J’avais pris ce livre dans le rayonnage assez par hasard. J’avais commencé par lire les premières pages, dans les travées de la libraire, avant de le reposer. Parce que les premières pages semblaient racontées par un enfant et bon moi, des fois je suis assez stupide pour m’arrêter à ce genre de détails.
Et puis, je l’ai revue encore, la fois d’après, et je ne sais pas pourquoi, je me suis dit essaie, il y a quelque chose dans ces 2 premières pages que tu ne comprends pas, et qui mérite d’y voir de plus près.
Alors je l’ai acheté. Puis j’ai attendu, quelque chose comme deux ou trois mois avant de le lire. Un soir, alors que mon fils dormait, heureux (j’espère), dans son lit, au milieu de ses jouets et peluches, les livres du soir tombés de la couette, ce soir là donc, j’ai rouvert Room, de Emma Donoghue. Et je ne l’ai pas lâché de la soirée, jusqu’à tout lire, opération assez difficile entre les voiles de larmes, les hoquets de désespoir et les résonnances particulières que prenaient certaines pages.

Et puis j'ai mis plus d'un an à me décider à en parler ici, tant ce récit vit encore dans mon cerveau, un peu trop fort.
L’histoire.
Comment résumer. Je ne le ferais pas, je n’y arriverai pas, alors je vous mets le résumé de l’éditeur, très fidèle : « Sur le point de fêter ses cinq ans, Jack a les préoccupations des petits garçons de son âge. Ou presque.
Il ne pense qu’à jouer et à essayer de comprendre le monde qui l’entoure, comptant sur sa mère pour répondre à toutes ses questions. Cette mère occupe dans sa vie une place immense, d’autant plus qu’il habite seule avec elle dans une pièce unique, depuis sa naissance.
Il y a bien les visites du Grand Méchant Nick, mais Ma fait tout pour éviter à Jack le moindre contact avec ce personnage. Jusqu’au jour où elle réalise que l’enfant grandit, et qu’elle ne va pouvoir continuer longtemps à entretenir l’illusion d’une vie ordinaire. Elle va alors tout risquer pour permettre à Jack de s’enfuir.
Mais l’enfant va-t-il réussir à trouver des repères loin de leur univers ? Quel accueil lui réservera le monde extérieur, lui l’enfant né de la captivité d’une femme ?
Room interroge la capacité de survie qui existe en chacun de nous, tout en célébrant les pouvoir du récit et du langage. Mais l’auteur résume magnifiquement son principal objet de réflexion : « Le drame essentiel de la parentalité : comment l’on passe d’un instant à l’autre du rôle de celui qui console à celui qui persécute, tout comme les enfants passent leur temps à illuminer notre vie et à nous rendre fous. J’ai essayé de saisir cette étrangeté et ce paradoxe. Devenir parent suscite les émotions les plus folles qu’on puisse ressentir. »
Voilà.
Et moi là-dedans ?
J’ai regardé admirative, comment une femme, en état de faiblesse, peut trouver protéger son enfant, et encore plus que ça, pour aller jusqu’à créer un univers tout entier, juste pour expliquer à son enfant que la vie qu’il vit est la plus belle, la plus incroyable, et pleine d’amour qu’on puisse vouloir.
Le parti pris de faire de Jack, l’enfant, le narrateur, donne une force supplémentaire à ce récit, tant l’univers qu’il nous présente est alors normal et beau, même dans son enfermement.
Et surtout, la volonté de cette femme de préserver son fils en créant ce monde bien à eux, ne l’empêche pas de chercher tous les moyens pour les en faire échapper.
Et ils réussiront à s’extraire de la chambre, de l’univers confiné... Le moment alors pour eux, et pour nous de basculer dans un autre univers, sans toit ni portes scellées, mais avec le regard de bête curieuses des autres, la culpabilité des « vivants » du dehors, la culpabilité de la mère aussi, et celle de l’enfant, la découverte que cette relation fusionnelle par la force des choses, va nécessiter d’évoluer, mais comment ?
Je ne m’étendrai pas plus, ce récit est vraiment pour moi un des meilleurs objets de littérature des dernières années.
Arriver à aborder un tel sujet avec inventivité, en échappant au glauque, au sordide, et laisser au lecteur une belle trace d’espoir et d’amour surtout, c’est un coup de maitre.
J’ai essayé de ne pas trop me mélanger les pensées, entre l’histoire de Jack, ce que sa mère a surmonter et créé pour lui, et qui fait toute la beauté de la mission d’une mère, et puis mes propres échecs et erreurs de mère, sans parler des échecs que la vie se plait à accomplir pour vous…
J’ai retenu aussi de ce récit qu’il faut faire de son mieux avec son enfant, enfermée comme la mère de Jack, ou libre, il faut faire de son mieux, avancer, protéger et puis ce que l’on rate, ce que l'on ne peut accomplir, ne fait pas de nous de plus mauvais parents pour autant.
Je fais de mon mieux pour E. J’aurais certainement fait de mon mieux pour L. aussi si j’en avais eu la possibilité ne serait-ce qu’une journée.
Cette certitude, il faut se la répéter chaque jour.
Emma Donoghue a réussi à tirer de la lumière de ce qu’il peut y avoir pire comme noirceur.
Room – Emma Donoghue
Sortie en poche tout récemment.