eu besoin d’une longue vie pour nous laisser une belle œuvre.

    Aujourd’hui, pour cette nouvelle case de mon Avent littéraire, je vous propose de lire ensemble un poème sur lequel j’aime méditer, quand je suis dans une période difficile.

    Bienvenue à la joie, bienvenue au chagrin,
    À l’herbe du Léthé, à la plume d’Hermès ;
    Bienvenue aujourd’hui et bienvenue demain,
    Je vous aime tous deux d’une égale tendresse !
    J’aime voir des visages tristes par temps clair,
    Et entendre un éclat de rire joyeux au milieu du tonnerre.
    J’aime ensemble le beau et l’infâme,
    La douceur des prairies sous lesquelles couvent des flammes,
    Un gloussement de rire devant une merveille ;
    Mais un visage sage à la vue d’une farce ;
    Le glas des funérailles et le carillon qui rit au clocher,
    L’enfant qui joue avec un crâne,
    Le matin clair et les coques des nefs par l’ouragan brisées,
    La belladone au chèvrefeuille unie dans dans un baiser,
    Les serpents dans des roses rouges sifflant ;
    Cléopâtre en robe de reine
    Les aspics pendus à son sein,
    La musique dansante et la musique triste,
    Ensemble réunies, raison avec folie ;
    Muses radieuses et Muses blêmes,
    Ôtez de vos visages le voile !
    Laissez-moi voir ! et laissez-moi écrire
    Du jour et de la nuit
    Ensemble réunis. Laissez-moi étancher
    Toute ma soif d’un mal de cœur exquis !
    Qu’un if me soit un ciel de lit,
    Entrelacé de jeunes myrtes,
    De pins et de tilleuls en pleine floraison,
    Et que ma couche soit une humble tombe d’herbes.

    Tiré du recueil Seul dans la splendeur – Éditions du Point (Seuil)

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  • Décembre !

    Décembre, décembre, mois des frimas, mois des listes (la liste des cadeaux, la liste des menus, des invités, des non-invités…). Décembre, mois des courses contre la montre, des courses de boutiques en boutiques, mois des questions existentielles (que pourrais-je offrir à tata Andrée que je n’ai pas vu depuis 10 ans…). Décembre, mois de Noël, des enfants et des pensées positives (aimons-nous les uns les autres, le temps d’une dinde aux marrons) (je n’aime pas la dinde aux marrons, je vous apprécierai mieux autour d’un plat de poisson, je l’avoue…). Décembre mois des petites joies, et puis surtout mois du sapin, qui en prend pour son grade, affublée de mille couleurs qui feraient rougir un camion volé.

    J’aime décembre, j’aime notre sapin, que je prends plaisir à décorer chaque année avec mon fils, depuis la première boule de Noël que nous avons choisie ensemble, quand il était tout petit (oui, il a désigné la boule, fait areuh, et j’ai su que c’était celle qui lui plaisait…)

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    Depuis, chaque année est prétexte à choisir une ou plusieurs nouvelles décoration pour l’arbre, qui viendront enrichir son histoire, celle s’on se raconte tout les noëls. L’histoire de la forêt enchantée et du pays des neiges, c’est l’univers toute entier contenu dans un simple arbre, par la magie de quelques personnages.

    Alors notre arbre n’est ni « thématique », ni peut-être harmonieux aux gouts de certains, mais c’est un arbre unique, celui d’une famille, une histoire qui nous appartient.

    Et nous n’oublierons pas le Père Noël, cette année encore quelques petits gâteaux l’attendront !

    En attendant, c’est le calendrier de l’Avent qui est en place, et qui fait le bonheur quotidien de mon petit gourmand. L’indigne mère que je suis ne l’a pas fait de ses mains : je me suis contenté de l’acheter, il y a quelques années, et il fait très bien son office. J’aime bien ses petits tiroirs, on peut y mettre tant de choses.

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    Décembre, mois des surprises !